En Cisjordanie, des politiques israéliennes de plus en plus violentes pour déplacer de force les Palestiniens
![« C’était ma maison de famille, elle faisait 250 mètres carrés, le 14 mai, ils [l’armée israélienne] l’ont rasée sans aucun avertissement. Quand je suis revenu, j’avais tout perdu, toutes les économies de ma vie était dans cette maison », Maher Ubayat, un habitant du village de Kisan. Cisjordanie, août 2025](/sites/default/files/styles/contenu_article/public/2025-09/MSB245582%28High%29%281%29.jpeg?h=71976bb4)
Depuis le début de l'année, l'opération militaire israélienne « Iron Wall » a entraîné le déplacement forcé de près de 40 000 personnes dans le nord de la Cisjordanie, où les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) interviennent.
Au cours des dernières années, les équipes MSF ont constaté une intensification des violences et du contrôle exercés par l'armée israélienne et les colons sur les Palestiniens, avec une escalade de la répression militaire et de la violence des colons.
« Ces actions s'inscrivent dans le cadre d’un système colonialiste, avec un déplacement forcé des communautés palestiniennes qui tend à consolider un changement démographique durable », explique Simona Onidi, coordinatrice de projet MSF à Jénine et à Tulkarem. Ces déplacements forcés, de plus en plus fréquents et massifs, semblent correspondre à un nettoyage ethnique menée par l’armée israélienne en Cisjordanie.
Intensification des stratégies de déplacement
Le plan de colonisation E1 récemment approuvé par les autorités israéliennes prévoit de couper la Cisjordanie en deux, isolant le Nord du Sud et séparant Jérusalem-Est du reste du territoire. La stratégie israélienne, qui s’est accélérée depuis le 7 octobre 2023, et qui consiste à morceler le territoire palestinien rend impossible toute perspective d’avenir pour les Palestiniens.
Depuis le début de l'année, l'opération militaire israélienne « Iron Wall » (mur de fer) a entraîné le déplacement forcé de près de 40 000 personnes dans le nord de la Cisjordanie, selon l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient. Trois camps de réfugiés ont été attaqués et vidés. Des maisons et des infrastructures civiles, notamment des écoles et des centres de santé, ont été détruits, diminuant les possibilités de retour pour les déplacés. Des équipes médicales mobiles MSF sont intervenues dans 42 sites à Tulkarem et Jénine, y compris dans les cliniques du ministère de la Santé palestinien. Elles ont également fourni des biens de première nécessité aux personnes déplacées.
Depuis janvier 2023, 6 450 Palestiniens ont été déplacés de force et leurs maisons, démolies. En avril et mai 2025, MSF a fourni une aide matérielle et un soutien psychologique aux habitants de 12 localités de la province d'Hébron dont les maisons ont été détruites. 246 personnes, dont au moins 97 enfants, ont été ainsi déplacées de force. Cela ne représente qu'une petite partie du nombre de démolitions totale qui ont eu lieu sur cette période. « Ce n'est pas la première démolition ou incursion de l'armée dans le village, mais c'est la plus violente », raconte Warda*, une habitante d'Hébron. « Nous avons demandé à l’armée israélienne si nous pouvions récupérer nos affaires avant qu'ils ne les détruisent, mais ils ont refusé. Ils ont démoli notre maison avec un bulldozer, ainsi que toutes nos affaires qui se trouvaient à l’intérieur. »
Les attaques des colons sont souvent menées en toute impunité et sous la protection de l'armée. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), près de 2 900 Palestiniens ont été déplacés depuis le début de l’année 2023, à cause des violences commises par les colons et des restrictions de mouvement qui empêchent les Palestiniens d'accéder aux services essentiels.
Depuis juin 2025, la plupart des villages de Masafer Yatta, au sud-est d’Hébron, sont confrontés quotidiennement à des attaques de colons et à des perquisitions militaires. Dans une enquête menée auprès de 197 familles du gouvernorat d'Hébron, MSF a constaté que celles dont au moins un membre a été exposé à la violence étaient 2 fois plus susceptibles de présenter une détresse psychologique grave. 28 % des familles ont également déclaré qu’au moins un de leurs proches avait subi des violences au cours des trois derniers mois.
Augmentation des restrictions et entraves à l'accès aux services de base
Les Palestiniens de Cisjordanie sont soumis à de nombreux obstacles physiques qui rendent leur quotidien extrêmement difficile et visent à les pousser à quitter leurs terres. Il s'agit notamment de restrictions de mouvement, avec la présence de points de contrôle dont le nombre a drastiquement augmenté. Entre décembre 2024 et février 2025, 36 nouveaux points de contrôle ont été créés. Les points de contrôle installés de façon temporaires et qui peuvent apparaître de manière imprévisible ont également augmenté. Ces restrictions ont un impact direct sur l'accès aux services essentiels – aller à l’école, se rendre au travail ou encore se faire soigner. De nombreux patients, qui auraient besoin de soins spécialisés à l’hôpital, n’ont pas d’autres alternatives que de se rendre dans les cliniques mobiles de MSF.
Au-delà des barrières dans l’accès aux soins, les Palestiniens de Cisjordanie subissent de fortes restrictions dans leur accès à l’eau, dont la distribution est contrôlée par les autorités israéliennes. Depuis mai 2025, la compagnie israélienne des eaux a considérablement réduit l'approvisionnement via les deux principaux points de raccordement desservant la province d’Hébron, entraînant une baisse de plus de 50 % de l’approvisionnement public en eau et affectant près de 800 000 personnes.
Les besoins dans les communautés au sud des collines d’Hébron sont désormais si importants que les approvisionnements d'urgence de MSF en matière d'eau et d'assainissement ne suffisent plus. Les équipes de MSF ont livré 30 réservoirs d'eau aux familles qui y vivent.
Les moyens de subsistance des Palestiniens sont de plus en plus menacés : l’annulation de permis de travail et les restrictions de mouvement bloquent l'accès à l'emploi, tandis que les attaques contre les terres agricoles et les bergers se poursuivent. Tout cela réduit encore davantage leur capacité à subvenir à leurs besoins. « Il ne s'agit pas seulement de démolir nos maisons, ils volent aussi nos terres, ils essaient de nous empêcher de vivre », explique un membre de la communauté de Masafer Yatta. « Tous les habitants d'ici vivent grâce à l'agriculture et à l'élevage de moutons. Mais les colons nous empêchent de faire paître nos bêtes, pour nous empêcher de gagner nos vies et nous forcer à partir. »
Les politiques d'annexion menées par Israël en Cisjordanie occupée constituent de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains : elles doivent cesser. MSF appelle les États, en particulier ceux qui entretiennent des liens politiques, militaires ou économiques étroits avec Israël, notamment les États-Unis et les États membres de l'Union européenne, à faire pression sur Israël pour mettre fin aux déplacements forcés et à ces politiques.
*Les noms ont été changé pour protéger l’identité des personnes.