Covid-19 : plus de 5 000 personnes en grande précarité vaccinées par MSF en Île-de-France, et après ?

Marc Begue, infirmier MSF, vaccine Sidibé dans un centre de la Fondation de l'Armée du Salut à Paris.
Marc Begue, infirmier MSF, vaccine Sidibé dans un centre de la Fondation de l'Armée du Salut à Paris. © Nicolas Guyonnet/MSF

En quatre mois, de juin à septembre 2021, les équipes de Médecins Sans Frontières ont vacciné contre la Covid-19 plus de 5 000 personnes vivant en situation de grande précarité à Paris et en Île-de-France, en allant directement à leur rencontre dans différents lieux de vie. La mission étant désormais terminée, Brice Daverton, médecin référent de l’opération vaccination de MSF en Île-de-France, dresse un premier bilan. 

Comment les équipes de MSF ont-elles été amenées à mettre en œuvre une mission de vaccination en Île-de-France ?

Nous avons lancé en juin 2021 notre activité de vaccination contre la Covid-19 auprès des personnes en situation de précarité, notamment les gens à la rue, les personnes vivant dans des centres d’hébergement d’urgence et des foyers de travailleurs migrants. Face à la lenteur de la vaccination des plus précaires, il y avait urgence à agir. C'est dans ce contexte que le ministère de la Santé et l’ARS nous ont directement sollicités pour participer à l’effort collectif.

Comment cette mission de vaccination a-t-elle été mise en place pour parvenir à toucher ces populations précaires  ?

Au total, nous sommes intervenus dans 42 lieux différents selon deux modes complémentaires. D'une part en « fixe » à la Porte de la Villette, 5 jours sur 7. D'autre part en équipe mobile en nous rendant dans les centres d’hébergement d’urgence, les lieux de distribution alimentaire, les foyers de travailleurs migrants, des associations diverses, des accueils de jour, des domiciliations, des squats... En pratique, notre fonctionnement était celui d’un centre de vaccination classique mais la différence réside dans notre volonté « d’aller vers ». Nous sommes directement allés dans les lieux où vivent les personnes en situation de précarité, c’est ce qui a fait à nos yeux le succès de cette opération.

Quel bilan tirez-vous de cette mission ? 

Dans les 42 lieux où nous avons procédé à des vaccinations, nous avons au total administré 10 811 doses, ce qui représente plus de 5 000 personnes qui ont maintenant un schéma vaccinal complet. Pour nous, la principale inconnue au début de l’activité résidait dans la nécessité de vacciner les personnes avec deux doses, et donc de savoir si les personnes allaient revenir pour leur deuxième injection. En faisant le bilan de la vaccination, on a constaté que quasiment 95% des personnes venues pour une première dose sont revenues, soit chez nous, soit dans un centre de vaccination, pour la seconde. Ce chiffre montre que les personnes en situation de précarité sont atteignables et sont effectivement concernées par la vaccination.

A quelles difficultés avez-vous dû faire face ? 

Nous avons eu certaines difficultés avec les pass sanitaires. On a constaté que les personnes qui n’avaient pas de numéro de sécurité sociale pouvaient bien être enregistrées dans le système pour avoir leur vaccin et leur pass sanitaire. Mais nous avons eu beaucoup de mal à les retrouver dans le système pour  réimprimer leur document, alors même que ces personnes, en raison de leurs conditions de vie, peuvent plus facilement perdre leur pass. Il y a donc une nécessité de simplifier ce système pour les personnes sans couverture sociale.

Pour les mineurs non accompagnés (MNA), une autre problématique  est apparue. De 12 à 17 ans, la présence d’un parent ou au moins d’un représentant légal est nécessaire pour se faire vacciner, ce qui rend la vaccination des MNA plus que difficile. Pour les mineurs âgés de plus de 16 ans sans représentant légal, des recommandations de l’ARS existent et facilitent leur vaccination. Pour les autres, une procédure existe, il faut passer par un juge mais c’est très compliqué à mettre en place en pratique. Nous avons donc appelé les autorités à trouver une solution urgente pour faire vacciner ces enfants-là, d’autant que le pass sanitaire a été généralisé à toutes les classes d’âge. 

Comment pressentez-vous la suite des opérations ? 

La fin de l’activité de vaccination de MSF soulève plusieurs interrogations. Ces dispositifs spécifiques « d’aller vers » les populations précaires vont-ils se poursuivre via d’autres acteurs, avec l’engagement des autorités sanitaires notamment ? Cela sera nécessaire pour pallier un certain nombre d’obstacles que nous avons identifiés et qui, malgré certaines évolutions, rendent difficile l’accès à la vaccination pour ces populations, tels que la prise de rendez-vous par internet, très compliquée pour certaines personnes, ou la barrière de la langue, qui rend difficile la sensibilisation à la vaccination par exemple. A la Villette, nous avions un traducteur qui permettait de faciliter les échanges avec les patients, les gens pouvaient avoir des réponses à leurs questions.

Par ailleurs, la fermeture d’un certain nombre de centres de vaccination risque de reporter l'activité de vaccination vers les professions libérales, les médecins généralistes notamment. Cela va être problématique vis-à-vis des personnes qui ne sont pas affiliées à la sécurité sociale. Pourront-elles être prises en charge gratuitement alors même que les médecins libéraux doivent facturer leurs actes médicaux ? Est-ce qu’un système va être mis en place pour que la vaccination puisse continuer d’être gratuite pour les populations précaires ? Beaucoup de questions restent pour l'heure sans réponse.

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