Coronavirus au Yémen : « beaucoup de gens meurent rapidement »

Aden, principal foyer du coronavirus au Yémen
Bouteilles d'oxygène devant l'hôpital al-Amal à Aden, Yémen - Mai 2020. © MSF

À Aden, Médecins Sans Frontières (MSF) a ouvert, fin avril, le seul centre de traitement de la Covid-19 de la ville. Le manque de moyen et de structures dédiées à la prise en charge du coronavirus dans la ville a des conséquences sans précédent. Les patients se présentent trop tard, dans un état déjà critique. 

Une voiture arrive devant le bâtiment blanc du centre de traitement de la Covid-19 de Médecins Sans Frontières à Aden. C'est un homme d'une soixantaine d'années qui tousse et éprouve des difficultés à respirer, mais s’assoit seul dans un fauteuil roulant avant que l'équipe ne l'emmène dans l'unité de soins intensifs pour le mettre sous oxygène. Quatre heures plus tard, il décède.

L’épidémie de coronavirus a frappé Aden de plein fouet et emporte les patients à une vitesse effroyable. « Nous avons beaucoup de décès, des morts rapides. C’est assez incompréhensible. », explique Thierry Durand, le coordinateur du projet de prise en charge de la Covid-19 à Aden. Fin avril, MSF a ouvert le seul centre de traitement du coronavirus de la ville et de ses environs, installé dans un ancien hôpital spécialisé dans le traitement du cancer, rénové à la hâte. Dans la région, tout le système de santé s'est effondré après les cinq années de guerre. 

43% de mortalité

Du 30 avril au 24 mai, MSF a admis 228 patients souffrant du coronavirus, dont 99 sont décédés.

« Les soignants éprouvent un sentiment d'impuissance face à la rapidité à laquelle l’état de santé des patient se détériore. D’autant plus que nous avons des moyens thérapeutiques limités, avec peu d'autres options que la mise sous oxygène ou sous respiration artificielle », poursuit Thierry Durand. La cour du centre de traitement est remplie de bouteilles d'oxygène. 250 cylindres de 40 litres sont utilisées chaque jour. « Si on schématise : le coronavirus s'attaque aux poumons et diminue l'oxygène dans le corps. Pour traiter le patient il faut donc compenser ce manque en oxygène, explique Dr Khairil Musa, spécialiste en soins intensifs pour MSF. Nous faisons des rondes pour vérifier les niveaux d'oxygène des patients. Parfois, les patients vont bien, puis un instant plus tard ils sont morts. D'autres sont à bout de souffle. Ils se fatiguent et arrêtent de respirer », renchérit Dr Khairil Musa.

L’approvisionnement en oxygène représente un défi logistique majeur pour les équipes de MSF. Mais ce n’est pas le seul matériel qui manque à l’appel. « Nous réutilisons les équipements de protection individuelle (EPI) car nous n’en avons pas assez. L'accès aux tests de dépistage est incroyablement limité. Nous n'avons pas assez de ventilateurs, nous avons besoin de plus de concentrateurs d'oxygène et d'une chaîne d'approvisionnement fiable. Régulateurs, tubes, masques. Tout cela nous fait souvent défaut », déclare le Dr Khairil Musa. 

Un si grand nombre de décès pose également le problème de la gestion des cadavres. « Nous n'avons pas de morgue dans le centre, continue Dr Khairil Musa. Il y a un imam qui vient récupérer les cadavres et les ramener aux familles, mais il n'y a pas assez de personnes pour manipuler les corps, alors ils peuvent rester là un certain temps. » Les chiffres fournis par les autorités indiquent un nombre d’enterrements quotidiens dans la ville de 80 à 90 au cours des dernières semaines, contre 10 avant l'épidémie. 

Dans ce contexte, l'équipe travaille sans relâche pour soigner ses patients et améliorer les conditions de prise en charge. Le centre atteindra sous peu une capacité de 72 lits. Néanmoins les besoins restent importants. « L’ampleur de la situation est trop importante pour que nous soyons les seuls à intervenir », conclut Dr Khairil Musa.

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