Assassiner en toute impunité ?

Dernière minute : 26 septembre 2006  Nous venons d'apprendre la libération sous caution du principal suspect de ces meurtres relâché le 12 septembre dernier. Cette décision souligne à nouveau l'impunité existante envers les assassins de volontaires
© Marit Helgerud

Voici un an, le 2 juin 2004, 5 de nos collègues – Helène de Beir, Pim Kwint, Egyl Tynaes, Fasil Ahmad et Besmillah – étaient assassinés dans la province de Bagdhis, au nord-ouest de l'Afghanistan. Ils travaillaient pour notre programme de soins dans cette région, et plus particulièrement de prise en charge de la tuberculose.

Ce tragique événement et l'absence de réaction des autorités afghanes furent un électrochoc à l'intérieur du mouvement MSF, poussant toutes les sections à se retirer d'Afghanistan, où nous étions depuis 24 ans. Nous menions des projets médicaux dans 12 provinces, avec 1400 employés afghans. La décision de partir a été douloureuse mais inévitable et indispensable.

Depuis, nous sommes choqués et scandalisés de constater qu'aucune poursuite n'a été engagée à l'encontre des responsables de ce crime odieux. Au contraire, le principal suspect – un des chefs de la police locale démis de ses fonctions peu avant l'assassinat – a retrouvé son poste. Cela équivaut, pour nous, à une approbation officielle de ce crime et tend à prouver l'impunité dont bénéficient les meurtriers de nos collègues et des travailleurs humanitaires en Afghanistan. Nous ne pouvons l'accepter et continuons donc d'appeler les autorités afghanes à mener une enquête approfondie, à faire toute la lumière sur cet assassinat et à traduire en justice les coupables.
Le 13 mai 2005, le président afghan Hamid Karzaï de passage à Bruxelles a rencontré les parents d'Hélène de Beir, l'une des victimes. A cette occasion, il a non seulement confirmé l'identité du principal suspect, mais surtout pris, pour la première fois, l'engagement public d'arrêter et de juger le ou les coupables. Le président Karzaï doit désormais respecter sa promesse et ses déclarations doivent être suivies d'effet.

Nous continuerons de nous battre pour la mémoire de nos collègues, par respect pour leurs familles, mais aussi parce que dans un tel climat d'impunité, l'action humanitaire est impossible. En Afghanistan, mais aussi en Irak, dans le Nord Caucase ou encore au Soudan, les humanitaires sont l'objet d'intimidations et de violences. Confondus avec les forces militaires "luttant contre le terrorisme" ou devenus des témoins gênants, ils courent le risque d'être enlevés, tués ou traînés en justice. Autant de moyens de pression qui visent à les réduire au silence ou à les faire partir. Autant de raisons pour nous d'affirmer toujours plus notre indépendance pour développer des programmes répondant aux besoins des populations vulnérables et non aux logiques politiques.
 
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