URGENCE GAZA

Gaza : les annonces sur le corridor maritime et la jetée temporaire ne sont qu’un écran de fumée

Lire le communiqué

Fonds d'urgence

Chapo

Grâce à vous, nos équipes interviennent en urgence auprès des populations qui en ont le plus besoin, partout où nous agissons.

je donne au fonds d'urgence MSF 

Amman : reconstruire les corps meurtris par la guerre

MSF - Hôpital de Amman - 2016
Un jeune homme de 23 ans, à l'hôpital MSF de Amman. Il était étudiant en droit à l'université de Damas avant le début du conflit syrien. Une bombe lui a arraché la jambe. Jordanie. 2016. © Chris Huby/LE PICTORIUM

L’hôpital de Médecins Sans Frontières à Amman en Jordanie est une structure unique dans la région : depuis dix ans, les équipes équipes de l’association offrent des soins spécialisés de chirurgie reconstructrice aux victimes directes et indirectes des conflits qui sévissent dans les pays voisins.

Une fois arrivés à Amman, ces patients entament un long chemin vers la reconstruction.

Victimes des conflits

Leemar est une jeune Syrienne de 8 ans. Il y a presque deux ans, elle et sa famille étaient dans leur maison à Dara’a dans le sud-ouest du pays lorsque la ville a été bombardée. Elle a été gravement blessée aux deux jambes et a d’abord été prise en charge en Syrie.

Six mois après le bombardement, sa famille a décidé de fuir la guerre. À leur arrivée dans le camp de réfugiés d’Azraq dans le nord de la Jordanie, le réseau médical développé par MSF lui a permis d’être référée à l’hôpital d’Amman.

Frappes aériennes

« Papa parlait au téléphone avec mes oncles. Maman regardait la télévision. Mon frère dormait et ma soeur récitait le Coran. Soudain j’ai entendu un bruit au-dessus de moi. [...] le souffle de l’explosion nous a éjectés hors de la pièce. Mon père m’a sortie des débris et m’a mise sur ses genoux. Il a essayé de me mettre debout mais mes jambes et mes genoux ne me portaient plus. »

Leemar, originaire de Syrie

© Faris Al-Jawad/MSF

Haider est quant à lui originaire d’Irak. Il a presque cinquante et vit à Bagdad avec son épouse. Il y a près de deux ans, il a été blessé lors de l’explosion d’une voiture piégée. Haider a été opéré à huit reprises en Irak avant d’être transféré à l’hôpital d’Amman pour une blessure à la jambe, que les services médicaux locaux n’arrivaient pas à soigner.

Voiture piégée

« C’était mon jour de congé mais on m’a dit que des lignes étaient en panne et que je devais me rendre avec mon équipe pour les réparer. J’avais remarqué la voiture quand je travaillais, elle était à 10 ou 15 mètres, explique-t-il. Je ne sais pas exactement ce qui m’est arrivé quand elle a explosé. Je pense que je me suis évanoui. »

Haider, originaire d'Irak

© Florian Seriex/MSF

Les histoires d’Haider et de Leemar sont deux histoires de vie parmi tant d’autres, qui se croisent dans notre hôpital d’Amman, au carrefour des conflits de la région. Ce sont des personnes dont les corps et parfois les vies ont été brisés que les équipes médicales accompagnent dans leur reconstruction, physique et mentale.

Des soins spécialisés

Initié en 2006, en réponse aux besoins médicaux des victimes du conflit en Irak, le programme de chirurgie reconstructrice MSF d’Amman a progressivement étendu son offre aux patients des autres pays de la région. Ils viennent désormais de Syrie, du Yémen ou d’Irak et ont pour point commun des blessures handicapantes et extrêmement difficiles à soigner.

Haider en consultation à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2017.
 © MSF/Florian SERIEX
Haider en consultation à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2017. © MSF/Florian SERIEX

Les patients référés à l’hôpital d’Amman peuvent arriver bien des années après le traumatisme qui a causé leurs blessures. Celles-ci ont souvent été très mal soignées dans leur pays d’origine, du fait de la destruction des structures sanitaires, du manque de personnel ou du coût élevé des soins.

42 %

des patients traités souffrent de graves brûlures et ont besoin de chirurgie plastique.

Quand ils arrivent à Amman, les patients ont donc besoin d’une série d’interventions, souvent lourdes et délicates. L’équipe composée de six chirurgiens, tous originaires d’Irak et de Jordanie est spécialisée dans la chirurgie reconstructrice qui comprend chirurgies orthopédique, plastique et maxillo-faciale.

Yousef, 17 ans, pendant une séance de physiothérapie à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2017.
 © Faris Al-Jawad/MSF
Yousef, 17 ans, pendant une séance de physiothérapie à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2017. © Faris Al-Jawad/MSF

C’est 18 mois après avoir été grièvement brûlé en Irak que Yousef, 17 ans, est arrivé à Amman. Attaqué par un groupe d’hommes masqués qui lui a mis le feu, il a souffert de brûlures au troisième degré et ne pouvait plus bouger le haut de son corps. « Après l’attaque, il avait l’habitude de rester dans sa chambre et ne voulait voir personne », raconte sa mère.

Quand il est arrivé à l’hôpital d’Amman, son menton était collé à son cou, ses bras étaient collés à ses côtés et il était incapable de bouger le haut de son corps. Beaucoup de patients sont référés pour de graves brûlures, comme celle de Yousef, le plus souvent causées par des attentats à la bombe ou des explosions.

Le long chemin de la reconstruction

« Les blessures au cou, au visage et à la mâchoire sont extrêmement courantes. Elles entraînent des fractures et des problèmes osseux. Pour certains de nos patients, parler, manger et même parfois respirer deviennent des actes compliqués et douloureux à réaliser. Nos chirurgiens effectuent des interventions complexes, réparant souvent la mâchoire et la bouche avec des plaques de métal et des greffes de peau. C’est incroyable de voir des gens parler, manger et rire à nouveau, après avoir tant souffert. », ajoute Ashraf Al Bostanji, chirurgien.

Faleeha a marché sur une mine qui a explosé, lui a arraché une jambe et l’a laissée avec des fractures à la main et des dommages au visage.

« Quand je suis arrivée, j’étais dans un fauteuil roulant, j’étais complètement dépendante de mon fils pour me nourrir, m’habiller et me baigner. Je n’étais pas capable d’utiliser mes mains du tout. Mais avec la chirurgie et la physiothérapie, je peux tout faire moi-même. Je me sens beaucoup plus à l’aise maintenant, et j’espère pouvoir retourner chez moi en Irak en marchant de façon autonome. »

© Tom Barnes

Les équipes cherchent à maintenir des standards de soins élevés et à développer des solutions personnalisées pour chaque patient. C’est dans cet objectif qu’un projet d’impression en 3D a été lancé par La Fondation MSF au début de l’année 2017.

 

© Faris Al-Jawad/MSF

Un laboratoire de l'innovation humanitaire

La Fondation Médecins Sans Frontières a pour mission d’améliorer les performances de l'association sur le terrain.

Découvrez La Fondation MSF

Il vise à concevoir et produire des prothèses pour les personnes amputées des membres supérieurs qui seraient une alternative aux prothèses conventionnelles. Le premier patient appareillé était un jeune Syrien qui avait été amputé suite à une blessure de guerre.

Prothèse 3D

« L’équipe évalue les besoins de chaque patient, puis effectue une empreinte du moignon et conçoit une prothèse sur un logiciel numérique. Enfin, la prothèse est imprimée et personnalisée pour répondre aux besoins recensés précédemment. »

Hatim Masadeh, prothésiste.

Accompagner les patients

Les patients sont logés à l’hôpital ou dans la ville d’Amman, et MSF leur fournit une aide sociale. Un membre de leur famille peut les accompagner pendant toute la durée du traitement et de la rééducation. Un processus qui peut prendre des mois voire des années, et qui les maintient pendant tout ou partie de ce temps loin de leur maison et de leurs proches.

Aisha avait six mois quand une bougie renversée a mis le feu à son lit chez elle à Ibb, au Yémen. Elle a été sévèrement brûlée sur le côté gauche du visage et sur le bras. Après quatre opérations au Yémen, elle a été plusieurs fois opérée à l’hôpital d’Amman pour réduire les cicatrices et les contractures musculaires. L’attente, les allers-retours, le déracinement sont difficiles à supporter notamment pour les enfants. Les équipes du programme assurent un accompagnement psychologique et organisent régulièrement des orties et des activités comme des cours de musique ou d’art.

Un chirurgien orthopédiste consulte une radio à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2016.
 © Chris Huby/LE PICTORIUM
Un chirurgien orthopédiste consulte une radio à l'hôpital MSF d'Amman. Jordanie. 2016. © Chris Huby/LE PICTORIUM

La sortie de l’hôpital et le retour au domicile sont également abordés au cours du suivi des patients. Pour certains, il s’agit d’une réelle source de stress. Comment gérer le regard des autres ou encore reprendre sa vie malgré le drame vécu ?

La reconstruction physique et psychique des patients est un processus au long cours. Pour Leemar, il faudra attendre encore avant de retrouver son pays. Elle rejoindra les siens dans un camp de réfugiés en Jordanie. Pour Haider qui a pu bénéficier d’une prothèse 3D, il va s’agir de se réadapter et de retravailler malgré son handicap.

 

Forts de leur expérience, les chirurgiens de l’hôpital d’Amman ont développé une expérience et des compétences uniques. « Quand nous avons ouvert cet hôpital, personne ne pensait que nous maintiendrions notre présence dix ans, mais après 4 500 admissions et plus de 11 000 interventions chirurgicales, il est clair que nous avons malheureusement du travail pour les années à venir », explique Marc Schakal, chef de mission.

 

Article extrait du journal MSF Infos - Le journal des donateurs - Avril 2018

À lire aussi