Alerte sur l’abandon des Mineur.e.s Non Accompagné.e.s en recours

Un jeune bénéficiaire du projet MSF Passerelle regarde par la fenêtre depuis l’hôtel. 2018. France.
Un jeune bénéficiaire du projet MSF Passerelle regarde par la fenêtre depuis l’hôtel. 2018. France. © Augustin Le Gall/Haytham

Les associations Comede, Médecins Sans Frontières, Les Midis du MIE, La TIMMY - Soutien aux Mineurs Exilés et Utopia 56 ont fait parvenir ce jour une lettre ouverte à Adrien Taquet, Secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, Anne Hidalgo, Maire de Paris et Dominique Versini, Adjointe à la Maire de Paris en charge des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance, dans le but de les alerter sur l’abandon des mineur.e.s non accompagné.e.s en recours.

« Nous, le Comede, Médecins Sans Frontières (MSF), les Midis du MIE, la TIMMY – Soutien aux Mineurs Exilés et Utopia 56, nous permettons aujourd’hui d’attirer une nouvelle fois votre attention sur la situation particulièrement inquiétante des mineur.e.s non-accompagné.e.s (MNA) en France, plus particulièrement à Paris. En effet, malgré nos nombreuses alertes, nous n’avons pas constaté d’avancée significative sur la question de la prise en charge de ceux et celles en recours. A la suite du campement du square Jules Ferry, qui a regroupé une centaine de ces jeunes à la rue pendant cinq semaines l’été dernier, la Mairie de Paris s’était engagée à créer un dispositif leur proposant une prise en charge réelle, c’est-à-dire un hébergement adapté à leur vulnérabilité ainsi qu’un accompagnement éducatif, sanitaire et social, et ce jusqu’à la décision judiciaire finale statuant sur leur situation.

En décembre, Madame Versini a communiqué par voie de presse sur l’ouverture d’un tel dispositif. Mais si un centre a bel et bien vu le jour, celui-ci est loin de répondre tant à la réalité des besoins qu’aux engagements de la Mairie de Paris. Il compte en effet seulement 40 places alors qu’il devait être prévu pour les 100 jeunes du campement Jules Ferry. De plus, les inclusions et leurs critères sont entourés de la plus grande opacité, nous avons appris, entre autres, que des jeunes majeurs avaient intégré le dispositif. Aussi, les MNA y étant accueillis semblent l’être sans aucune continuité dans leur suivi médical, scolaire et juridique, vos services ne s’étant jamais rapprochés de nos associations pour obtenir ces informations. Les associations et les mineur.e.s du square Jules Ferry ont donc attendu six mois pour aboutir à un dispositif sous-dimensionné qui ne répond pas au besoin de suivi pluridisciplinaire lié à leur grande vulnérabilité, contrairement à vos annonces.

Par ailleurs nous avions demandé au moment du campement, une réflexion de fond autour de la prise en charge et l’évaluation des MNA, incluant nos associations ainsi que les services de l’Etat compétents et la Mairie de Paris, qui s’y était alors engagée. Malgré nos relances, nous n’avons eu aucun retour sur cette question depuis juillet 2020. A l’heure où une enquête doit être ouverte par plusieurs ministères à propos de l’accueil des MNA, nous demandons en effet à repenser complètement les modalités d’évaluation de ces adolescents.e.s. Selon les différentes sources, en moyenne plus de 75% de ceux/celles arrivant en Ile de France sont refusé.e.s et renvoyé.e.s à la rue suite aux évaluations conduites par ses départements.
Pourtant, plus de la moitié des jeunes en recours accompagné.e.s par nos associations, sont finalement reconnu.e.s mineur.e.s par un juge des enfants ou la cour d’appel, ce qui représente des centaines de mineur.e.s laissé.e.s par erreur à la rue pendant de longs mois, voire années. Il est donc urgent de questionner la fiabilité des évaluations subies par ces jeunes, et proposer une protection adaptée à ceux/celles qui engagent un recours en justice pour en contester les conclusions.

Depuis l’évacuation du camp du square Jules Ferry le 4 août 2020, ce sont plus de 800 jeunes remis.e.s à la rue auxquels nos associations sont venues en aide. Déjà en difficulté pour subvenir à leurs besoins primaires (se nourrir, se vêtir, se laver, dormir), la majorité de ces jeunes n’a ni accès à l’école, ni à un suivi social, pourtant nécessaires à leur épanouissement et à leur intégration. Leur situation est d’autant plus alarmante dans un contexte de crise sanitaire et alors que nous sommes en plein hiver.
Sans l’aide des associations, ils/elles sont totalement livré.e.s à eux/elles-mêmes et exposé.e.s à de nombreux dangers, alors que vous en êtes responsables. En respect du principe de présomption de minorité, nous vous demandons aujourd’hui une mise à l’abri immédiate et pérenne de tou.te.s les mineur.e.s non accompagné.e.s en recours, actuellement abandonnés  dans nos rues. Afin d’envisager des solutions adaptées au contexte actuel, veuillez accepter une rencontre avec nos associations.

Ces jeunes sont actuellement les victimes d’une politique migratoire qui va à l’encontre du respect de leurs droits et des conventions internationales signées dans ce sens. Tant que vous ne prendrez pas vos responsabilités à leur égard, nous serons contraints d’agir pour les rendre visibles.

En vous remerciant d’avance pour votre attention,  veuillez accepter Mesdames, Monsieur, nos salutations respectueuses.

Associations signataires : Le Comede, Médecins Sans Frontières, Les Midis du MIE, La TIMMY - Soutien aux Mineurs Exilés, Utopia 56

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