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À la frontière mexico-américaine : « Ils nous poursuivent comme si nous étions des animaux »

Une jeune femme originaire du Honduras en discussion avec un membre des équipes MSF au Mexique. 2022.
Une jeune femme originaire du Honduras en discussion avec un membre des équipes MSF au Mexique. 2022. © Yesika Ocampo/MSF

Depuis le mois de mars 2020, sous prétexte de risques sanitaires liés à la covid-19 et dans le cadre d’une loi datant de 1944, l’administration américaine a expulsé près d’1,5 million de personnes de son territoire. Au Mexique, les équipes MSF qui travaillent auprès de ces migrants rejetés sans qu’ils aient pu déposer de demande d’asile ont recueilli leurs témoignages.

Médecins Sans Frontières et de nombreux experts médicaux n’ont cessé de dénoncer la politique xénophobe mise en place par l’administration Trump et poursuivie depuis l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis. Le « titre 42 », du nom de l’article de loi, permet aux autorités d’expulser rapidement toute personne qui présenterait un « grave danger d'introduction » d’une maladie sur le territoire. Son utilisation dans le contexte de la covid-19 est issue d'une interprétation fallacieuse, qui ne repose sur aucune justification légitime de santé publique, et expose des personnes vulnérables à davantage de violence. Dans les villes frontalières mexicaines, les personnes en migration sont sous la menace constante de violences et d'extorsions menées par les gangs ou la police locale.

« Nous dormons par terre sans couverture »

Amanda vit au Mexique depuis un an, avec ses deux enfants, âgés de trois et six ans. Elle a fui le Honduras où un ex-mari violent lui faisait craindre pour sa vie. Lors de son voyage vers les États-Unis, elle a été victime de violences, y compris sexuelles. Il y a plusieurs semaines, elle a réussi à entrer aux États-Unis, mais a été rapidement expulsée et n'a pas eu la possibilité de demander l'asile.

Amanda et ses deux enfants. Mexique. 2022.
 © Yesika Ocampo/MSF
Amanda et ses deux enfants. Mexique. 2022. © Yesika Ocampo/MSF

« Nous avons sauté dans la rivière. Le courant nous a emportés et nous avons réussi à atteindre les États-Unis. La police de l'immigration nous a arrêtés. Au centre de détention, ils nous ont fait jeter toutes nos affaires, nos vêtements et même mon chapelet. Nous avons demandé l'asile et je leur ai dit que je ne pouvais pas retourner au Honduras. Je leur ai demandé à passer un coup de téléphone pour parler au consulat et ils ont refusé. Ils m'ont juste dit qu'il n'y avait pas d'asile pour les jeunes enfants.

À Piedras Negras, nous devons nous cacher. Nous ne pouvons pas sortir dans la rue, car la police persécute les migrants. Ils nous poursuivent comme si nous étions des animaux, et nous devons leur donner de l'argent pour éviter qu’ils nous arrêtent. Dans les refuges, nous ne recevons qu’une aide alimentaire. Nous devons dormir dans la rue ou dans des maisons abandonnées, mais là aussi la police nous poursuit.

Nous vivons dans une maison abandonnée. Nous dormons par terre sans couverture. Cela a été très difficile parce que ma fille est très amaigrie et que nous sommes toujours sales. Ils n’ont pas accès à l’éducation ou aux soins de santé, car les Mexicains nous ferment leurs portes et ne veulent pas nous aider. Nous avons très faim.

Ce que je souhaite le plus, c'est arriver aux États-Unis pour travailler afin que mon ex-mari ne nous retrouve pas et que mes enfants grandissent en sécurité. Je ne resterai pas au Mexique, nos conditions de vie sont terribles. »

« D'autres agents sont arrivés et ils m'ont battu »

Marvin voyage avec sa femme et sa fille de deux ans. Il a fui le Honduras en avril 2021, craignant pour sa vie après la mort d'un proche. Il s'est vu refuser l'asile au Mexique et a traversé le Rio Grande pour rejoindre les États-Unis en février 2022. Il a été brièvement détenu aux États-Unis. Depuis, sa famille et lui vivent dans une maison abandonnée à Piedras Negras et risquent en permanence d'être expulsés par les autorités locales.

Marvin avec sa femme et sa fille. Mexique. 2022.
 © Yesika Ocampo/MSF
Marvin avec sa femme et sa fille. Mexique. 2022. © Yesika Ocampo/MSF

« La nuit du 13 février, nous avons traversé le fleuve vers les États-Unis. La police de l'immigration nous a arrêtés. Ils m'ont battu. J'avais déjà essayé de traverser, mais jamais ils ne m’avaient traité comme cela. Ils ont jeté tout ce que j'avais apporté, des choses précieuses à mes yeux. Je le leur ai dit et ils sont devenus fous. Ils m'ont attrapé par le cou, m'ont jeté par terre et m'ont menotté. J'avais le visage contre terre et un agent de l’immigration a posé son pied sur ma tête. D'autres agents sont arrivés et ils m'ont battu. Ma fille s'est caché les yeux et a commencé à pleurer, mais ils s'en fichaient. Ma femme pleurait.

Il n'y avait aucune femme dans cette unité de police de l’immigration. Ce sont des hommes qui contrôlaient et fouillaient les femmes, en touchant leurs seins. Ils nous ont emmenés dans une chambre. J'ai demandé s'il y avait un avocat qui pourrait m'aider à me défendre et ils m’ont répondu que non. Ils ne m’ont donné aucune explication, ils n'ont même pas vérifié si j'allais bien. Ils ont mis une natte sur le sol et je suis resté là, endurant le froid et la peur. Je n'ai pas bien dormi, tout mon corps me faisait mal. Ma tête était enflée. À sept heures du matin, ils sont venus nous déposer ici à la frontière.

J'ai été très affecté par les coups qu'ils m'ont infligés au centre de détention d'Eagle Pass au Texas. J’ai encore très mal à la tête, c'est pourquoi je suis venu voir les équipes de MSF, pour qu'ils me donnent des médicaments. Il y a des caméras là-bas et je pense que ce qu'ils m'ont fait a été enregistré.

Hier, les inspecteurs de l'immigration et la police ont visité la maison abandonnée dans laquelle nous vivons. Ils ne veulent pas que nous restions là, mais nous n’avons rien d’autre. Ma femme sort mendier avec notre fille. Ils pensent que nous sommes des voleurs. Nous sommes simplement des êtres humains dans le besoin. »

« Pourquoi jettent-ils nos affaires à la poubelle ? »

Alicia a quitté le Honduras en novembre 2021 avec son mari âgé de 30 ans et sa fille de huit mois. Au cours de leur voyage, ils ont été victimes d’abus de la part des autorités du Guatemala et du Mexique. En décembre 2021, ils se sont présentés aux autorités américaines au poste frontière de Piedras Negras, avant d’être rapidement expulsés en vertu du titre 42.

Alicia en discussion avec un psychologue MSF. Mexique. 2022.
 © Yesika Ocampo/MSF
Alicia en discussion avec un psychologue MSF. Mexique. 2022. © Yesika Ocampo/MSF

« Je sais qu'ils n’offrent pas l’asile, mais nous n'avions pas d'autre possibilité. On voulait qu'ils nous écoutent, qu’on puisse leur dire qu’on était menacés de mort. La première fois, ils nous ont arrêtés et ont pris des photos, nos empreintes digitales et, sans aucune explication, nous ont ramenés à Piedras Negras.

Ensuite, nous avons essayé d’atteindre les États-Unis en traversant de nuit. Ils nous ont arrêtés et mis dans ce qu'ils appellent des « glacières » [salles de détention maintenues à des températures inconfortablement basses] avec les enfants. Nous nous sommes allongés avec des couvertures sur le sol. Ils nous ont donné des pommes, des biscuits et de l'eau. Cette fois, ils nous ont un peu mieux traités. Un agent d'immigration nous a expliqué qu'ils allaient nous renvoyer au Mexique en vertu du titre 42.

Ils ont donné des couches à ceux qui avaient des bébés. Ma fille était malade, elle avait de la fièvre. À l'aube, ils nous ont mis dans un camion de la patrouille frontalière, nous étions tous honduriens. C'était le 28 décembre 2021.

Ils jettent souvent les papiers d’identité des migrants. Lorsque nous avons été détenus aux États-Unis, ils ont jeté tout ce que nous avions apporté. Papiers, vêtements, médicaments, lait pour bébé. Pourquoi jettent-ils nos affaires à la poubelle ? Alors qu’ils nous renvoient au Mexique… Pour eux, ce sont des objets sans importance, mais c’est tout ce que nous avons.

Ils expliquent qu'à cause de la covid-19, ils ne peuvent pas nous accueillir aux États-Unis, mais lorsque nous étions en détention, ils n'ont même pas pris notre température. Il n'y a pas de distanciation physique dans les cellules et ils nous ont proposé du gel antibactérien uniquement lorsqu'ils ont pris nos empreintes digitales. Personne ne nous a demandé si nous avions des symptômes de la covid-19.

Le problème au Mexique, c'est que même si vous avez des papiers d’identité et que vous êtes en règle, la police vole toujours votre argent.

Ce qu'il nous reste à faire, c'est attendre dans la rue, en nous protégeant des groupes armés qui se trouvent au Mexique. Ça ne me poserait pas de problème si nous recevions une aide de l’État mexicain, mais ce n’est pas le cas. Et nous savons qu'il y a des milliers de personnes dans notre cas, en attente d'asile. »

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