(r)évolution(s) : vous avez dit algorithmes de décision ? épisode 3, la tuberculose pédiatrique

Comment se fait-il que les enfants atteints de l'une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde continuent d’être exclus des progrès médicaux ? Chaque année, 1,25 million enfants et de jeunes adolescents contractent la tuberculose, mais seule la moitié sont diagnostiqués et pris en charge. 90% des enfants qui en décèdent n’ont tout simplement jamais été traités.  

Il y a d’abord, et surtout, une grande difficulté à dépister la tuberculose et poser un diagnostic correct chez les enfants.  

Plusieurs raisons à cela. D’une part les tests actuels sont conçus pour diagnostiquer la tuberculose chez les adultes et ne sont donc pas assez sensibles pour les plus jeunes. D’autre part, les symptômes sont parfois différents de ceux des adultes. Chez les enfants de moins de 5 ans notamment, il n’y a pas forcément de toux chronique, et les formes extra-pulmonaires de la tuberculose sont beaucoup plus fréquentes.  

Enfin, les enfants transmettent moins la maladie et ne sont donc pas considérés comme prioritaires lors du contrôle d'un foyer infectieux. Résultat, ils sont moins testés et ne reçoivent pas systématiquement de traitements préventifs lorsqu’ils sont cas contact. 

À ces obstacles s'ajoutent, particulièrement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le manque de ressources humaines pour dépister et diagnostiquer la tuberculose dans de nombreux établissements de santé, ainsi que le manque d'accès aux outils de diagnostic  

Les équipes de MSF sur nos terrains sont confrontées à ces défis qui rendent difficile le dépistage de la tuberculose chez les enfants, retardent leur traitement et mettent leur vie en danger.  

En 2022, pour lutter contre la tuberculose pédiatrique, l'Organisation mondiale de la santé a formulé plusieurs recommandations clés pour les enfants et adolescents.  

  • D’abord, l'utilisation d'algorithmes de décision, reposant sur un système de points attribués à partir de l'évaluation des symptômes de l'enfant, et qui permettent d’aider à diagnostiquer même en l’absence de confirmation en laboratoire.  

  • Ensuite, l’OMS conseille des schémas de traitements oraux et courts pour soigner et prévenir la tuberculose dans sa forme non-sévère chez l'enfant. 
     

En Somalie ou encore au Niger, les recommandations de l'OMS ont été appliquées par les équipes de MSF. Les résultats sont très prometteurs : beaucoup plus d’enfants sont détectés et soignés, avec moins d’erreurs de diagnostic, et finalement moins de décès liés à la tuberculose. En moyenne, dans les pays où MSF intervient et où ces recommandations sont appliquées, le nombre d’enfants diagnostiqués et traités pour la tuberculose est jusqu’à cinq fois supérieur.  

Mais les politiques nationales de santé publique ne s’alignent pas toujours sur les recommandations de l’OMS, qui nécessitent des ressources pour être mises en œuvre.  

C’est le cas notamment pour les nouveaux schémas thérapeutiques plus courts et entièrement oraux, dont les traitements adaptés aux enfants ne sont pas toujours disponibles dans certains pays en raison d'obstacles bureaucratiques et de déficits de financement.  

De nombreux enfants atteints d'une tuberculose non grave sont ainsi contraints de suivre un traitement plus long que nécessaire, à des doses qui ne sont pas adaptées à leur poids, avec des risques graves d'effets secondaires, d'échec du traitement et de souffrances inutiles. 

Ce que nous demandons  

  • un financement suffisant aux pays pour soutenir les réformes et la mise en œuvre des politiques de lutte contre la tuberculose pédiatrique 

  • la mise en œuvre des algorithmes de décision recommandés par l’OMS qui peuvent aider à diagnostiquer et à traiter un plus grand nombre d'enfants qui ont la tuberculose 

  • des investissements soutenus dans le secteur du diagnostic médical et de l'industrie pharmaceutique pour développer des outils médicaux adaptés aux enfants 

Notes

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