VIH : les enfants toujours privés de médicaments adaptés

maternité ouganda
Centre de santé d'Ayilo, Adjumani, Ouganda © Isabel Corthier

A l'approche d'une réunion à la Cité du Vatican sur le développement du diagnostic et du traitement du VIH pour les enfants, Médecins Sans Frontières dénonce l’incapacité des sociétés pharmaceutiques à développer rapidement et à rendre disponibles des formulations appropriées de médicaments anti-VIH pour les enfants. Les équipes de Médecins Sans Frontières sont témoins des difficultés des pays en développement à fournir aux enfants séropositifs les traitements recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), car les versions pédiatriques des médicaments antirétroviraux qui les composent n’y sont pas disponibles.

« Les sociétés pharmaceutiques ne considèrent tout simplement pas les enfants séropositifs comme une priorité. Nous devons donc utiliser des traitements plus anciens et sous-optimaux, ce qui les empêche de suivre correctement leur traitement. Pire, l'augmentation de la résistance aux médicaments anti-VIH existants dans les pays d'Afrique subsaharienne signifie que les traitements plus anciens risquent de ne pas fonctionner. Il nous faut de meilleures options de traitement pour les nourrissons et les enfants aussi, déclare le Dr David Maman, coordinateur médical de MSF au Malawi. Combien de temps les enfants séropositifs devront-ils continuer à souffrir ou à mourir à cause de ce manque d’intérêt et d’investissement? »

Le VIH pédiatrique demeure une maladie négligée. Le marché des médicaments anti-VIH pédiatriques reste très modeste,  ils n’ont donc jamais été une priorité, ni pour les grandes sociétés pharmaceutiques, ni pour les producteurs  de médicaments génériques. Le développement et l’introduction de nouvelles formulations de médicaments pédiatriques,  l’extension des formulations existantes connaissent donc un inacceptable retard

Par exemple, le dolutégravir, recommandé par l'OMS comme traitement de première intention pour les nourrissons et les enfants, et dont l'utilisation a été approuvée pour la première fois chez l'adulte en 2013, n'est toujours pas disponible pour les enfants, car la société pharmaceutique ViiV Healthcare n'a pas encore finalisé les essais nécessaires et enregistré une formulation de comprimé dispersible pour les jeunes enfants. Un autre médicament clé, le raltégravir, existe déjà sous forme de granulés pédiatriques, mais le groupe pharmaceutique Merck a tardé à l'enregistrer dans les pays en développement.

La moitié des enfants reçoit des traitements non-optimaux

L’alternative au dolutégravir recommandée par l’OMS est l’association lopinavir / ritonavir, mais le développement de sa formulation pédiatrique a également fait face à de nombreux obstacles. Les fabricants de génériques Mylan et Cipla ont été très lents à développer l'offre de formulations pédiatriques (pastilles et granules) pour remplacer le précédent sirop au goût désagréable, et leur prix est trois fois plus élevé.

Lors d'une réunion à la Cité du Vatican il y a un an, des représentants d'organisations de santé mondiale et des dirigeants de sociétés pharmaceutiques se sont engagés à améliorer l'accès au traitement des enfants et des adolescents vivant avec le VIH, mais très peu de progrès ont été accomplis depuis. La réunion est convoquée cette année les 6 et 7 décembre.

L'OMS recommande que tous les enfants dont l’infection a été diagnostiquée  commencent immédiatement un traitement antirétroviral. Mais sans formulations optimales de médicaments anti-VIH pédiatriques, les pays continueront à ne pas pouvoir mettre en œuvre correctement cette recommandation.

Non seulement la couverture thérapeutique des enfants vivant avec le VIH demeure  inacceptable - seuls 52% des enfants séropositifs recevaient un traitement en 2017, mais  la moitié d’entre eux enfants continuent de recevoir des schémas thérapeutiques sous-optimaux, ce qui les expose à un risque accru d'effets secondaires, de résistance et d'échec du traitement. En Afrique subsaharienne, où vivent 90% des enfants vivant avec le VIH, le taux de résistance aux médicaments anti-VIH existants, y compris la névirapine et l'efavirenz, est important. Le taux de mortalité chez les enfants séropositifs reste élevé, en particulier au cours de leurs quatre premières années de vie. En 2017, les infections associées à la phase avancée de la maladie, le sida, ont tué 110 000 enfants dans le monde.

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