Syrie : des millions de vies menacées par la fermeture potentielle des points de passage de l’aide humanitaire

Chahine Ziadeh a fui sa ville natale en 2016 en raison de bombardements massifs. Depuis, il a vécu dans divers camps de la région avant de s'installer, il y a deux ans, dans le camp de Fan Al-Shemali, dans le gouvernorat d'Idlib. 
Chahine Ziadeh a fui sa ville natale en 2016 en raison de bombardements massifs. Depuis, il a vécu dans divers camps de la région avant de s'installer, il y a deux ans, dans le camp de Fan Al-Shemali, dans le gouvernorat d'Idlib.  © Abdul Majeed Al Qareh/MSF

Médecins Sans Frontières (MSF) appelle le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) à renouveler la résolution expirant le 10 juillet 2021 concernant les passages transfrontaliers (UNSCR 2533) pour l’approvisionnement d'aide humanitaire, dans le nord-ouest de la Syrie. Si cette résolution n’est pas reconduite, plus de quatre millions de personnes résidant dans cette zone, dont plus de la moitié sont des déplacés, risquent de ne plus avoir accès à l’aide humanitaire et médicale dont elles ont désespérément besoin.

De juillet 2014 à début 2020, la résolution sur l’aide transfrontalière a permis de garantir quatre passages frontaliers pour l’approvisionnement d'aide humanitaire en Syrie. Elle a été examinée et renouvelée chaque année par le Conseil de sécurité, afin de maintenir une aide dans les zones qui ne sont pas sous contrôle du gouvernement syrien. En 2019 et 2020, la Russie et la Chine ont mis leur veto au renouvellement de cette résolution, retirant Bab al-Salama, Al-Yarubiyah et Al-Ramtha de la liste des points de passage frontaliers humanitaires approuvés. En conséquence, seul Bab al-Hawa subsiste dans la résolution actuelle comme point de passage officiel vers la Syrie. Le 10 juillet 2021, la résolution sera soumise à un vote qui pourrait aboutir à la fermeture de cette dernière voie d'accès.

Son non-renouvellement aggraverait une situation humanitaire déjà désespérée dans le nord-ouest de la Syrie. L'aide serait considérablement réduite et mettrait davantage de temps à atteindre les populations du gouvernorat d’Idlib. MSF, l'un des rares acteurs médicaux encore présents dans la région, serait confronté à des difficultés accrues pour atteindre les populations les plus vulnérables. La plupart des hôpitaux et des centres de santé ne disposeraient pas du matériel médical nécessaire pour fonctionner, avec la mise en danger des patients pour conséquence. En outre, la réponse Covid-19 et la campagne de vaccination dans la région risquent également d'être compromises, de même que l’approvisionnement en équipements de protection individuelle (EPI), réservoirs d'oxygène, respirateurs, médicaments essentiels et vaccins contre la Covid-19.

« Après une décennie de guerre, le renouvellement de la résolution du Conseil de sécurité est aujourd'hui plus critique que jamais. La vie de millions de personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, en dépend. Bien que MSF ne soit pas mandaté par l'ONU et que ses activités ne dépendent pas uniquement de ce renouvellement pour importer de l’aide, les conséquences d’une fermeture risquent de se faire ressentir immédiatement. Nos équipes ne seront pas en mesure de combler le vide si les agences de l'ONU et d'autres organisations réduisent fortement leur aide dans le nord-ouest de la Syrie », explique le Dr Faisal Omar, responsable MSF pour la Syrie.

Les sanctions contre la Syrie auxquelles s'ajoutent l'aggravation de la crise économique et la dévaluation de la monnaie en 2021, ont déjà considérablement dégradé les conditions de vie de la population dans l’ensemble du pays. Selon les agences de l'ONU, le prix du panier alimentaire a augmenté de plus de 220% alors que 80% de la population reste sous le seuil de pauvreté et que 90% des enfants dépendent désormais de l'aide humanitaire.

« Le passage de Bab al-Hawa est actuellement la seule ligne de vie pour le gouvernorat d'Idlib. Si l'approvisionnement en médicaments s'arrête, nous pourrions perdre notre capacité à traiter les patients, car notre stock actuel ne peut durer que trois mois. Et si l'approvisionnement en nourriture et en eau potable s'arrête, les maladies et les épidémies toucheront à la fois les nombreux déplacés et la population locale. Certaines de ces personnes ont été déplacées plus d’une dizaine de fois, et dépendent entièrement de l'aide humanitaire », explique le coordinateur de MSF pour la Syrie.

Au cours de l'année écoulée, MSF a été le témoin direct de l’impact catastrophique de la suspension du mécanisme d'aide transfrontalière des Nations Unies via le passage frontalier d'Al-Yarubiya, en particulier lors de la réponse à la pandémie de Covid-19 dans le nord-est de la Syrie. Cette aide vitale a été empêchée d'atteindre le nord-est de la Syrie via l'Irak. Ce scénario ne doit pas se répéter dans le nord-ouest du pays.

MSF appelle les membres permanents et non-permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies à renouveler la résolution transfrontalière, ainsi qu'à rétablir les points de passage de Bab al-Salama au nord-ouest et d'Al-Yarubiyah au nord-est. Les frontières terrestres restent les seules voies humanitaires viables pour couvrir les besoins croissants dans le nord de la Syrie.

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