Haïti : des services médicaux à bout de souffle à cause des pénuries d'eau et de carburant

Une station-service de Port-au-Prince fermée à cause de la pénurie de carburant, Haïti, octobre 2021.
Une station-service de Port-au-Prince fermée à cause de la pénurie de carburant, Haïti, octobre 2021. © Pierre Fromentin/MSF

Alors que les tensions et les affrontements s'intensifient dans la capitale haïtienne, les pénuries de carburant et d'eau potable menacent les services médicaux et leurs patients, y compris ceux gérés par Médecins Sans Frontières (MSF), qui réclame l’approvisionnement des structures médicales de la ville en carburant.

Bien que MSF n’ait cessé de réduire sa consommation d’énergie par des mesures d’urgence, l'hôpital de traumatologie et de brûlures de MSF à Tabarre a été contraint, la semaine dernière, de réduire ses activités médicales ; ne traitant plus désormais que les urgences vitales. A moins qu’ils ne bénéficient de nouveaux approvisionnements, les générateurs de l'hôpital de Tabarre et du centre d'urgence de MSF à Turgeau seront à court de carburant d’ici trois semaines. Quant au centre d'urgence de MSF à Cité Soleil, il sera à court de carburant d’ici deux semaines et demie.

« Les structures médicales de Port-au-Prince sont confrontées aux mêmes contraintes : pas de carburant, pas d'électricité, pas de soins médicaux », explique Jean-Gilbert Ndong, coordinateur médical de MSF. « Nous devons tous être approvisionnés régulièrement en carburant pour continuer notre travail ».

À l'hôpital de Tabarre, MSF est en train d'installer des panneaux solaires afin de réduire davantage la dépendance aux générateurs. Mais le manque de carburant empêche également de nombreux membres du personnel de se rendre à l'hôpital pour y assurer leurs gardes, faute de moyens de transport. Les équipes s'adaptent constamment pour que le personnel médical essentiel puisse rejoindre les structures médicales et rentrer ensuite chez lui.

Pratiquement tous les établissements de santé publics et privés de Port-au-Prince ont suspendu les nouvelles admissions ou les ont limitées aux cas d’urgence vitale ; certains encore ont tout simplement été contraints de fermer leurs portes. D'autres fermetures d’établissements sont à prévoir si la pénurie de carburant se poursuit.

Par ailleurs, MSF oriente habituellement certains patients vers d'autres structures médicales en cas de besoin, mais cela devient chaque jour plus difficile.

« Récemment, une patiente en détresse respiratoire s'est présentée à notre centre d'urgence de Cité Soleil, où nous stabilisons les patients en vue de leur réorientation vers des centres médicaux », explique Ndong. « Nous l'avons stabilisée et avons tenté de la référer, mais elle a été refusée par quatre centres médicaux différents où nous envoyons habituellement nos patients - ils avaient arrêté les admissions en raison du manque de carburant. Ce n'est que dans le cinquième établissement qu'elle a finalement été admise. »

Le manque de carburant affecte aussi d'autres biens et services essentiels. Les prix des denrées alimentaires ont fortement augmenté et l'approvisionnement en eau est menacé. L'agence nationale de l'eau d'Haïti, la DINEPA, a annoncé dimanche qu'elle manquait de carburant pour continuer à pomper l'eau potable dans de nombreux quartiers de la capitale, notamment à Cité Soleil où vivent plus de 265 000 personnes.

« Les installations médicales, les patients et la population ont tous besoin d'eau potable », a déclaré Ndong. « S’il n’y a plus d’approvisionnement en eau salubre dans ces zones, nous serons probablement confrontés à une augmentation des maladies hydriques et d'autres besoins médicaux urgents apparaîtront, alors que les installations médicales sont menacées de fermeture complète. »

Les besoins médicaux demeurent considérables. Désormais, chaque jour, le centre d'urgence de MSF à Turgeau reçoit plusieurs femmes sur le point d’accoucher, bien qu’il ne s'agisse pas d'une maternité, car les autres hôpitaux ont restreint leurs services.

Parallèlement, les patients pourraient retarder leur recours aux soins. A Delmas 33, la clinique de MSF pour les survivants de violences sexuelles, moins de patients ont été enregistrés ces dernières semaines, et ceux et celles qui y ont été reçus ont dû marcher pendant des heures à travers la capitale dépourvue de transports publics.

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