Gaza : MSF reçoit de nombreux blessés lors de l’attaque d’une distribution de nourriture

Des enfants tenant leurs pots vides dans une cuisine communautaire dans le nord de Gaza, février 2025 
Des enfants attendent une distribution alimentaire dans une cuisine communautaire, au nord de Gaza, février 2025  © Nour Alsaqqa/MSF

Des dizaines de Palestiniens ont été tués et des centaines d'autres blessés le 1er juin, selon le ministère de la Santé, alors qu'ils attendaient de la nourriture dans les centres de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) nouvellement créés à Rafah et près du corridor de Netzarim. Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont pris en charge un grand nombre de blessés à l'hôpital Nasser, à Khan Younès. Selon les récits des blessés, récoltés par les équipes de MSF à l’hôpital, ils ont été ciblés par des drones, des hélicoptères, des bateaux, des chars d'assaut et des soldats israéliens au sol. 

Certains blessés, dans un état critique, étaient toujours en train d'être opérés dans la soirée. Les banques de sang étant presque vides, le personnel médical a dû lui-même donner du sang. 

« Les couloirs de l'hôpital étaient remplis de patients, et contrairement à ce que j'ai vu auparavant, où la plupart des patients étaient des femmes et des enfants, aujourd'hui il y avait surtout des hommes. Ils étaient allongés sur des lits dans les couloirs parce que les chambres étaient déjà pleines. Ils avaient des blessures par balle au niveau des membres et leurs vêtements étaient imbibés de sang », explique Nour Alsaqa, responsable de la communication chez MSF. « Ils étaient désespérés et choqués après avoir tenté de récupérer de la nourriture pour leurs enfants, pour finalement revenir blessés et les mains vides. Dehors, il y avait des cris, des sirènes, un flux constant de nouveaux arrivants à la salle d'urgence. Au milieu du chaos, nous avons reçu la confirmation que le frère d'un de nos collègues avait été tué alors qu'il tentait d'aller chercher de l'aide au centre de distribution. » 

Mansour Sami Abdi, père de quatre enfants, décrit le chaos : « Les gens se battaient pour cinq palettes de nourriture. On nous a dit d’en prendre, puis on nous a tiré dessus de tous les côtés. J'ai couru 200 mètres avant de me rendre compte que j’étais blessé. Ça, ce n'est pas de l'aide. C'est un piège. Qu’est-ce qu’on est censés faire : chercher de la nourriture pour nos enfants et mourir ? » 

« J'ai reçu une balle à 3h10 du matin. Comme nous étions pris au piège, j'ai saigné en continu jusqu'à 5 heures. Il y avait beaucoup d'autres hommes avec moi. L'un d'entre eux a essayé de me sortir de là. Il a reçu une balle dans la tête et est mort sur ma poitrine. Nous n’étions là que pour de la nourriture, juste pour survivre, comme tout le monde », explique Mohammad Daghmeh, 24 ans, un homme déplacé à Al-Qarara, Khan Younès. 

C'est la deuxième fois que ce nouveau système de distribution de l'aide conduit à un bain de sang. Le 27 mai, lors du premier après-midi de distribution à Rafah, les forces israéliennes ont tiré sur des dizaines de personnes alors que des quantités ridiculement insuffisantes de produits de première nécessité étaient distribuées dans le chaos. 

« Les événements d'aujourd'hui ont montré une fois de plus que ce nouveau système d'acheminement de l'aide est non seulement inefficace, mais surtout dangereux et déshumanisant causant de nombreux morts et blessés parmi les civils. L'aide humanitaire doit être fournie uniquement par des organisations humanitaires qui ont la compétence et la détermination de le faire de manière sécurisée et efficace », déclare Claire Manera, coordinatrice d'urgence de MSF à Gaza. 

En raison du siège total imposé par les autorités israéliennes le 2 mars 2025, la totalité de la population de la bande de Gaza est aujourd'hui menacée de famine, selon les Nations unies. Depuis le 19 mai, les quelques centaines de camions de nourriture qui ont été autorisés à entrer dans la bande de Gaza sont tellement insignifiants qu’ils ont semé le désespoir parmi les plus de deux millions de personnes qui sont privées de nourriture, d'eau et de médicaments depuis maintenant trois mois. Le blocage total ou partiel de l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza a aggravé la situation de tous ses habitants. 

MSF rappelle que, tout comme les ordres de déplacement et les campagnes de bombardement tuant des civils, cette utilisation de l'aide humanitaire à des fins militaires peut constituer un crime contre l'humanité. Seuls un cessez-le-feu durable et l'ouverture immédiate des frontières de Gaza à l'aide humanitaire - notamment la nourriture, les fournitures médicales, le carburant - peuvent atténuer cette catastrophe créée de toutes pièces.  

Notes

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