Dans le sud-ouest du Yémen, la population prise au piège des mines

MSF Mocha surgical hospital
Dans l'hôpital MSF de Mocha, dans le gouvernorat de Taiz, au Yémen. Décembre 2018 © Agnes Varraine-Leca/MSF

Paris, le 16 janvier 2018 - Des milliers de mines et d'engins explosifs improvisés mutilent et tuent quotidiennement la population civile dans le sud-ouest du Yémen. Médecins Sans Frontières (MSF) appelle les organisations spécialisées dans le déminage et les autorités à augmenter leurs efforts pour déminer la région.

Alors que les combats se sont intensifiés l'année dernière entre les troupes d'Ansar Allah et les forces soutenues par la coalition, menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, des milliers de mines et d’engins explosifs improvisés ont été posés, notamment sur les routes et dans les champs au sud de Hodeidah, dans le but d'empêcher l'avancée des troupes au sol de la coalition.

D'août à décembre 2018, les équipes de MSF présentes à Mocha dans le gouvernorat de Taïz, ont soigné plus de 150 personnes blessées par des mines, des engins explosifs improvisés et des munitions non explosées - un tiers d'entre eux étaient des enfants qui jouaient dans des champs.

Les opérations de déminage en cours dans la région sont gérées par l'armée et se concentrent sur les routes et les infrastructures stratégiques, délaissant les zones civiles telles que les champs agricoles.  « Il faut que les organisations spécialistes du déminage et les autorités accentuent leurs efforts pour déminer la région et ainsi réduire le nombre de victimes », a déclaré Claire Ha-Duong, cheffe de mission MSF au Yémen.

Premières victimes de cette menace cachée, les civils sont tués, amputés, mutilés à vie. « C’est la double peine pour les habitants ici, d’un côté leurs enfants sautent sur des mines, et de l’autre, ils ne peuvent plus cultiver leurs champs, se privant à la fois d’une source de revenus et de nourriture pour leur famille », détaille Claire Ha-Duong.

Selon le Yemen Executive Mine Action Centre, 300 000 mines auraient été désamorcées entre 2016 et 2018 par l’armée yéménite. Dans un rapport récent, le Conflict Armament Research faisait état d’une production massive et standardisée de mines et d’engins explosifs improvisés par les forces d’Ansar Allah, ainsi que l’utilisation de mines terrestres antipersonnel et anti-véhicule, et de mines maritimes.

Dans l’hôpital MSF de Mocha, les blessés de guerre arrivent quotidiennement des lignes de front entre Taïz et Hodeidah. La structure médicale est la seule structure avec un bloc opératoire en capacité de dispenser des soins chirurgicaux aux civils dans cette zone.

 « Les blessés de guerre arrivent souvent très tard à Mocha et dans des situations critiques, avec des infections car leur stabilisation sur la ligne de front n’est pas toujours bien faite. Les mines font des dégâts particulièrement sévères, on voit des fractures complexes, difficiles à opérer, et qui nécessitent souvent des amputations et de longs mois de rééducation », explique Husni Abdallah, infirmier au bloc opératoire de l’hôpital de Mocha.

La région est un véritable désert médical pour les populations civiles. Six à huit heures de route séparent Hodeidah d’Aden, où l’offre de soins est davantage développée, mais inaccessible financièrement pour la plupart des Yéménites qui peuvent rarement se payer le transport jusque-là.

Concrètement, ce sont des blessés de guerre qui n’arrivent pas toujours à atteindre Mocha, et décèdent de blessures qui auraient pu être soignées s’ils étaient arrivés à temps, mais aussi des femmes enceintes qui meurent lors de l’accouchement, faute de soins appropriés.

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