Tchad : pour les réfugiés soudanais, une lutte quotidienne pour trouver de l’eau

Watsan activities in Adré
Dans le camp de transit d'Adré, les systèmes d'approvisionnement en eau construits par MSF ont produit 654 m³ d'eau par jour au cours du seul mois de mai.  © Gabriella Bianchi/MSF

Après plus de deux ans de guerre au Soudan entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, des dizaines de milliers de personnes réfugiées continuent d’arriver au Tchad. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), depuis le 23 avril 2025, plus de 85 000 nouveaux arrivants ont été recensés dans les provinces du Wadi Fira et de l’Ennedi Est. Chaque nouvelle vague de déplacement met davantage de pression sur les systèmes d’eau et d’assainissement déjà fragiles des camps et leurs environs. Les équipes de MSF déjà largement mobilisées dans ces camps travaillent avec les partenaires locaux et gouvernementaux à fournir des services d’eau et d’hygiène à grande échelle.

Avec des températures particulièrement élevées ces derniers mois, les 860 000 réfugiés soudanais et les communautés qui les accueillent peinent à trouver suffisamment d’eau potable. Dans les camps de réfugiés répartis dans les provinces du Ouaddaï, du Wadi Fira et de l’Ennedi Est, la majorité des personnes reçoivent toujours bien moins que les 20 litres d’eau potable recommandés par jour. La crise de l’eau touche particulièrement les femmes et les enfants. Avec de longues files d’attente et une offre limitée, beaucoup passent des heures sous le soleil pour obtenir de l’eau.  

« J’ai ajouté mes trois jerrycans à la file d’attente il y a neuf jours. Et regardez : ils n’ont toujours pas atteint la fontaine, raconte Leïla, réfugiée dans le camp de Metché. Je dois les surveiller en permanence. Si je ne les fais pas avancer, on les met de côté. Trois bidons d’eau ne suffisent pas pour ma famille de neuf personnes. J’en achète en plus avec mes bons alimentaires », ajoute-t-elle.

Les latrines manquent également, la plupart des camps n’atteignent pas la norme minimale d’une latrine pour 50 personnes. Les mauvaises conditions d’hygiène et l’eau insalubre augmentent les risques d’infections cutanées, d’hépatite E, de typhoïde, de polio, de choléra, ainsi que de maladies diarrhéiques. Ces maladies empêchent le corps d’absorber les nutriments essentiels, aggravant ou provoquant la malnutrition. Ces deux dernières années, MSF a soigné 43 908 patients souffrant de malnutrition aiguë et a répondu à des épidémies d’hépatite E et de typhoïde à Adré, Aboutengue et Metché.

À l’approche de la saison des pluies, la situation pourrait donc se détériorer davantage ; en effet les risques d’inondation, et par conséquent de contamination d’eau, sont tous deux très élevés, ce qui augmentera encore la pression sur les services de santé. 

« Quand les pluies arriveront, les gens commenceront à boire directement dans les wadis (rivières) contaminés qui servent aussi de latrines, explique Yasmina, une responsable communautaire de la zone 3 du camp de Metché. Le risque de propagation des maladies va augmenter. »

 

Fournir des services d’eau et d’hygiène à grande échelle dans ces conditions est à la fois coûteux et complexe. Peu d’organisations humanitaires disposent des ressources nécessaires, et les récentes coupes de financements réduisent encore leur capacité d’intervention. Depuis le début de la crise, MSF est un important fournisseur d’eau potable dans trois camps de réfugiés de la région du Ouaddaï, à Adré, Aboutengue et Metché. Les équipes collaborent étroitement avec les autorités tchadiennes, qui organisent la réponse aux besoins des réfugiés notamment en matière d’eau et d'assainissement. Ainsi MSF est intervenu dans le camp de transit d’Adré notamment pour construire des systèmes d’approvisionnement qui ont produit 654 000 litres d’eau par jour en mai.

Mais de nombreux besoins restent non couverts. C’est le cas de ceux en eau par exemple de 46 000 réfugiés soudanais d’Aboutengue ou à Metché, où 41 000 réfugiés n’ont toujours pas accès à assez d’eau. Par ailleurs, MSF investit dans des forages solaires pour assurer autonomie et durabilité.

Avant la saison des pluies, moment critique pour les maladies hydriques, MSF a réhabilité 229 latrines à Adré et en a construites 80 nouvelles à usage durable. En collaboration avec d’autres acteurs de l’aide, 539 latrines ont également été vidangées. Pour lutter contre les maladies et améliorer l’hygiène, MSF a distribué du savon et des jerrycans dans le camp d’Aboutengue.

Alors que des milliers de réfugiés arrivent dans la province aride du Wadi Fira, dans le nord, où l’eau potable est extrêmement rare, MSF a construit 50 latrines d’urgence et distribue 60 000 litres d’eau par jour dans le camp de transit de Tiné, en plus de fournir des soins de santé de base. De nouvelles activités démarrent également dans le camp d’Iridimi, où sont relocalisés les réfugiés franchissant la frontière au niveau de Tiné, pour augmenter durablement les services d’eau et d’assainissement.

Les relocalisations de réfugiés vers des camps déjà sous-équipés en eau et en infrastructure d’assainissement exercent une pression croissante sur les ressources déjà limitées. La situation risque de se dégrader fortement avec l’arrivée de fortes pluies cette année. 

Notes

    À lire aussi