Tchad : Les réfugiés face à un choix difficile

Des milliers de personnes ont cherché refuge à Kousseri à 15 kilomètres de N'Djamena suite aux combats dans la capitale tchadienne
Des milliers de personnes ont cherché refuge à Kousseri, à 15 kilomètres de N'Djamena, suite aux combats dans la capitale tchadienne © Alois Hug/MSF

Deux semaines après les violents combats de N'Djamena, l'heure est venue pour des milliers de tchadiens réfugiés au Cameroun de faire un choix difficile : retourner au Tchad ou rejoindre un camp de réfugiés installé dans les environs de Kousseri, au Cameroun.

Des milliers de personnes se sont installées depuis plus de 15 jours dans la ville de Kousseri, au Cameroun, à deux pas de la frontière avec le Tchad, souvent dans des conditions précaires. Malgré la fin des combats à N'Djamena, plus de 30 000 réfugiés sont encore présents à Kousseri. Faute d'abris et de couvertures, les maladies liées au froid - notamment les infections respiratoires - sont une des principales causes de consultation réalisées par les équipes MSF. Le manque de nourriture est également un problème.

L'assistance s'organise en dehors de la ville : un camp a été monté à Maltam, à une trentaine de kilomètres de Kousseri. Depuis le 16 février, le HCR, l'agence onusienne de protection des réfugiés, organise le transfert vers ce camp. Le premier jour, les réfugiés se bousculaient pour pouvoir monter dans les camions qui partaient vers Maltam, attirés pour la plupart par la perspective de recevoir de la nourriture et de l'assistance. En sens inverse, un certain nombre de familles avait décidé de regagner N'Djamena.

Pour des milliers de personnes, il s'agit donc à présent de choisir entre retourner chez eux, à N'Djamena, avec le risque et l'incertitude que cela comporte, ou aller vivre dans un camp de réfugiés, où ils pourront bénéficier d'une assistance.

L'insécurité est la principale raison évoquée par les réfugiés qui hésitent à rentrer chez eux. Certains sont encore sous le choc de l'extrême violence des combats qui ont secoué la capitale. « Les rebelles sont entrés et ont tout cassé dans la ville. Il y avait des morts partout, même devant notre porte. C'était comme en 1979 [lors de la guerre civile], et même pire », se souvient Fatima, une veuve réfugiée à Kousseri avec deux de ses petits enfants. « Je ne peux pas retourner là où il y a des balles perdues, j'en ai assez. C'est la quatrième fois que j'assiste à ce genre d'événements. J'ai déjà perdu mon mari et mon grand frère dans les événements précédents. A chaque fois, nous, les malheureux, on meurt comme ça.»

De nombreux blessés venus de N'Djamena sont arrivés à l'hôpital de Kousseri dès les premiers jours qui ont suivi les combats. L'équipe chirurgicale MSF a déjà opéré une vingtaine de blessés et continue à prendre en charge les cas de chirurgie orthopédique et les urgences chirurgicales.

Les combats ont cessé il y a quinze jours, mais la peur reste présente. Pour les plus pauvres, la question est aussi de savoir s'ils trouveront de quoi survivre. Dans la capitale tchadienne, les prix ont flambé depuis les affrontements. « A N'Djamena il n'y a rien. Le prix du mil est très élevé. Si on rentre, qu'est ce qu'on va manger ? » demande Henriette, une grand-mère qui vit depuis douze jours sous un arbre avec tous les membres de sa famille. Pour Siméon, un étudiant qui dit ne plus vouloir retourner au Tchad, la situation est simple : « Ceux qui n'ont rien préfèrent aller à Maltam et recevoir des vivres.»

« Je ne sais pas encore si je vais aller à Maltam», explique Narcisse, un homme d'une cinquantaine d'année qui vit depuis 12 jours à Kousseri avec les cinq membres de sa famille. Ils ont épuisé leurs réserves de nourriture et dorment en plein air. « D'un côté, à N'Djamena, j'ai ma maison, mais avec la situation actuelle ce n'est pas possible. En plus, toute l'activité est arrêtée. Je suis menuisier, si je retourne et que l'activité n'a pas repris, qu'est ce que je vais faire ? A Maltam, au moins, on me donnera à manger. Je pourrais rester là-bas en attendant de voir comment ça va à N'Djamena.»

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