Sri Lanka - Deux régions déchirées par un long conflit

Les affrontements entre l'armée sri-lankaise et les rebelles des Tigres tamouls du LTTE imprègnent la vie des populations. Elles se retrouvent isolées sur la péninsule de Jaffna ou vivent dans des camps de déplacés dans la province de l'Est, deux régions où MSF leur porte assistance.Interview d'Annick Hamel, chef de mission par interim au Sri Lanka

illustration Dans un camp de déplacés près de Batticaloa

Le cessez-le-feu signé en 2002 après des années de conflit n'est plus en vigueur depuis la reprise des hostilités, en 2006, entre le gouvernement et les rebelles tamouls du LTTE. Mais que se passe-t-il au juste au Sri Lanka car les informations sur ce pays sont très rares ?
Même s'il n'y a plus de combats directs entre l'armée et les rebelles tamouls, les zones peuplées très majoritairement de Tamouls, précisément dans la péninsule de Jaffna et la province de l'Est, vivent une situation de conflit. La présence de l'armée y est extrêmement importante. Dans la péninsule de Jaffna située au nord et complètement coupée du reste du pays par une ligne de front, la vie au quotidien est très perturbée. Un couvre-feu est imposé de 19h à 5h du matin. Dans la journée, ce sont des convois militaires qui traversent la péninsule. Tous les véhicules et les piétons sont alors bloqués sur le trajet que doit emprunter le convoi, au minimum pendant une heure et demie, et parfois jusqu'à cinq heures. Cela se produit au moins deux fois par jour. Résultat, les gens ont peur et cherchent à fuir. Car toutes les nuits, on entend des bombardements. Les militaires qui sont basés sur la péninsule bombardent les zones au sud où les rebelles du LTTE sont présents et aussi côté mer, pour les empêcher d'accoster. Il est devenu d'ailleurs très difficile pour les pêcheurs d'aller en mer, cette activité qui était bien développée est maintenant très restreinte. De plus, l'offre de nourriture a nettement diminué du fait que les seules voies d'approvisionnement possibles sont par avion ou par mer. Et les prix n'arrêtent pas d'augmenter.

Dans la province de l'est, il semble que la situation soit différente ?
Du fait des affrontements, une grande partie de la population a fui leur village et s'est regroupée dans un très grand nombre de petits camps autour de Batticaloa. Depuis peu, un mouvement de retour s'amorce au sud de Batticaloa, des familles sont réinstallées dans leur village par l'armée, une fois la zone déminée. Car après des combats assez importants, l'armée a repris le contrôle de la région. Mais au nord de Batticaloa où MSF est présente, il reste des poches de résistance des rebelles du

LTTE, il y a encore des escarmouches et la situation s'apparente plutôt à une guerilla. illustration

En quoi consiste l'activité de MSF ?
Il est presque impossible pour les personnes vivant dans les camps de se déplacer. Car l'armée qui est très présente dans la région, sur les routes notamment, ne les autorise pas à sortir des camps, ce qui leur pose problème pour se faire soigner. Notre activité consiste donc à offrir un accès aux soins à ces populations en intervenant dans onze camps de déplacés au nord de Batticaloa. Cela représente une population de plus de 12 000 personnes. Nos médecins y donnent des consultations. Il s'agit de médecine générale (épisodes de diarrhée, infections respiratoires, dengue...). Des patients se plaignent aussi de douleurs généralisées, en fait c'est surtout un mal être qu'ils ont besoin d'exprimer. Car ils ont dû quitter leur maison et n'ont aucune activité, ils ne peuvent pas cultiver. Nous faisons aussi une surveillance médicale des femmes enceintes et transférons les cas compliqués à l'hôpital de Batticaloa. L'autre volet de notre activité concerne l'approvisionnement en eau de ces camps où nous avons fait des distributions de matelas, draps, jerrycans, kits d'hygiène.
Maintenant comme des familles commencent à être réinstallées dans leurs villages qui ont généralement subi de très grosses destructions, nous essayons de voir quels sont les besoins sur le plan médical et de l'approvisionnement en eau et nourriture.

A Point Pedro sur la péninsule de Jaffna, il n'y a en revanche pas de camps de déplacés. Que fait MSF là-bas ?
MSF est la seule ONG étrangère à Point Pedro. Notre équipe travaille dans l'hôpital de la ville où elle prend en charge la chirurgie générale. Car avec le départ des spécialistes, le service de chirurgie n'était plus opérationnel. Et nous voulions offrir un accès à la population à proximité de chez eux, étant donné les difficultés pour aller à Jaffna où il y a un hôpital universitaire. A Point Pedro, nous avons aussi une gynécologue obstétricienne qui s'occupe des femmes enceintes. Enfin nous avons une ambulance pour transférer certains patients à l'hôpital de Jaffna. Mais si c'est pendant le couvre-feu, nous devons à chaque fois obtenir une autorisation de l'armée.

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