Soudan : « nous vivons dans rien : sans murs, ni toit », trois semaines après l’attaque meurtrière du camp de Zamzam, des dizaines de milliers de déplacés manquent de tout

Des patients en attente de soins médicaux à l'entrée de l'hôpital de Tawila, dans le Darfour Nord, au Soudan. Avril 2025
Des patients en attente de soins médicaux à l'entrée de l'hôpital de Tawila, dans le Nord-Darfour, au Soudan. Avril 2025 © Thibault Fendler/MSF

Depuis le 11 avril 2025, après la vaste offensive terrestre menée par les Forces de soutien rapide (RSF) contre le camp de Zamzam, les combats se sont intensifiés à El-Fasher et les personnes déplacées continuent d'affluer à Tawila, au Nord-Darfour[1]. Les arrivants sont dans une situation d’extrême vulnérabilité, certains sont blessés, d’autres sont gravement malnutris (le camp de Zamzam était en situation de famine depuis aout 2024[2]). Les services d’urgence et de nutrition de l’hôpital soutenu par Médecins Sans Frontières (MSF) sont submergés.

« Ils sont venus avec leurs mitrailleuses. Ils ont tué les gens, y compris les enfants. Ils ont brûlé notre maison avec tout ce que nous avions à l'intérieur » raconte Mariam*, 40 ans, arrivée à Tawila trois jours après l'attaque de Zamzam. « Même avant l'attaque, des gens mourraient de soif et de faim à cause du siège imposé à Zamzam depuis un an ». Elle est arrivée à Tawila avec sa mère, ses sœurs et leurs enfants. Ils sont tous désormais entassés sous un abri de fortune. « Ici, il n'y a pas de nourriture. Certaines personnes ont partagé un peu de farine avec nous, c'est ainsi que nous survivons : en mendiant. Quand nous allons chercher de l'eau ils ne nous laissent remplir qu'un jerrican par famille, nous sommes 20 ». 

Depuis le 12 avril 2025, date à laquelle les premiers réfugiés ont commencé à arriver à Tawila en provenance de Zamzam, les environs de la ville ont été complètement envahis. On estime aujourd'hui à plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes vivant dans des abris de fortune installés dans des champs, qui étaient totalement vides il y a encore quelques semaines. 

« Cela fait maintenant quatre jours que nous sommes ici, nous vivons dans rien : pas de murs, pas de toit », raconte Ibrahim*, 42 ans, qui a fui Zamzam à pied, en portant un de ses enfants sur ses épaules et un autre sur son dos, pendant cinq jours. C'est la quatrième fois en dix ans qu'il est déplacé dans des circonstances similaires. « Nous recevons de la nourriture des cuisines communautaires. Parfois, nous arrivons à avoir un peu de riz lors de la distribution des repas, mais si nous n'en avons pas, nous devons attendre le lendemain pour manger. Pour l'eau, nous allons à un puit, mais il y a tellement de monde que nous devons attendre des heures avant de pouvoir boire. » 

Quelques organisations d’aide sont présentes à Tawila, mais le nombre de personnes ayant besoin de soutien dépasse largement leurs capacités d'intervention. Les équipes de MSF ont mis en place deux postes de santé sur les principaux sites d'arrivée pour fournir de l'eau, et une aide nutritionnelle et médicale. Elles orientent les patients dans un état critique vers l'hôpital local de Tawila, que MSF soutient depuis octobre 2024. 

Tiphaine Salmon, infirmière en chef de MSF, travaillait à l'hôpital le 12 avril lorsque l'afflux massif a commencé : « au cours des premiers jours, le nombre de patients à l'hôpital a presque doublé. Nous n’avions tellement plus de place qu’il y avait quatre patients par lit. Beaucoup de personnes avaient des blessures causées par les balles et les explosions. Nous avons soigné près de 780 personnes au cours des trois dernières semaines, dont 138 enfants. Parmi tous les patients, 187 étaient dans un état grave. Le plus jeune que j'ai vu, c’était un bébé de sept mois qui avait reçu une balle sous le menton, qui lui avait traversé l'épaule. Beaucoup d'enfants sont arrivés seuls, sans leurs parents, et beaucoup de parents cherchaient désespérément leurs enfants. » 

En parallèle, MSF a vu les admissions dans son centre de nutrition passer de 6-7 par semaine, à plus de 60, la plupart étant des enfants de moins de 5 ans atteints de malnutritions sévères, originaires du camp de Zamzam.  

Cette situation est aggravée par l’apparition, en mars, d’une épidémie de rougeole à Tawila, où MSF avait pris en charge plus de 900 cas suspects, dont 300 graves. Début avril, les équipes ont vaccinés plus de 18 000 enfants de moins de 5 ans. Toutefois, avec l'arrivée massive de personnes de Zamzam, plusieurs nouveaux cas suspects ont été détectés chez des enfants. Dans les sites de déplacés surpeuplés aux conditions d’hygiène précaires, la combinaison de malnutrition et de rougeole est particulièrement dangereuse pour les jeunes enfants. 

En plus des centaines de consultations médicales quotidiennes, MSF a fourni de la nourriture aux cuisines communautaires locales, permettant la distribution de plus de 16 000 repas par jour. Les équipes assurent aussi la distribution de 100 000 litres d’eau potable par jour et prévoient la construction de 300 latrines supplémentaires. 

Mais les besoins restent immenses et dépassent largement les capacités d’MSF. Malgré la mobilisation d'autres acteurs et une première distribution alimentaire massive, la réponse humanitaire doit être renforcée de toute urgence. Nous appelons les agences des Nations unies à intensifier leur présence sur le terrain pour organiser une réponse à la hauteur des besoins croissants. 

 

*Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des personnes. 

Notes

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