Réduire de moitié la malnutrition sévère

Distribution préventive de Plumpy'doz un complément nutritionnel dans la région de Maradi au Niger juin 2008.
Distribution préventive de Plumpy'doz, un complément nutritionnel, dans la région de Maradi au Niger, juin 2008. © Laurent Chamussy / Sipa Press

Le Journal of the American Medical Association publie aujourd'hui les résultats d'une étude sur la distribution préventive d'aliments thérapeutiques. Menée en 2006 au Niger, cette étude montre qu'il est possible de diviser par deux le nombre d'enfants atteints de malnutrition. Dans des zones où la malnutrition sévère atteint chaque année des dizaines de milliers d'enfants, ces stratégies préventives efficaces doivent être développées, explique le Dr Isabelle Defourny, responsable des programmes de MSF au Niger. Lire notre communiqué de presse

Le Journal of the American Medical Association publie aujourd'hui les résultats d'une étude sur la distribution préventive d'aliments thérapeutiques. Menée en 2006 au Niger, cette étude montre qu'il est possible de diviser par deux le nombre d'enfants atteints de malnutrition. Dans des zones où la malnutrition sévère atteint chaque année des dizaines de milliers d'enfants, ces stratégies préventives efficaces doivent être développées, explique le Dr Isabelle Defourny, responsable des programmes de MSF au Niger.

Lire notre communiqué de presse

Quels sont les principaux résultats de l'étude publiée aujourd'hui dans le Journal of American Medical Association (JAMA) ?

Pour la première fois, une stratégie nutritionnelle préventive se révèle capable de diminuer de plus de moitié le nombre d'enfants atteints de malnutrition sévère.

Concrètement, nous avons distribué dans six villages du Niger un sachet de Plumpy'nut par jour à tous les enfants âgés de six mois à cinq ans pendant trois mois en 2006. Le nombre d'enfants tombant dans la malnutrition sévère a été réduit de 58% par rapport aux six villages où nous n'avons pas effectué ces distributions.

De plus, il y a deux fois moins de décès au sein du groupe qui a reçu ces produits. Même si l'impact sur la mortalité n'est pas statistiquement significatif vu la taille trop faible de l'échantillon, c'est extrêmement encourageant et cela recoupe notre expérience de terrain.


Réduire la malnutrition en distribuant préventivement des produits nutritionnels adaptés, cela peut sembler évident. Alors, en quoi cette étude est-elle si importante ?

Parce qu'elle ouvre des perspectives pour enfin lutter efficacement et à grande échelle contre la malnutrition là où elle est une cause majeure de mortalité des jeunes enfants !

Prise en charge aux soins intensifs d'un enfant souffrant de malnutrition sévère. Niger, juin 2008. © Laurent Chamussy / Sipa Press

Jusqu'à présent, l'Organisation mondiale de la Santé ne fait aucune recommandation spécifique pour ce type de contextes, si ce n'est de soigner les enfants malnutris sévères.

Or il faut bien se rendre compte que dans des zones où chaque année des dizaines de milliers d'enfants font un épisode de malnutrition sévère, c'est impossible à mettre en pratique.

Cela exige beaucoup de personnel soignant qualifié, des infrastructures médicales pour hospitaliser un très grand nombre d'enfants et des moyens financiers colossaux. Les Etats les plus touchés par la malnutrition ne disposent pas des ressources suffisantes.

 

C'est donc tout l'intérêt de cette étude. Elle prouve qu'en changeant de stratégie, on peut diminuer de 60% le nombre d'enfants à soigner, et donc faciliter leur prise en charge. C'est aussi une question d'éthique médicale. Dans les gros foyers de malnutrition, pourquoi attendre que des dizaines de milliers d'enfants atteignent les stades les plus graves de la maladie, quand il est démontré qu'une prévention efficace existe ?


Ces nouvelles stratégies préventives efficaces sont-elles abouties ?

Il reste encore beaucoup à faire pour affiner la composition des produits nutritionnels préventifs, déterminer le meilleur calendrier pour les distribuer, imaginer de nouveaux modes de distribution, etc. Et pour continuer à faire la preuve de leur efficacité, les expériences menées doivent faire l'objet d'études, notamment pour démontrer scientifiquement l'impact très probable sur la mortalité.


Distribution de Plumpy'doz, Niger, juin 2008. © Laurent Chamussy / Sipa Press

Depuis le projet sur lequel porte l'étude publiée aujourd'hui dans JAMA, nous avons déjà beaucoup avancé.

En 2006, nous avons distribué préventivement le seul aliment complet et prêt à l'emploi qui existait, le Plumpy'nut, destiné en fait au traitement de la malnutrition sévère.

En 2007 et 2008, nous avons distribué du Plumpy'doz, un complément alimentaire spécialement conçu pour une utilisation préventive à environ 60 000 enfants au Niger.

Les enfants continuaient à manger dans le plat familial et le Plumpy'doz leur apportait ce qui manque (lait, vitamines, minéraux) dans leur régime alimentaire.

 

Les résultats ont, là encore, été très positifs. Dans le district ciblé par les distributions, pour la première fois en 6 ans, il n'y a pas eu de pic de malnutrition. Le nombre d'enfants malnutris sévères admis dans notre programme de prise en charge a diminué, ainsi que la proportion de ceux ayant besoin d'une hospitalisation.

Au-delà de MSF, les choses avancent aussi dans la bonne direction. Fin 2008, l'Unicef et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont annoncé qu'ils allaient distribuer du Plumpy'doz en Somalie, au Burkina Faso, en Afghanistan et à Madagascar.


Où se situent les blocages pour passer à des distributions préventives plus larges de compléments nutritionnels ?

Tout d'abord, il faut que les Etats les plus touchés par la malnutrition s'emparent de ces nouvelles stratégies. Tant qu'il n'y avait pas de façon de s'attaquer efficacement à la malnutrition, le réflexe de certains était plutôt de cacher ce problème de santé publique. Aujourd'hui, les distributions de compléments nutritionnels préventifs offrent une alternative plus acceptable, plus tenable que la prise en charge chaque année d'un très grand nombre d'enfants sévèrement dénutris.

Reste la question du financement de ces nouvelles stratégies. Le coût des compléments nutritionnels va certainement diminuer, mais il est difficilement compressible en raison du coût des matières premières. Il est donc impératif d'augmenter les financements autour de la malnutrition, qui restent assez faibles. Les bailleurs de fonds internationaux doivent reconnaître l'ampleur du problème et débloquer les moyens financiers adéquats. Ce n'est pas insurmontable, cela a déjà été fait pour d'autres pathologies, comme la tuberculose, le sida ou le paludisme à travers notamment le Fonds mondial.

 

>> Publication médicale : l'efficacité d'un produit adapté pour prévenir la malnutrition - Lire notre communiqué de presse

>> Effect of Preventive Supplementation With Ready-to-Use Therapeutic Food on the Nutritional Status, Mortality, and Morbidity of Children Aged 6 to 60 Months in Niger - Lire l'article (en anglais) l'article paru dans le JAMA

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