RDC : "le viol est lié au conflit"

Kitchanga Kivu décembre 2007.
Kitchanga, Kivu, décembre 2007. © François Dumont /MSF

La violence et le viol sont une constante au Nord Kivu. Dans cette province de l'est de la République démocratique du Congo, divers groupes armés s'affrontent depuis des années. Et les femmes sont violées, précisément par ces hommes armés, lorsqu'elles vont aux champs ou au marché. Pour elles, MSF a mis en place des consultations spéciales à Rutshuru, Nyanzale, Kabizo et plus récemment à Kayna. Interview de Romain Gitenet, chef de mission à Goma.

Les violences sexuelles exercées contre les populations sont-elles directement liées au conflit qui sévit au Kivu depuis des années?
Les populations civiles sont les premières victimes des affrontements armés. Diverses formes de violence sont exercées contre elles.

Pendant les périodes de combats intenses, il y a des blessés par balle. Mais le viol reste la forme de violence la plus commune à laquelle sont directement exposées les populations civiles, au même titre que les pillages.

Le viol est très répandu pour différentes raisons. Les combattants veulent se servir, ils prennent des femmes comme ils viennent voler de la nourriture. Les femmes sont traitées comme un butin.

D'autres agresseurs agissent en représailles. Les populations vivant dans une zone géographique donnée sont souvent assimilées au groupe armé qui contrôle cette zone.

Et lorsque les combattants d'un camp adverse lancent une attaque pour s'emparer de cette zone, il considèrent les habitants comme des agents de l'ennemi.

Oui, le viol est clairement lié au conflit. Car ce sont des hommes en armes qui commettent la plupart des viols. Qu'ils appartiennent à telle ou telle faction armée, cela ne fait aucune différence. A cela s'ajoute le problème de l'impunité et de la déstructuration du tissu juridique. Car les agresseurs qui sont des civils, ont des armes et commettent ce crime en toute impunité, le plus souvent.

A-t-on une idée de l'ampleur du phénomène des viols au Kivu ?
Ce phénomène est très difficile à quantifier. A MSF, nous avons une vision claire du nombre de personnes que l'on soigne, mais pas de la totalité des viols dans la région. En 2008, les équipes MSF ont pris en charge au Nord Kivu 4 663 victimes de violences sexuelles, des femmes dans leur immense majorité. C'est énorme.

L'an dernier à Nyanzale, nous avons reçu 300 victimes de violence sexuelle par mois en moyenne. En mai, nous en avions même reçu 550

Mais ce n'est qu'une fraction parce qu'un grand nombre de victimes ne viennent pas faire se soigner. Pour aller à un centre de soins MSF, la femme qui a été violée doit expliquer à son mari ou à sa famille pourquoi elle doit se déplacer loin de chez elle. Et souvent elle ne le dira pas, de peur d'être stigmatisée et rejetée par la communauté.

Il y a aussi ces femmes qui voudraient recevoir un traitement, mais ne viennent pas parce que la distance à parcourir est trop grande ou qu'elles risquent de se faire attaquer en chemin.

A-t-on constaté une augmentation du nombre de viols ?
Nous pourrions être tentés de le dire au vu des statistiques. Les données sur 2006, 2007 et 2008 font apparaître une courbe ascendante. Mais plusieurs facteurs s'imbriquent et faussent toute interprétation.

Plus de femmes viennent se faire soigner dans nos programmes très certainement parce que nous sommes mieux implantés, que nous faisons une sensibilisation plus pertinente et que nos programmes sont mieux connus. Nous nous efforçons en effet d'informer la population sur la prise en charge que nous offrons.

La violence et le viol sont une constante au Nord Kivu, au Sud Kivu... depuis des années. C'est pourquoi nous avons mis des structures en place à Rutshuru, à Nyanzale, à Kabizo et plus récemment à Kayna pour offrir un traitement médical aux victimes de violences sexuelles.

Ceci dit, dans la zone de Nyanzale, le viol est tellement répandu qu'il est maintenant moins stigmatisant pour les femmes. Dans la plupart des autres zones, le viol reste tabou. Dans l'esprit des gens, c'est une honte, une salissure. La personne violée n'est pas perçue comme une victime. Dans l'esprit du mari ou de la famille, c'est de la faute de la femme. Ils pensent qu'elle aurait dû se débattre et plutôt mourir que porter cette salissure.

Qui prend en charge ces patientes ?
Dans chaque programme MSF au Nord Kivu, nous avons des infirmières qui sont spécialisées dans les soins aux victimes de violence sexuelle. Elle sont malheureusement, pourrait-on dire, bien expérimentées.

Certaines d'entre elles ont pris en charge plus de 500 patientes. Ainsi l'an dernier à Nyanzale, nous avons reçu 300 victimes de violence sexuelle par mois en moyenne. En mai, nous en avions même reçu 550. Face à cela, une psychologue vient régulièrement pour suivre les patients et aider les infirmières consultantes.

Notes

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