RDC : la situation alarmante des 200 000 déplacés de la province d'Ituri

Rho IDP site, Northeastern Congo
Arielle Vay, 68 ans, se repose dans la clinique mobile MSF dans le camp de déplacés de Rho, dans la zone de santé de Drodro. © Alexis Huguet

En Ituri, dans le Nord-Est de la RDC, le violent conflit entre les communautés Hema et Lendu, qui a marqué le début des années 2000, redouble d'intensité depuis décembre 2017, forçant les populations locales à fuir leurs villages.

À ce jour, environ 200 000 personnes se sont rassemblées dans des camps qui ne sont ni sécurisés, ni dotés des moyens appropriés pour les accueillir. Dans les zones de santé de Nizi, de Drodro et d'Angumu, Médecins Sans Frontières intervient pour répondre aux besoins urgents des déplacés internes. 

Une vue aérienne du camp de déplacés de Rho, dans la zone de santé de Drodro. Malgré la présence des Casques bleus de l'ONU, le site des déplacés internes a été attaqué à deux reprises à la fin du mois de septembre 2019 par des hommes armés.
 © Alexis Huguet
Une vue aérienne du camp de déplacés de Rho, dans la zone de santé de Drodro. Malgré la présence des Casques bleus de l'ONU, le site des déplacés internes a été attaqué à deux reprises à la fin du mois de septembre 2019 par des hommes armés. © Alexis Huguet

Des pics de violence à répétition

« Je vis dans le camp de Tse Lowi avec mon fils et mes six petits-enfants. Ça fait deux ans que nous avons dû fuir notre village. Des hommes armés y ont fait intrusion alors qu’il faisait déjà nuit, ils ont mis le feu aux maisons et ils ont tué les gens de manière atroce. La femme de mon fils est morte ce soir-là. Ils ont brulé ma maison et nous n'avons eu aucun autre choix que de fuir en pleine nuit sans rien pouvoir emporter, excepté les habits que nous portions. Nous avons marché trois jours et dormi trois nuits dans la brousse pour fuir les assaillants. J’étais effrayée. Nous avons finalement rejoint Tse Lowi le troisième jour », raconte Yvonne, assise devant son abri de paille.

Yvonne, son fils et ses six petits-enfants devant leur cabane de paille dans le camp de Tse Lowi, dans la zone de santé de Nizi.
 © MSF/Solen Mourlon
Yvonne, son fils et ses six petits-enfants devant leur cabane de paille dans le camp de Tse Lowi, dans la zone de santé de Nizi. © MSF/Solen Mourlon

1 million de déplacés en deux ans

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le nombre de personnes ayant été déplacées par les violences depuis 2017 – maisons pillées et incendiées, terres et ressources accaparées, massacres barbares –, est estimé à plus d’un million, mais il est quasiment impossible de connaître leur nombre exact en raison des mouvements continuels de populations.

Des conditions de vies alarmantes

Aujourd'hui, environ 200 000 personnes déplacées se sont spontanément rassemblées et vivent dans des camps, où les besoins essentiels (accès à l’eau, à la nourriture et aux structures sanitaires) ne sont pas garantis. 

MSF fournit des soins médicaux aux personnes déplacées, mène des activités d'approvisionnement en eau et assainissement, distribue des moustiquaires et des biens de première nécessité dans 34 camps des zones de santé de Nizi, Drodro et Angumu. 

Deux enfants les pieds dans la boue dans le camp de déplacés de Rho.

Une vue de la paroisse de Drodro.

Josée, son mari André et leurs enfants se tiennent devant leur abri de paille dans le camp de déplacés de Rho. Espérance (au centre, en chemise orange), leur fille de 6 ans, a été blessée lors d'une attaque armée au sein du camp fin septembre 2019. 

Espérance, la fille de Josée et André, âgée de 6 ans, a été blessée lors d'une attaque armée au sein du camp fin septembre 2019. « Lorsque les assaillants sont arrivés, ils ont crié :" Vous verrez, aujourd'hui, nous allons tous vous tuer" », raconte Josée.

Dieudonné Ngandru Lossi (à droite), 32 ans, veuf, s'entretient avec Flauribert, un promoteur de la santé MSF, dans son abri de paille au sein du camp de déplacés de Rho. Fin septembre 2019, sa femme a été abattue et tuée lors d'une attaque nocturne dans le camp.

Jeanne Ndzove Ndroui, 37 ans, prend soin de sa fille de trois semaines dans la paroisse de Drodro. « Nous avons fui Zatso, notre village, pour échapper aux attaques des milices armées », explique Jeanne.

Arielle Vay, 68 ans, reçoit des soins dans la clinique mobile MSF au sein du camp de déplacés de Rho.

Un membre du personnel MSF livre des médicaments aux patients de la clinique mobile MSF au sein du camp de déplacés de Rho.

Des enfants regardent le panneau du « Site de soins communautaires » au sein du camp de déplacés de Rho.

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Deux enfants les pieds dans la boue dans le camp de déplacés de Rho.

Une vue de la paroisse de Drodro.

Josée, son mari André et leurs enfants se tiennent devant leur abri de paille dans le camp de déplacés de Rho. Espérance (au centre, en chemise orange), leur fille de 6 ans, a été blessée lors d'une attaque armée au sein du camp fin septembre 2019. 

Espérance, la fille de Josée et André, âgée de 6 ans, a été blessée lors d'une attaque armée au sein du camp fin septembre 2019. « Lorsque les assaillants sont arrivés, ils ont crié :" Vous verrez, aujourd'hui, nous allons tous vous tuer" », raconte Josée.

Dieudonné Ngandru Lossi (à droite), 32 ans, veuf, s'entretient avec Flauribert, un promoteur de la santé MSF, dans son abri de paille au sein du camp de déplacés de Rho. Fin septembre 2019, sa femme a été abattue et tuée lors d'une attaque nocturne dans le camp.

Jeanne Ndzove Ndroui, 37 ans, prend soin de sa fille de trois semaines dans la paroisse de Drodro. « Nous avons fui Zatso, notre village, pour échapper aux attaques des milices armées », explique Jeanne.

Arielle Vay, 68 ans, reçoit des soins dans la clinique mobile MSF au sein du camp de déplacés de Rho.

Un membre du personnel MSF livre des médicaments aux patients de la clinique mobile MSF au sein du camp de déplacés de Rho.

Des enfants regardent le panneau du « Site de soins communautaires » au sein du camp de déplacés de Rho.

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Dans le camp de déplacés de Tse Lowi, des latrines ont été installées et des espaces de douche fermés ont été conçus pour que les personnes puissent se laver en toute intimité. Mais, ce n’est pas le cas dans les camps nouvellement construits depuis les arrivées de nouvelles vagues de déplacés. 

Ainsi, les 426 familles présentes sur le camp de Kambe – construit il y a sept mois –, se partagent seulement quatre latrines de fortune et aucun espace de douche n'est installé.

Dans le camp de déplacés de Kambe, zone de santé de Nizi.
 © MSF/Solen Mourlon
Dans le camp de déplacés de Kambe, zone de santé de Nizi. © MSF/Solen Mourlon

« Dans le camp de Kambe, il y a quatre blocs, explique Aimé Mave Dhesi, la responsable du bloc 2. Plus de 300 personnes vivent dans mon bloc. La petite hutte à l’extrémité du bloc, c’est notre unique toilette. Nous n’avons pas de douche donc nous attendons la nuit pour nous laver, pour que personne ne puisse nous voir. C’est vraiment difficile de trouver à manger ici, les quelques parcelles d’échalotes, de courges et de pommes de terre que nous cultivons ne suffisent pas à nourrir tout le monde, et la source d’eau la plus proche est à 45 minutes à pied. Les déplacés de Kambe partent aider les autochtones aux champs pour gagner un peu d’argent : 1 000 francs congolais par jour [environ 0.50 euros]. Ça leur permet à peine d’acheter de quoi se nourrir. Quand ils sont malades, leur famille reste le ventre vide jusqu’à ce qu’ils retournent au travail. »

Les déplacés internes vivent tous dans la précarité alimentaire et l’insalubrité, favorisant le développement de maladies.

Yvonne, déplacée dans le camp de Tse Lowi :

« Lorsque les enfants tombent malades, je les emmène au site de soins communautaires qui se trouve dans le camp. »

L'urgence de la réponse humanitaire

Des sites de soins communautaires ont été installés par MSF dans 19 des 24 camps de la zone de santé de Nizi. Ces sites de soins communautaires sont gérés par un membre de la communauté, identifié en amont et formé à reconnaître les maladies les plus fréquentes. Ces derniers mesurent les bras des enfants à l’aide de bracelets pour repérer la malnutrition, font des tests de dépistage rapide du paludisme, contrôlent la fièvre et la diarrhée. 

Ils ont à leur disposition des médicaments faciles d’utilisation tels que du paracétamol et des antipaludéens pour donner les premiers soins et réfèrent les enfants malades dans l'un des sept centres de santé soutenus par MSF si nécessaire. Selon de récentes enquêtes menées par MSF chez les enfants de moins de cinq ans arrivés dans la zone de santé de Nizi au printemps 2019, les taux de mortalité sont trois fois supérieurs aux seuils d’urgence.

Dans chaque centre, un infirmier MSF est présent aux côtés du personnel local. Si l’état de l’enfant est critique, il est alors référé vers l’hôpital général de référence de Nizi pour des soins d’urgence et hospitaliers. 

© MSF/Solen Mourlon
© MSF/Solen Mourlon

Dans l'hôpital général de référence de Nizi, MSF soutient une unité de soins intensifs, de réanimation, de pédiatrie, ainsi qu’une unité nutritionnelle et une chambre chaude pour les nouveaux nés. Le but est de soigner les enfants le plus tôt possible et d’éviter des complications médicales. Au vu des besoins énormes dans la zone, le taux d’occupation de la pédiatrie a souvent dépassé les 100 %, nécessitant pour MSF de renforcer sa capacité d’hospitalisation. Aujourd’hui, l’ensemble de l'unité pédiatrique comprend 56 lits.

 

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