Pakistan : à Tirah, le difficile retour des populations déplacées par le conflit

Après plus d'une décennie d'exil forcé en raison des conflits, les habitants de la vallée de Tirah sont de retour dans la région, située près de la frontière afghane. Les familles reviennent dans la vallée depuis 2022, où elles retrouvent leurs maisons détruites, sont confrontées à un manque de services de base et ne voient que peu de signes de l'aide qui leur avait été promise pour reconstruire leur vie. Depuis mai 2022, une équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) travaille auprès des communautés qui reviennent et gère une clinique à Tirah.
Jusqu'au début des années 2000, Tirah, située dans l’ancienne région des zones tribales sous administration fédérale (FATA), connaissait une relative stabilité. À la suite des attentats du 11 septembre et de la guerre menée par les États-Unis en Afghanistan, la région est rapidement devenue le théâtre d'un conflit prolongé, allant d'affrontements entre groupes armés à des conflits entre les forces gouvernementales et divers groupes armés, notamment Tehrik-i-Taliban Pakistan, Lashkar-e-Islam et Ansar-ul-Islam. À partir de 2009, les opérations militaires menées par les forces armées pakistanaises contre les groupes armés ont entraîné le déplacement massif de milliers de personnes.
Depuis 2022, la situation sécuritaire s'étant améliorée, les familles reviennent à Tirah, mais les difficultés demeurent : l'électricité, les écoles, les transports, les marchés, les centres de santé et les infrastructures de communications restent rares, la plupart des zones n'étant pas couvertes par les réseaux mobiles ou fixes. Les communautés tentent progressivement de se reconstruire, même si les services publics restent limités et que la violence et les affrontements entre les forces de sécurité et les groupes armés continuent d'affecter la région.
Dost Muhammad a près de 80 ans, et repartir de zéro lui semble impossible. Ayant perdu sa maison pendant le conflit, il vit désormais sous une tente. « Nos activités ont été détruites et il n'y a pas vraiment de moyens de subsistance ici », explique-t-il. « Avant notre déplacement, nous avions un commerce florissant avec l'Afghanistan. Aujourd'hui, il ne reste plus rien. Nos maisons ont été démolies et nous n'avons pas les moyens de les reconstruire. Nous n'avons aucun revenu et nous n'avons pas encore reçu la compensation financière promise [pour les maisons endommagées]. »
En mai 2022, MSF a ouvert une clinique pour les personnes qui sont revenues à Tirah. Cette installation est ce qui se rapproche le plus d'un hôpital pour cette communauté isolée. Elle offre des soins de santé généraux, des soins d'urgence, des services de référencement, ainsi que des soins maternels et pédiatriques.
En 2024, le personnel de MSF a assuré 40 000 consultations externes à la clinique, contre 26 000 l'année précédente. Cette augmentation montre trois choses : le retour progressif des familles déplacées, la sensibilisation de la communauté aux services de MSF et l'amélioration de l'accès à la clinique après la construction de nouvelles routes. Au cours d'une journée d'été, le personnel peut traiter jusqu'à 170 patients.
« Les évolutions sont prévisibles », explique Yousaf Ali, responsable des activités médicales de MSF. « En hiver, nous voyons des infections respiratoires ; en été, c'est le paludisme, la diarrhée et les maladies de la peau, comme la gale » - des affections courantes dans les zones où les conditions de vie sont insuffisantes.
« Mon enfant a la gale », explique une femme lors de sa visite. « Cette clinique nous offre des tests et des médicaments gratuits. Ailleurs, même si vous trouvez un médecin, il n'y a nulle part où obtenir des médicaments. J'ai vu des mères perdre leurs enfants à cause de la diarrhée pendant le long trajet vers un hôpital de la ville. Cette clinique est un soulagement. Nous ne voulons pas qu'elle disparaisse. »
Pour les personnes vivant dans les villages éloignés, le trajet jusqu'à la clinique peut être périlleux car elles doivent traverser des montagnes. La plupart arrivent à pied ; tandis que d'autres sont transportés sur les épaules.

Jan Akbar, un patient diabétique, explique : « Avant cette clinique, même pour un traitement mineur, nous dépensions 9 000 roupies rien que pour le voyage [pour atteindre un hôpital]. C'était insupportable pour nous. » Dans une région où il est difficile de gagner sa vie, 9 000 roupies, soit environ 30 dollars américains, représentent une somme considérable.
Bien qu'il ne soit pas équipé pour prodiguer des soins avancés, le centre MSF a accueilli des personnes ayant besoin de soins médicaux urgents. « Nous recevons parfois des patients qui ont besoin de soins d'urgence, souvent au milieu de la nuit », explique Sajjad Khan, assistant coordinateur de projet pour MSF.
Les femmes de Tirah sont confrontées à des obstacles supplémentaires, notamment en raison du manque de personnel de santé féminin dans la région. « Nous espérons simplement avoir davantage de femmes médecins et une unité de gynécologie dans les environs », explique Hashmat, une patiente.
« Personne ne devrait avoir à marcher pendant des heures sur des sentiers de montagne juste pour consulter un médecin », déclare Vangelis Orfanoudakis, représentant de MSF au Pakistan. « Une clinique peut être rudimentaire, mais celle-ci est devenue un point d'ancrage fiable pour des milliers de personnes qui reviennent, ce qui montre la nécessité d'ouvrir davantage d'établissements de santé dans la région à l'avenir. » « Ici, un établissement de santé est une bouée de sauvetage dans un environnement hostile », déclare M. Orfanoudakis