Octobre Rose au Mali : quels enjeux pour le traitement du cancer ?

Portrait d'une bénévole de l'association JCI Universitaire, impliquée dans les activités de sensibilisation au dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus
Portrait d'une bénévole de l'association JCI Universitaire, impliquée dans les activités de sensibilisation au dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus à Bamako, au Mali. © Mohamed Dayfour

Alice Authier, coordinatrice du projet d’oncologie de MSF au Mali, revient sur les enjeux autour de la détection et de la prise en charge des cancers dans le pays. Nos équipes y travaillent en partenariat avec le ministère de la Santé malien depuis 2018 auprès de patientes souffrant de cancers du sein ou du col de l’utérus.

Le mois dernier, plus de 5 000 femmes ont réalisé un dépistage du cancer du sein et du col dans le cadre de la campagne Octobre Rose menée par MSF et de nombreux partenaires à Bamako. Quel est l’accompagnement que nos équipes sont en mesure de leur fournir aujourd’hui ?

Notre objectif est de construire un projet commun avec les autorités maliennes qui permette à toutes les femmes ayant une suspicion de cancer du sein ou du col de l’utérus d’avoir accès à un dépistage, un diagnostic et des soins. Une détection précoce, en particulier du cancer du sein, est essentielle pour améliorer les chances de survie et accéder à des traitements le plus tôt possible. C’est ce qui a été martelé par toutes les associations, les soignants et les volontaires mobilisés à nos côtés dans le cadre de la campagne Octobre Rose à Bamako.
 
En plus des actions d’information, des donations d’équipements comme des pinces à biopsies, et de l’appui technique aux sages-femmes et soignants dans les centres de santé, nous assurons la prise en charge financière des mammographies, des examens complémentaires et d’imagerie médicale, et le suivi de ces patientes dans leurs parcours de soins.

Séance de sensibilisation à l'autopalpation pour le dépistage du cancer du sein au centre de santé de Yirimadio, à Bamako, au Mali.
 © Mohamed Dayfour
Séance de sensibilisation à l'autopalpation pour le dépistage du cancer du sein au centre de santé de Yirimadio, à Bamako, au Mali. © Mohamed Dayfour

Tous les échantillons et prélèvements arrivent au laboratoire d’anatomo-pathologie [l’étude des modifications anormales des cellules et des tissus] de l’Hôpital du Point G, le seul laboratoire public du pays en mesure d’effectuer des diagnostics de cancer. Nous avons participé à la rénovation et à l’équipement de ce laboratoire et nous continuons d’y travailler pour assurer la qualité et la rapidité des diagnostics. En fonction de ces résultats, des traitements spécifiques sont proposés aux patientes.

Quels sont ces traitements et quel est l’état actuel de la prise en charge ?

Trois traitements peuvent être proposés, ensemble ou séparément en fonction du stade du cancer : la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. C’est une équipe conjointe de soignants de MSF et du ministère de la Santé qui réalise les séances de chimiothérapie dans le service d’oncologie et d’hématologie de l’hôpital du Point G. En 2020, il y en a eu 3000. Nous avons réhabilité une salle où sont préparées les chimiothérapies afin d’améliorer les normes de sécurité. Lorsque les stocks de médicaments fournis par le gouvernement ne suffisent pas, nous les complétons afin d’assurer la gratuité du traitement. Les interventions chirurgicales peuvent se faire à l’hôpital du Point G ou à celui de Gabriel Touré et nous prenons en charge les coûts pour les patientes que nous suivons. Elles doivent pouvoir accéder aux soins le plus rapidement possible pour gagner du temps sur la maladie.
 
Les activités de radiothérapie, qui sont particulièrement indiquées contre les cancers du sein et du col de l’utérus, ont lieu à l’hôpital du Mali : il s’agit de la seule machine de radiothérapie du pays, qui compte plus de 20 millions d’habitants, ce qui est insuffisant pour traiter tous les patients. Il y a parfois de longs délais d’attente et les pannes sont fréquentes. Il faut aussi savoir qu’une radiothérapie ne doit pas être interrompue car les conséquences peuvent être encore plus délétères que si la patiente n'avait pas commencé de traitement du tout.

Des bénévoles de l'organisation JCI Universitaire sensibilisent les communautés au dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus ainsi qu'à la présence de services de santé gratuits dans le quartier du marché de Niamakoro, à Bamako, au Mali.
 © Mohamed Dayfour
Des bénévoles de l'organisation JCI Universitaire sensibilisent les communautés au dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus ainsi qu'à la présence de services de santé gratuits dans le quartier du marché de Niamakoro, à Bamako, au Mali. © Mohamed Dayfour

Quelles sont les prochaines étapes du projet d’oncologie au Mali ?

Les soins palliatifs, la prise en charge de la douleur, le soutien psychologique et social, les soins des plaies tumorales, notamment avec des visites à domicile, continuent d’être un volet important de notre travail auprès des patientes.

Nous allons continuer d’intensifier la sensibilisation des femmes et de leurs familles à l’importance du dépistage et aux possibilités de prise en charge. Il faut aussi renforcer le caractère systématique du dépistage des cancers du sein et du col dans les consultations de routine. Nous espérons développer par la suite des activités similaires dans d’autres régions du pays, en dehors de Bamako.
 
Construire ensemble la prise en charge pluridisciplinaire du cancer avec les autorités maliennes de santé, les associations, la société civile, et faciliter le parcours thérapeutique des patientes, notamment leur accès à la radiothérapie, est la priorité pour les années à venir.


Dans le cadre de ce projet, 166 femmes ont été diagnostiquées avec un cancer du sein et 126 avec un cancer du col de l’utérus entre janvier et juin 2021. Depuis le début de l’année, plus de 1 110 patientes ont été suivies par les équipes de MSF pour des soins de support et des soins palliatifs. Les soins de support peuvent inclure des visites à domicile, une aide psychosociale pour les malades et leurs familles et des consultations en santé mentale.

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