Nouveau vaccin contre la méningite A : avancées et défis

Docteur Cathy Hewison conseillère médicale
Docteur Cathy Hewison, conseillère médicale

Les équipes de MSF sont impliquées dans une campagne de vaccination de masse contre la méningite au Mali et au Niger. Depuis des années, MSF lance des campagnes de masse, mais celle-ci est différente ; le nouveau vaccin est utilisé de manière préventive et non en réponse à une flambée épidémique de la maladie. MSF travaille en étroite collaboration avec les États qui déploient ce vaccin. Le Docteur Cathy Hewison, conseillère médicale, commence par expliquer de quelle manière la méningite affecte les communautés de la région.

Chaque année, entre janvier et juin, les habitants de cette région sont sur le qui-vive ; ils ne savent pas s'ils seront touchés par une épidémie ou non. La méningite frappe les enfants et les adultes de ces communautés, et une grande partie des personnes qui survivent à la maladie en garderont un handicap à long terme comme la surdité ou des déficiences mentales. Une énergie et des moyens considérables doivent être déployés chaque année pour lutter contre la maladie, de l'envoi d'équipes pour le dépistage au traitement des patients et à l'organisation de la campagne de vaccination. Bref, un arsenal qui draine la totalité des ressources à disposition. Psychologiquement, financièrement et physiquement, ces épidémies sont catastrophiques pour les communautés concernées.

Jusqu'à présent, MSF a répondu à l'apparition d'épidémies par de vastes campagnes réactives de vaccination. Quelle a été l'efficacité de telles mesures ?

Nous avons fait de notre mieux dans ces situations où nous travaillons dans l'urgence, mais l'impact est limité en raison des outils dont nous disposons. Autrement dit, des gens tombent malades et meurent à défaut d'anticipation et d'intervention dans de bonnes conditions. Il faut en effet détecter l'épidémie, ce qui n'est pas facile dans ces pays étant donné le temps et les ressources disponibles. Nous devons ensuite importer des vaccins qu'il est impossible de prépositionner massivement dans chaque pays, faute de quantité disponible suffisante. Ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps pour mettre en œuvre une campagne de vaccination. Si nous voulons avoir un impact, nous disposons donc d'un temps limité pour vacciner les personnes, et il a été jusqu'à présent très difficile de le faire dans le délai imparti.

Peut-on dire que le nouveau vaccin est radicalement différent ?

Oui, avec le vaccin précédent, qui n'offrait qu'une protection de courte durée - trois ans maximum - cela ne valait pas la peine de vacciner la population avant une épidémie, car il n'est pas possible de prévoir quand et où une épidémie va se produire. Mais avec le nouveau vaccin, parce que nous savons qu'il protégera pendant dix ans et que tous ces pays seront confrontés à une épidémie dans les dix ans, nous sommes certains d'investir dans une bonne mesure de prévention. On peut donc parler d'une révolution dans la gestion de la méningite.

Un autre avantage : l'utilisation de ce vaccin chez les jeunes enfants, contrairement à l'ancien vaccin, inefficace chez les enfants de moins de deux ans. Mais le plus important est que le vaccin empêchera la transmission de la bactérie à l'origine de la méningite en éliminant le portage, c'est-à-dire la transmission du germe, et procurera ce que l'on appelle une immunité de groupe : les personnes vaccinées ne transmettront pas la bactérie et protègeront donc celles qui ne le sont pas.

Certains évoquent la fin des épidémies de méningite dans la région, est-ce exagéré ?

S'il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une révolution, on ne peut pas pour autant parler d'éradication des épidémies de méningite. En premier lieu, ce vaccin a été développé spécifiquement pour protéger les populations contre une forme particulière de méningite, à savoir la méningite A. Il s'agit d'un groupe spécifique de bactéries responsables de la majeure partie des grandes épidémies survenant dans la « ceinture de la méningite ». Toutefois, ce vaccin ne protège pas contre tous les types de méningite. Par conséquent, d'autres types de méningite à méningocoques seront toujours potentiellement présents, et des épidémies dues à d'autres formes de méningite restent possibles.

Au-delà de l'innovation et d'une efficacité prouvée lors des essais cliniques, le succès du vaccin ne réside-t-il pas aussi dans la mise en œuvre de son introduction ?

Les difficultés de mise en œuvre existent - nous devons nous assurer que 90 % de la population ciblée (1 à 29 ans) sera vaccinée afin d'assurer l'immunité de groupe et protéger le reste de la population. Cela représente un nombre colossal de personnes à vacciner en un court laps de temps. Il est également beaucoup plus difficile d'inciter les gens à venir se faire vacciner s'ils ne sont pas directement confrontés à des cas avérés de la maladie dans leur entourage. Une très bonne campagne d'information est donc nécessaire pour inciter les gens à la vaccination.

Une fois la population âgée de 1 à 29 ans vaccinée, il est nécessaire de maintenir cette tranche d'âge vaccinée, ce qui signifie qu'il faut vacciner les enfants entrant dans cette tranche d'âge, notamment par des activités annuelles de vaccination. C'est réellement un défi auquel nous aurons à faire face à l'avenir.

La « ceinture de la méningite » s'étend sur 25 pays d'ouest en est. Pourquoi le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont-ils été les premiers pays à utiliser le nouveau vaccin, et pourquoi MSF est-elle si directement impliquée ?

Tout d'abord, ces pays sont très souvent frappés par des épidémies qui touchent un grand nombre de personnes et causent de nombreux décès. En outre, ces pays ont été très actifs dans la lutte contre la méningite, non seulement dans la gestion des épidémies, mais aussi à travers leurs efforts pour faire avancer la science dans ces domaines. MSF, qui a longtemps participé à des actions innovantes pour traiter la maladie dans cette région, a également beaucoup travaillé avec ces pays sur la documentation et le développement de nouveaux traitements. Ces pays ont toujours été ouverts à la recherche scientifique et à l'utilisation des nouveaux outils thérapeutiques mis sur le marché et ont toujours essayé de s'attaquer résolument à ce problème.

Si la plus grande partie du financement est assurée dans ces trois pays, qui va financer le déploiement de ce vaccin dans le reste de la « ceinture de la méningite » ?

En fait, il manque encore des fonds pour la phase actuelle de mise en œuvre dans ces trois pays. Mais l'essentiel du déficit de financement concerne surtout les autres pays de la « ceinture de la méningite ». Vingt-cinq pays au total sont concernés, et cinq à dix grands pays ont un besoin urgent de vaccination. L'introduction de ce nouveau vaccin doit impérativement se faire dans ces pays dès qu'ils en auront les capacités. Nous sommes donc dans une situation frustrante : d'un côté, nous disposons d'un vaccin efficace ; il permettra au final d'économiser de l'argent et de sauver de nombreuses vies parce que nous ne passerons pas notre temps à endiguer les épidémies chaque année. De l'autre côté, nous ne sommes pas assurés d'obtenir les fonds nécessaires pour l'introduire. À l'heure actuelle, aucune promesse de financement n'a été faite.

Ce vaccin marque une formidable avancée dans la lutte contre les épidémies dans cette région. Mais faut-il être encore plus ambitieux et faire pression pour développer des vaccins contre d'autres formes de méningite ?

Ce vaccin a été élaboré à la suite d'un projet bien précis et conçu pour répondre aux besoins de la « ceinture de la méningite » en Afrique. Ce besoin était clairement un vaccin contre la méningite A qui est à l'origine d'immenses épidémies. L'autre critère est que le vaccin devait être suffisamment bon marché pour que les pays puissent en financer la mise en œuvre. Et le projet a parfaitement réussi à produire un vaccin très efficace contre la méningite A au coût très raisonnable de 0,40 $ US - en dépit des inquiétudes actuelles sur le financement global. Ce coût est beaucoup plus faible que celui du précédent vaccin, qui était aussi moins efficace. Bien sûr, il existe d'autres formes de méningite à méningocoques et d'autres types de méningite, mais il faudra déterminer s'il est nécessaire d'avoir un vaccin destiné à lutter contre d'autres espèces de bactéries. Il pourrait se révéler plus coûteux. Nous verrons ce qui va se passer après l'introduction du vaccin actuel.

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