Nigeria : la malnutrition et les épidémies récurrentes en augmentation dans le nord-ouest

Vue d'une salle d'hospitalisation à l'hôpital général de Gummi, soutenu par MSF. Nigeria. 2023.
Vue d'une salle d'hospitalisation à l'hôpital général de Gummi, soutenu par MSF. Nigeria. 2023. © MSF/Alexandre Marcou

Ces dernières années, plus de 600 000 personnes ont été contraintes de se déplacer dans le nord-ouest du Nigeria en raison de la violence extrême, de la détérioration des conditions économiques et du changement climatique. Malgré des signes encourageants de mobilisation de la part des acteurs humanitaires et des bailleurs en 2023, les équipes MSF constatent encore un manque d’effort international face à des niveaux catastrophiques de malnutrition et des épidémies récurrentes de maladies évitables.

Les habitants des États de Zamfara, Sokoto, Katsina et Kebbi, dans le nord-ouest du Nigeria, sont régulièrement touchés par des événements violents, qui prennent principalement la forme de banditisme armé et d’enlèvements. L'année dernière, plus de 2 000 personnes ont été tuées lors d’un millier d’incidents violents dans la région*.

En plus d’avoir dû fuir leur foyer, beaucoup n’ont plus de moyens de subsistance. L’accès à la nourriture et aux soins s’avère limité, compliqué, voire dangereux. On estime qu'environ 2,6 millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère dans le pays, dont plus de 530 000 à Sokoto, Katsina et Zamfara, selon les enquêtes nutritionnelles nationales menées par l'Unicef et les autorités.

L'année dernière, les équipes médicales MSF travaillant dans les États de Kebbi, Sokoto, Zamfara, Katsina et Kano ont traité 171 465 enfants malnutris en ambulatoire et admis 32 104 enfants pour malnutrition aiguë sévère, soit une augmentation de 14 % par rapport à l'année précédente. À Katsina, MSF a constaté des niveaux élevés de malnutrition aiguë en 2023 : 17,4 % d’enfants en souffraient dans la zone de Jibia dès début de la période de soudure, qui n’est pourtant pas le pire moment de l’année quant à l’accès à la nourriture.

Des enfants malnutris et leurs mères, dans le centre nutritionnel thérapeutique MSF de Kofar Sauri. Nigeria. 2023.
 © MSF/Ehab Zawati
Des enfants malnutris et leurs mères, dans le centre nutritionnel thérapeutique MSF de Kofar Sauri. Nigeria. 2023. © MSF/Ehab Zawati

Les niveaux élevés d'admissions dans les établissements de soins hospitaliers se sont accompagnés d’une forte augmentation des décès. Dans l'un des établissements soutenus par MSF dans l'État de Zamfara, le taux mortalité a atteint 23,1 %. Admis dans un état très avancé de malnutrition, de nombreux enfants meurent dans les 48 heures suivant leur arrivée. Au total, en 2023, 854 enfants admis dans les centres MSF du nord-ouest du Nigeria sont décédés entre 24 et 48 heures après leur admission.

Lorsque des personnes tombent malades, leurs familles sont obligées de peser les risques liés au déplacement vers un établissement de santé. « Je ne me souviens pas combien de fois mon village a été attaqué, explique Aisha, dont le bébé reçoit un traitement contre le paludisme dans un centre de santé MSF à Gummi, dans l'État de Zamfara. Nous avions peur de nous déplacer, mais nous n'avions pas le choix, car mon bébé était très malade et la clinique de mon village manque de personnel de santé et de médicaments. »

Réductions des financements

Les épidémies de maladies évitables, notamment le paludisme, le choléra, la méningite, la rougeole et la diphtérie, sont récurrentes et répandues. En 2023, les équipes MSF dans le nord-ouest du Nigeria ont traité 169 954 cas de paludisme, 4 462 cas de choléra, 1 548 cas de méningite, 1 850 cas de rougeole et 13 290 cas de diphtérie.

Une mère et sa fille, atteinte de paludisme, dans une structure MSF de la ville d'Anka. Nigeria. 2023.
 © MSF/Alexandre Marcou
Une mère et sa fille, atteinte de paludisme, dans une structure MSF de la ville d'Anka. Nigeria. 2023. © MSF/Alexandre Marcou

Pour les organisations humanitaires, les contraintes de sécurité rendent de plus en plus difficile l’accès à certaines zones, tandis que l’escalade de la violence affecte, voire empêche, leur travail. En septembre dernier, les équipes MSF dans l'État de Zamfara ont été contraintes de cesser de soutenir un centre nutritionnel thérapeutique hospitalier à Anka et, en décembre, elles ont été temporairement évacuées de Zurmi, en raison des violents combats qui se déroulaient à proximité de l'hôpital.

« Nous sommes alarmés par les réductions de financement à venir de certaines organisations, dans un contexte de coupes budgétaires mondiales », déplore le représentant de MSF au Nigeria, le Dr Simba Tirima. Même si MSF ne dépend pas de fonds gouvernementaux ou institutionnels pour mener à bien ses activités, ce n’est pas le cas de la plupart des organisations humanitaires qui travaillent dans le nord-ouest du Nigeria, dont le financement dépend fortement du plan de réponse humanitaire de l’Onu. 2024 pourrait devenir la pire année en termes de besoins humanitaires et de souffrances pour la population.

MSF estime que la priorité doit être accordée à la prévention et au traitement de la malnutrition, ainsi qu'à la vaccination contre les maladies évitables, notamment en améliorant les vaccinations de routine et de rattrapage et en menant des campagnes de vaccination réactives en réponse aux épidémies en cours. Ces actions sont primordiales pour réduire la morbidité et la mortalité parmi les populations vulnérables, en particulier les enfants de moins de cinq ans. 

* Selon les données de Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED)

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