Niger - Hausse alarmante de la malnutrition

Le nombre d'enfants souffrant de malnutrition sévère admis dans notre programme à Maradi, au sud-est du Niger, ne cesse d'augmenter. En 2004 déjà, nous avions pris en charge près de 10 000 cas et la situation en ce début d'année ne fait que s'aggraver : dans les villages récemment visités par les équipes MSF, un enfant sur cinq est à risque de malnutrition.

Greniers à mil vides et vente de terres
Les récoltes de l'année dernière ont été brûlées par le soleil ou ravagées par les criquets. Dans les zones les plus sinistrées de la région de Tahoua et de Maradi, ces destructions s'élèvent à plus de 90%. Du coup, les greniers à mil sont vides et les réserves de sorgho réduites à néant.

Faute de stocks, les agriculteurs doivent acheter leur nourriture et les prix ont flambé. Ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter au marché doivent se tourner vers des aliments de substitution, comme l'anza, une petite plante sauvage aux fruits très amers, uniquement consommés en période de disette. Pour les éleveurs, la situation est également très critique : les pâturages sont réduits à de tout petits îlots de paille jaunâtre, au milieu du sable...

Aujourd'hui, la distance est telle entre deux zones de pâturage que les bêtes n'auront peut-être pas la force de parcourir de telles distances. Il y a un net déficit en fourrages, la production de lait a drastiquement chuté et les éleveurs ont dû commencer à vendre des bêtes, y compris des femelles jeunes, pour acheter à manger. Ils doivent donc entamer leur capital pour assurer leur survie immédiate, alors même que le prix de bétail est aujourd'hui très bas par rapport au coût des céréales... Enfin, certains paysans ont dû vendre des terres, signe d'extrême vulnérabilité.


Un enfant sur cinq à risque de malnutrition
"Dans les villages que nous avons visité, un enfant sur cinq est à risque de malnutrition, rapporte Arnaud, logisticien spécialiste de sécurité alimentaire, de retour d'une des missions d'évaluation menées par nos équipes. Les premières pluies ne vont pas arriver avant mai, et il faudra attendre le mois de juin pour que les pâturages commencent à repousse. Pour les premières récoltes, il faudra attendre jusqu'en septembre. "

Sans une intervention rapide, ces enfants vont encore perdre du poids et quitter la zone à risque pour entrer dans la zone rouge, la malnutrition sévère*. Nous voyons déjà le nombre de cas augmenter : depuis la mi-février, le nombre d'enfants admis chaque semaine est passé de 170 à près de 250. Trois mois avant la période traditionnellement la plus critique, notre centre est déjà à la limite de la saturation, malgré une prise en charge en ambulatoire qui permet de réduire notablement le nombre d'hospitalisations.

Il faut agir, et vite

Les missions exploratoires que nous avons menées ont confirmé la situation très alarmante rapportée par l'équipe au niveau local. Au niveau national, le système d'alerte précoce nigérien, qui surveille la situation alimentaire, a déjà publié des données très inquiétantes. Le temps presse, il faut agir vite. Une équipe MSF supplémentaire va partir dans les prochains jours pour ouvrir deux nouveaux centres de prise en charge de la malnutrition sévère. Mais pour éviter que des milliers d'enfants ne paient de leur vie l'absence de récoltes, il va falloir que d'autres acteurs de l'aide s'impliquent sans délai.

* Une personne souffre de malnutrition modérée lorsque le rapport entre son poids et sa taille est compris entre 70 et 80% du ratio normal. Elle souffre de malnutrition sévère lorsque son rapport poids-taille est inférieur à 70% du ratio normal. La malnutrition globale recouvre malnutrition sévère et modérée.

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