Malawi : nouveaux défis en perspective

Consultation quotidienne au service pédiatrique de l'hôpital de district de Chiradzulu au Malawi en avril 2009.
Consultation quotidienne au service pédiatrique de l'hôpital de district de Chiradzulu, au Malawi, en avril 2009. © Isabelle Merny / MSF

De juin 2009 à décembre 2010, Martha Huckabee a été chef de mission au Malawi. Si la prise en charge des malades a nettement évolué en 10 ans dans le pays, la mise en place de nouvelles directives préconisées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pose de nouveaux enjeux, notamment financiers.

Quels avantages représentent les nouvelles recommandations de l'OMS pour les patients atteints du VIH/sida?
Parmi ces nouvelles directives, le Malawi a retenu et proposé la mise sous traitement précoce, le changement de la première ligne de traitement et le nouveau protocole de prise en charge des femmes séropositives enceintes et/ou allaitantes suivies dans les programmes de prévention de la transmission de la mère à l'enfant (PMTCT). S'ils sont appliqués, ces changements pourraient avoir un impact très positif sur l'état de santé des patients et sur les possibilités d'extension de la prise en charge globale du VIH/sida.

Actuellement, les patients qui débutent les antirétroviraux (ARV) sont souvent à un stade avancé de la maladie, et leur mise sous traitement reste une étape délicate. Selon les nouvelles directives de l'OMS, les malades doivent désormais être mis sous ARV à un stade plus précoce, ce qui diminuerait le taux de mortalité de manière significative.

La nouvelle 1ère ligne de traitement préconisée par l'OMS est basée sur le Ténofovir qui comporte moins d'effets secondaires négatifs que l'actuelle 1ère ligne de traitement utilisant le D4T qui occasionne lipodystrophies, neuropathies, nausées, perte de poids etc. De plus, le Ténofovir existe en combinaison à dose fixe (un seul comprimé à prendre par jour) ce qui signifie que la bonne prise du traitement sera plus simple et qu'il y aura certainement moins de problèmes médicaux et d'abandons. Le suivi des patients pourrait être encore facilité et allégé.

Cette nouvelle ligne de traitement sera également appliquée aux femmes séropositives enceintes et/ou allaitantes suivies dans les programmes de prévention de la transmission mère-enfant. Jusque-là, les futures mères étaient mises sous ARV uniquement pendant le temps de la grossesse et au cours des six mois d'allaitement post-naissance, avant sevrage obligatoire de l'enfant. Désormais, elles seront mises sous traitement à vie (et bénéficiant donc d'un meilleur traitement), ce qui devrait réduire nettement les risques de transmission à leur enfant, donc le nombre de nourrissons à naître séropositifs. De plus, la période d'allaitement prolongée à 18 mois au lieu de six, devrait réduire encore davantage la mortalité due à la malnutrition, les maladies infantiles et la déshydratation.

Davantage de malades auraient accès, plus tôt, à des ARV, plus chers, qu'ils devront prendre à vie. Cela représente un réel problème financier pour les pays à faibles ressources.

 

Comment le Malawi compte-t-il financer leur mise en œuvre à l'échelle nationale ?
Les autorités sont actuellement en quête de financements, nationaux et internationaux, pour pouvoir mettre en œuvre ces nouvelles recommandations. Or, la proposition récemment faite par le Malawi au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Global Fund) pour adopter ces nouvelles recommandations de l'OMS a été refusée car jugée trop ambitieuse. Une nouvelle proposition va être formulée et des négociations sont en cours.

Pourtant, plus il y aura d'argent investi dans les programmes VIH/sida, plus ces derniers seront efficaces. Mais pour cela, un soutien financier continu et significatif de la part de plusieurs bailleurs est nécessaire. Or, depuis 2004, date à laquelle le programme national de prise en charge du VIH/sida a débuté au Malawi, la grande majorité des financements proviennent du Global Fund. Un maintien de ce refus peut avoir plusieurs conséquences majeures :

- la mise en danger de la continuité de la bonne prise en charge des patients déjà sous ARV

- le Malawi ne peut pas supporter seul le coût du changement de 1ère ligne de traitement. Le Ténofovir, désormais préconisé, est mieux toléré par le patient, mais il coûte plus cher.

- le Malawi ne pourra pas mettre sous ARV des malades à un stade plus précoce. Le taux de mortalité précoce, le nombre d'infections opportunistes (et notamment la tuberculose) et le taux d'hospitalisation ne diminuera pas.

- les résultats obtenus sur les programmes de PMTCT ne seront pas améliorés, le nombre de nourrissons naissant séropositifs et le taux de mortalité infantile ne diminueront pas.

 

Comment MSF peut elle gérer ce problème de financement ?
En tant qu'acteur médical majeur dans le pays, MSF est concernée par les négociations en cours entre le Malawi et le Global Fund.
A Chiradzulu, MSF a initié la mise sous ARV gratuite de ses patients en 2001. En octobre dernier, nous suivions 26 000 personnes, dont 18 000 étaient sous ARV. Chaque année, environ 3 500 nouveaux patients sont mis sous traitement. Nous sommes engagés vis-à-vis de ceux-ci, nous devons leur assurer un traitement à vie. Si pénurie de financement et d'ARV il doit à nouveau y avoir, comme ça a déjà été le cas dans le passé, MSF achètera ses propres médicaments pour les patients inclus dans son programme.

Toujours sur Chiradzulu, MSF a demandé l'autorisation au ministère de la Santé d'implanter un nouveau projet, en cours de discussion, reprenant les directives de l'OMS, et financé par nos propres fonds. Cela pourrait aider à identifier les problèmes et imprévus qui pourraient émerger d'une telle mise en œuvre à grande échelle. Et aussi nous donner des indications sur toute amélioration concrète dans l'état de santé et la prise en charge des patients, au niveau individuel comme global.

 

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