En Cisjordanie, la violence et l’emprise israélienne sur la population s’intensifient

Des personnes attendent devant une barrière israélienne qui bloque l'accès à une route principale menant à Hébron. Beaucoup vont finir par passer à pied, malgré les risques. Ceux qui ont besoin de soins médicaux ou qui ne peuvent pas marcher sont restés bloqués, dans l'impossibilité de traverser. Cisjordanie, 14 juin 2025
Des personnes attendent devant une barrière israélienne qui bloque l'accès à une route principale menant à Hébron. Beaucoup d'entre elles vont finir par traverser à pied, malgré les risques. Celles qui ont besoin de soins médicaux ou qui ne peuvent pas marcher restent bloquées. Cisjordanie, le 14 juin 2025 © MSF

Alors que l'attention internationale est tournée vers l'escalade du conflit entre Israël et l'Iran, les forces armées israéliennes intensifient leurs activités en Cisjordanie. Les opérations militaires se développent dans les gouvernorats de Jénine, Naplouse et Tulkarem, où des troupes supplémentaires ont été déployées, aggravant la situation déjà désastreuse des Palestiniens. Depuis octobre 2023, ces mesures entravent gravement l’accès aux soins et aux services essentiels en Cisjordanie. Médecins Sans Frontières (MSF) demande l’arrêt des déplacements forcés et du système d'annexion mis en place par Israël, et qui se traduit notamment par le déploiement de l’armée, les restrictions de mouvement, les démolitions, la violence à l’encontre de la population et les obstacles à l’accès aux services de base. 

« Le 13 juin, les forces israéliennes ont fait une descente dans mon village à Tulkarem, elles ont déplacé de force les personnes qui vivaient dans deux immeubles résidentiels et les ont transformés en casernes militaires. Depuis, elles patrouillent régulièrement dans le village, mènent des enquêtes, des interrogatoires, des arrestations, des perquisitions et des détentions. » explique Karim*, membre du personnel de MSF. 

« Au cours de la semaine dernière [semaine du 16 juin 2025], alors que le monde regardait ailleurs, la population de Cisjordanie a vu l’emprise de la puissance occupante s’intensifier davantage. Cela doit cesser. » Simona Onidi, coordinatrice de projet à Jénine et Tulkarem. 

Le 13 juin 2025, les autorités israéliennes ont bloqué tous les principaux points de contrôle et barrières routières menant à Hébron pendant quatre jours. Les personnes ayant besoin de soins médicaux n'ont donc pas pu prendre leurs voitures, obligeant les personnes gravement malades à parcourir de longues distances à pied, au risque d'être ciblées par les tirs de l’armée ou simplement empêchées de passer. 

« Le 14 juin, j’ai tenté d’emmener mon frère, gravement malade, de Bethléem à un rendez-vous médical à Hébron — un trajet qui devrait normalement durer 25 minutes. Mais en raison des nouvelles restrictions imposées par les autorités israéliennes, toutes les principales entrées et sorties étaient fermées. Il nous a fallu trois heures, et finalement, bien qu'il soit très malade, il a dû traverser un poste de contrôle fermé à pied, comme beaucoup d'autres. C’est très dangereux. » raconte Oday Al-Shobaki, chargé de communication. 

MSF a été contrainte de suspendre ses consultations ambulatoires à Hébron et Naplouse, qui offraient des soins de santé mentale, des services de santé sexuelle et reproductive ainsi que des soins de santé primaire. Cette décision fait suite à la fermeture des points de contrôle et aux risques sécuritaires liés à l’intensification des opérations militaires. À Jénine et Tulkarem, les équipes médicales de MSF ont dû adapter leurs horaires, ne pouvant fonctionner que certains jours en raison de la présence des forces israéliennes dans les villages alentour.  

Les opérations militaires et les raids violents menés par l'armée israélienne se poursuivent depuis des années en Cisjordanie. L'année 2022 a enregistré un nombre record de Palestiniens tués par les forces israéliennes ou les colons. Depuis octobre 2023, le recours à la violence physique s’est intensifié et les mesures coercitives se sont multipliées : restrictions sévères à la liberté de circulation, raids militaires et obstacles systématiques à l'accès aux services essentiels.

En janvier 2025, les forces israéliennes ont lancé l'opération militaire « Iron Wall » dans le nord de la Cisjordanie, qui se poursuit encore aujourd'hui. En vidant de force des camps établis de longue date et en empêchant le retour des habitants, plus de 42 000 personnes ont été déplacées, se retrouvant sans logement stable et avec un accès extrêmement limité à la nourriture, à l’eau et aux soins médicaux. 

« La vague de restrictions et de violences de la semaine dernière semble être l'occasion pour les forces israéliennes de renforcer leur contrôle, d'aggraver la fragmentation des communautés palestiniennes et de consolider un système que la Cour internationale de justice a qualifié de ségrégation raciale et d’apartheid. Nous exhortons la communauté internationale à aller au-delà des condamnations verbales et à exercer une pression concrète sur les autorités israéliennes afin de mettre un terme à la violence et de lever les restrictions de mouvement qui entravent l’accès aux services essentiels et à l’aide humanitaire. Il est également urgent qu’ils augmentent l’aide à destination des populations déplacées et isolées à travers la Cisjordanie. » explique Simona Onidi, coordinatrice de projet, Jénine et Tulkarem. 

*Les prénoms ont été modifié pour protéger l’identité des personnes 

Notes

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