Jordanie/ Irak - Les spécificités chirurgicales du projet
Médecin anesthésiste et réanimatrice sur la mission d'Amman, le Dr Nikki Blackwell nous explique les spécificités de ce projet chirurgical, en évoquant ses difficultés, mais aussi les nouvelles techniques employées et ses premières satisfactions.
Médecin anesthésiste et réanimatrice sur la mission d'Amman, le Dr Nikki Blackwell nous explique les spécificités de ce projet chirurgical, en évoquant ses difficultés, mais aussi les nouvelles techniques employées et ses premières satisfactions.
Cette pratique consiste à intuber le patient par fibroscope, alors que son anatomie faciale est particulièrement détruite. Pour éviter de perdre ses voies aériennes par l'induction de l'anesthésie, il nous faut à la fois vérifier précisément ce que nous faisons, tout en nous tenant prêts à intervenir en cas d'étouffement.
La seule possibilité dans ce cas consiste à maintenir le patient éveillé afin de pouvoir vérifier ses réflexes respiratoires, le temps de pratiquer cette intubation. Nous risquerions sinon de l'étouffer sans nous en rendre compte. Et ça n'est qu'après que nous pouvons l'endormir.
C'est la première fois que MSF utilise une telle technique d'intubation par fibroscope, qui marque peut-être le début d'une nouvelle ère, dans un contexte qui, il est vrai, nous permet de pratiquer ce type d'interventions chirurgicales.
Ce contexte nous permet-il d'améliorer certaines de nos pratiques ?
Entre le préjugé qui considère que seul les mauvais chirurgiens font des erreurs, et celui qui certifie qu'un bon encadrement suffit à les réparer, nombreuses sont les croyances qu'il nous faut combattre. C'est par la mise en place de verrous et de procédures strictes, complètes et précises que nous pouvons parer à toute éventualité, y compris aux complications liées à nos pratiques, de la phase préopératoire jusqu'à sa sortie de l'hôpital.
Dans un registre plus technique, nous avions travaillé sur la mise en place de thrombo-prophylaxies sur les missions. C'est ici la première fois que nous les utilisons systématiquement pour éviter les embolies pulmonaires, et nous devrions pouvoir le faire à terme sur tous nos terrains d'intervention chirurgicale.
Le contrôle des infections fait également l'objet de notre attention. Dans ce domaine, nous avions déjà beaucoup appris de l'expérience du Pakistan (1), pour la chirurgie orthopédique. Aujourd'hui, nous sommes donc particulièrement vigilants quant aux résistances de certains patients aux antibiotiques, tout comme nous veillons après chaque opération à limiter les risques de transmission infectieuse aux autres patients, en adoptant une hygiène rigoureuse.
L'encadrement des infirmiers est ici primordial. Car contrairement au médecin ou au chirurgien, la proximité de ces soignants avec les patients permet à ces derniers de s'exprimer plus librement. C'est pourquoi nous leur demandons d'interroger systématiquement le patient sur ce point précis, en l'évaluant sur une échelle de douleur. Mais nous sommes aussi conscients des limites de ce programme qui, s'il permet de réparer et de soulager les patients, ne dit rien des effets psychiques d'une guerre, dont certains visages portent aujourd'hui les traces indélébiles.