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Histoires de migrants : « on part de son pays parce qu’on n’a pas le choix »

Abdu originaire de Gambie a été secouru le 14 mai par le MY Phoenix.
Abdu, originaire de Gambie, a été secouru le 14 mai par le MY Phoenix. © Gabriele François Casini/MSF

Abdu, 34 ans, vient de Gambie. Il a été secouru le 14 mai par le MY Phoenix depuis un bateau de pêche en bois qui transportait 561 personnes.

« Je m’appelle Abdu. J’ai 34 ans et je suis originaire de Gambie. Il m’a fallu cinq mois et demi pour arriver jusqu’en Libye, en passant par le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et l’Algérie. J’ai quitté la Gambie parce que j’avais besoin d’argent pour venir en aide à ma famille. Il n’y a pas de travail là-bas. Avant d’arriver en Libye, je suis resté un temps en Algérie pour travailler et réunir un peu d’argent. La situation y est meilleure qu’en Libye. On peut travailler, gagner un peu d’argent et si vous êtes en règle personne ne peut vous mettre en prison sans raison. Mais mon frère était en Libye et j’ai voulu le retrouver pour rejoindre l’Europe ensemble. En Libye, il y a de nombreux bandits qui vous attaquent et vous volent tout ce que vous avez. Ils vous harcèlent, vous battent et peuvent même vous tuer. La liberté n’existe pas là-bas. Vous ne pouvez pas aller où vous voulez. Souvent des gens qui se prétendent de la police ou de l’armée – mais qui ne sont ni l’un ni l’autre – vous kidnappent et essaient de vous extorquer de l’argent avant de vous laisser partir. Si vous n’en avez pas, ils vous frappent ou vous tuent. En Libye, j’ai été enlevé à plusieurs reprises. Un jour, par exemple, j’allais voir un ami qui venait d’arriver et des gens m’ont poussé dans une voiture. Ils ont roulé longtemps et m’ont pris tout ce que j’avais. Je leur ai demandé de me laisser partir car je n’avais plus rien et ils m’ont abandonné dans le désert. J’ai eu la chance que d’autres gens passent par là. Ils m’ont aidé à retourner en ville.

Quand vous arrivez en Libye, c’est facile d’entrer en contact avec beaucoup de gens comme vous qui ont quitté leur pays en quête d’un avenir meilleur. Ces gens m’ont aidé à retrouver mon frère et nous avons commencé à vivre ensemble. Mon frère est plus jeune que moi et je me sens responsable de lui. C’est pourquoi chaque fois que nous devions sortir pour trouver quelque chose, je le laissais à la maison, pour qu’il soit en sécurité. Et c’est comme ça que je me suis fait enlever plusieurs fois. J’ai été retenu dans des maisons, qui n’étaient jamais ni de vraies prisons ni des camps. Mais des habitations pleines d’hommes et de femmes armés – tout le monde a des fusils et des couteaux, même les jeunes enfants. Ils vous prennent votre argent et ils vous battent. Chaque jour, ils vous demandent de l’argent et chaque jour ils vous battent. Si vous n’avez pas d’argent, votre vie n’a aucune valeur à leurs yeux. Si vous avez de la chance, vous connaissez quelqu’un qui peut payer pour vous – j’ai eu de la chance.

J’ai rencontré des trafiquants par le biais d’amis. Ils m’ont dit que, si j’avais de l’argent de côté, ils pouvaient me mettre en relation ave des gens qui organisaient des bateaux pour l’Europe. J’ai décidé de tenter ma chance. J’ai payé 1 700 dollars et choisi une date de départ. La date a été décalée deux fois à cause de la météo. Un jour, trois semaines plus tard, on m’a appelé pour me confirmer que je partirai le soir-même et c’est ce qui s’est passé. Les passeurs sont très durs avec les gens. J’ai eu de la chance parce que j’avais un endroit où rester en attendant qu’ils m’appellent. Mais il y a beaucoup de gens qui sont placés dans des hangars en attendant le départ.

La traversée est une question de vie ou de mort. Vous êtes sur un petit bateau sans aucune mesure de sécurité et puis il y a tellement de monde à bord. Je savais que je pouvais facilement périr en mer mais je me suis dit qu’il fallait que je parte, que je n’avais pas le choix. J’ai pensé, si Dieu me prête vie, cela veut dire que j’ai un but – c’est le destin.

On part de son pays parce qu’on n’a pas le choix. Il faut gagner cet argent pour nos familles. On ne veut pas que les Européens se fatiguent de nous, ni les submerger, mais on n’a pas le choix. On risque nos vies pour aider nos familles, nos voisins nos amis, nos parents et nos frères. C’est pour ça qu’on s’embarque pour ce périple.

Maintenant que j’ai été sauvé, je crois encore plus en Dieu et je pense à ma famille et à l’avenir. La première pensée que j’ai eue quand j’ai aperçu le bateau venu nous sauver, ça a été ma famille et Dieu. »

Comment fonctionne le bateau de sauvetage MY Phoenix?

MSF a amorcé une opération conjointe avec le MOAS (Migrant Offshore Aid Station) le 2 mai. A bord du MY Phoenix, une équipe de cinq membres de MSF travaille en collaboration avec l’équipage spécialisé en recherche et sauvetage du MOAS pour fournir des soins médicaux, allant des soins de base jusqu’à la réanimation et à l’assistance respiratoire avancée. L’équipe est également en mesure d’offrir des soins obstétriques, notamment des accouchements sécurisés et l’orientation de patientes nécessitant des soins plus poussés vers des hôpitaux sur la terre ferme.

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Consultez notre dossier consacré à nos opérations de recherche et de sauvetage de migrants en Méditerranée

 

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