Du silence à la guérison : en Somalie, offrir des soins aux femmes touchées par les fistules obstétricales
En Somalie, environ un tiers seulement des accouchements sont assistés par un professionnel de santé qualifié, et le taux de mortalité maternelle du pays reste l'un des plus élevés au monde. À environ 250 kilomètres au nord-ouest de Mogadiscio, la capitale du pays, Médecins Sans Frontières (MSF), en collaboration avec le ministère de la Santé, a ouvert en août 2025 une unité de 20 lits spécialisée dans la prise en charge de la fistule obstétricale dans l'hôpital régional de Bay, à Baidoa.
La fistule obstétricale se développe lorsqu'un accouchement prolongé et difficile coupe la circulation sanguine vers les tissus situés entre le canal génital et le rectum, créant un trou qui provoque des fuites continues.
Lorsque Faisa Idow a commencé le travail pour son premier enfant, elle a senti que quelque chose n'allait pas. Cette jeune femme de 23 ans, originaire d'un village rural de la région de Bay, a enduré plusieurs jours de travail difficiles avant d'être amenée dans une ville voisine pour une césarienne d'urgence. Après l'accouchement, Faisa a remarqué une blessure inhabituelle qui lui causait des fuites urinaires constantes et une perte de contrôle de sa vessie.
« Mon mari a divorcé », se souvient-elle. « Ma grand-mère et mes tantes ont été les seules à me soutenir. »
Des années plus tard, un proche a parlé à Faisa d'un nouveau service de réparation des fistules à l'hôpital régional de Bay, à Baidoa. Là-bas, la jeune femme a été informée de l'existence de la fistule obstétricale. Après avoir vécu avec cette lésion grave pendant des années, elle a découvert qu'elle pouvait être soignée.
En Somalie, il n’est pas rare que les femmes accouchent à domicile, avec l'aide d'accoucheuses traditionnelles qui ne sont pas en mesure de gérer les complications, comme celles dont a souffert Faisa. Les longues distances à parcourir pour se rendre dans les établissements de santé, la pauvreté généralisée et la pénurie de sages-femmes et de médecins qualifiés limitent encore davantage l'accès des femmes aux soins obstétricaux d'urgence.
En Somalie, les femmes et les enfants sont les premiers à devoir faire face aux limites du système de santé. Les soins de maternité essentiels sont rares et souvent inaccessibles, ce qui oblige beaucoup de femmes à entreprendre de longs voyages qui peuvent être coûteux et dangereux pour celles qui ont besoin de soins immédiats.
« Beaucoup de nos patientes ont vécu avec une affection qui les a éloignées du travail, de leurs amis et de la vie communautaire », explique Frida Athanassiadis, coordinatrice médicale de MSF en Somalie. « Les soins des fistules ne consistent pas seulement à réparer une blessure, mais aussi à écouter les femmes, à leur fournir des conseils et à les aider à retrouver confiance en elles. Notre objectif est de leur redonner leur dignité et de les aider à réintégrer leur communauté. »
Jusqu'à récemment, les services spécialisés dans la réparation des fistules n'étaient disponibles que dans la capitale, Mogadiscio. En août, une unité spéciale à ouvert à Baidoa, au sein de laquelle travaille Salah Eltahir Salih, un chirurgien spécialisé dans le traitement des fistules obstétricales. Il explique : « La fistule étant source de honte, certaines femmes cachent leur problème pendant des années. Il y a également un manque de sensibilisation à l'existence d'un traitement. Et même lorsque les femmes parviennent à se rendre dans un établissement, tous les hôpitaux ne disposent pas du personnel formé ou de l'équipement nécessaire. »
L'équipe fournit désormais un service complet et durable de prise en charge des fistules, axé sur la prévention, la réparation rapide (y compris la prise en charge des déchirures périnéales graves), les soins pré et postopératoires. Elle accompagne les patientes sur le long terme grâce à un accompagnement psychologique, un soutien social et une aide nutritionnelle.
« Les soins de santé maternelle sont essentiels pour prévenir les complications obstétricales. À Baidoa, nous fournissons des services maternels pour prévenir les complications, notamment les fistules, et nous proposons une prise en charge et une réparation complète des fistules pour les femmes qui en ont besoin », explique Frida Athanassiadis.
À la fin du mois d'octobre, 20 femmes avaient subi une intervention chirurgicale et de nombreuses autres opérations étaient prévues. L'unité continuera à se développer, avec des services de physiothérapie prévus pour début 2026 afin de favoriser un rétablissement complet.
Le bouche-à-oreille a joué un rôle essentiel, car les patientes continuent d'affluer de l'État du Sud-Ouest et d'ailleurs. Khadija Adan, mère de huit enfants, a vécu pendant huit ans avec une fistule obstétricale.
« Dans mon village, beaucoup de femmes accouchent à domicile avec l'aide de voisins ou de sages-femmes traditionnelles », explique-t-elle. « Les établissements de santé sont loin, et nous devons marcher pendant des heures ou payer un transport que nous ne pouvons pas nous permettre. Les mariages précoces et les mutilations génitales féminines sont courants ici, et nous n'avons pas de soins prénatals réguliers. »
Avec la baisse des financements et la réduction des services de santé, l'accès à des soins gratuits et vitaux devient de plus en plus rare. Les services obstétriques spécialisés, notamment la chirurgie d'urgence et la réparation des fistules, restent inenvisageables pour la plupart des femmes. Les besoins sont encore importants, comme l’explique le Dr Salah : « Au niveau systémique, il faut former davantage de sages-femmes et de médecins, améliorer les systèmes d'orientation et équiper les hôpitaux de salles d'opération fonctionnelles […] L'accouchement dans de bonnes conditions ne devrait pas dépendre de la capacité financière d'une femme ou de la distance qui la sépare d'un établissement de santé. »