Drépanocytose : l’hydroxyurée, un médicament pour changer la vie des patients

Séance de thérapie éducative pour informer sur la drépanocytose à l'hôpital Madarounfa, au Niger. Juin 2022
Séance de thérapie éducative pour informer sur la drépanocytose à l'hôpital Madarounfa, au Niger. Juin 2022 © Mariama Diallo/MSF

Ils arrivent souvent aux urgences avec une anémie sévère, des douleurs abdominales, lors d’épisodes de crise particulièrement douloureux et dangereux. Des milliers d’enfants souffrant des formes graves de drépanocytose sont pris en charge chaque année dans les hôpitaux d’Afrique subsaharienne où travaillent les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF). Une poignée est aujourd’hui traitée avec de l’hydroxyurée, un médicament qui permet de prévenir les crises sévères. Au-delà du traitement symptomatique, une prise en charge dédiée, plus intégrée et préventive est désormais développée au Niger, et devrait être étendue à d’autres projets MSF de la région.

Maladie génétique héréditaire la plus fréquente dans le monde, la drépanocytose touche plus de 5 millions de personnes. 150 millions sont porteuses de ce trait génétique et selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 240 000 enfants atteints de drépanocytose naissent chaque année en Afrique. Une majorité d’entre eux décèdent avant l’âge de cinq ans des suites de complications liées à la maladie telles que des infections graves, des crises vaso-occlusives ou encore de détresse respiratoire.

Pourtant des techniques de dépistage rapide et des traitements existent, permettant d’améliorer leurs chances de survie et leur qualité de vie.

La greffe de moelle osseuse est à ce jour le seul traitement curatif de la maladie, et récemment, de nouvelles techniques qui se basent sur la thérapie génique obtiennent des résultats prometteurs notamment aux Etats Unis et au Royaume uni.

Au Niger, où près d’une personne sur quatre est porteuse du gène drépanocytaire, c’est un enjeu de santé publique qui mobilise les autorités sanitaires, dont le Centre national de référence de la drépanocytose à Niamey, des acteurs médicaux comme MSF, et des associations de la société civile.

Vivre avec la douleur

Un peu plus de 1 000 enfants souffrant de drépanocytose sont actuellement suivis par les soignants de MSF et du ministère de la santé à l’hôpital de district de Madarounfa, dans la région de Maradi au sud du pays. « La drépanocytose affecte l’hémoglobine, qui permet aux globules rouges de transporter l’oxygène vers les organes. Les enfants malades ont généralement une anémie, des vertiges, une sensibilité accrue aux infections et des épisodes brutaux et intenses de douleurs, dont la localisation peut varier » explique le docteur Moussa Souley Abass, coordinateur médical MSF au Niger.

Ces épisodes de douleurs, appelées crises vaso-occlusives, surviennent lorsque les globules rouges se déforment pour prendre une forme de faucille et perturbent la circulation sanguine et l’oxygénation. Dans les cas les plus graves, des organes vitaux comme le cœur et le cerveau peuvent être atteints.

Le traitement de fond se concentre généralement sur le traitement de l’anémie, avec la prise d’acide folique, et la prévention des infections avec un traitement antibiotique si besoin, un statut vaccinal complet, des soins antipaludéens et du déparasitage.

« La gestion de la douleur et l’identification rapide des complications est très importante, poursuit le coordinateur médical. Les transfusions sanguines et d’autres soins hospitaliers sont régulièrement nécessaires et malheureusement pas toujours suffisants lors des crises les plus graves. »

Un médicament peu disponible

Au cours des vingt dernières années, l’hydroxyurée a fait ses preuves dans de nombreux pays. Ce médicament permet de prévenir les crises sévères chez les personnes les plus affectées mais il reste encore trop peu disponible dans la région en partie à cause de son coût sur la durée et des examens qui doivent encadrer le traitement.

Depuis 2022, MSF le fournit aux patients qui présentent des formes sévères à Madarounfa . La petite Jidta, 4 ans, a été prise en charge dès 2021. « À l’époque, ma fille recevait de l’acide folique et de la pénicilline, se souvient sa mère. Malgré cela, elle tombait très souvent malade, elle avait de la fièvre, des infections et des anémies sévères. » Elles viennent alors toutes les deux semaines à l’hôpital. À partir de 2023, elle bénéficie de l’hydroxyurée. « Deux mois après, on a vu un vrai changement, raconte la mère. Elle a passé six mois sans retourner à l’hôpital, c’était la première fois que cela nous arrivait ! Aujourd’hui, elle continue son traitement, elle joue, elle mange mieux, elle est vivante ! »

De nombreux progrès restent à faire pour améliorer la disponibilité des moyens de diagnostic et de traitement des enfants drépanocytaires. Les équipes MSF poursuivent leurs efforts dans ce domaine au Niger, mais aussi en République centrafricaine, au Tchad, en Ouganda et au Kenya.

« Le traitement avec l’hydroxyurée s’accompagne de nombreuses explications thérapeutiques et d'un suivi clinique et biologique individualisé pour vérifier que l’organisme du patient le supporte bien et l’ajuster en fonction », précise le médecin nigérien.

Actuellement, environ 40 patients sont traités avec de l’hydroxyurée à Madarounfa, avec des examens médicaux tous les trois mois lorsque la situation est stable, ou plus rapproché lorsque nécessaire. « On constate que l’accès à ce traitement peut vraiment changer la donne pour les patients et leur famille, en termes de survie, d’épisodes de crise, mais aussi de qualité de vie » conclut le docteur Moussa Souley Abass.

Notes

    À lire aussi