Drame du Nivin, un an après : quelles responsabilités pour l’Italie?

Vue du Nivin en novembre 2018, Libye.
Vue du Nivin en novembre 2018, Libye. © MSF

Aujourd’hui, MSF s’associe à Forensic Oceanography et au GLAN, autour d’une initiative visant à reconstituer ce qui s’est passé en novembre 2018 autour du Nivin, et à établir les responsabilités, notamment de l’Italie, vis-à-vis du traitement de ces rescapés.

Il y a plus d'un an, les équipes de MSF en Libye ont soigné un groupe de migrants et de réfugiés refusant de débarquer en Libye, craignant pour leur vie, après avoir fait l’objet de détentions arbitraires et de violences extrêmes pendant leur séjour dans le pays, où ils ont également été victimes des trafiquants d’êtres humains. Ces réfugiés et migrants ont été ramenés à Misrata en Libye après avoir atteint les eaux internationales, alors qu’ils cherchaient la sécurité et la protection de l’Europe. Ils sont restés 10 jours sur le cargo panaméen Nivin, amarré dans le port commercial de Misrata, jusqu'à ce que les forces de sécurité libyennes mènent une opération pour les débarquer de force.

En effectuant plus de 90 consultations médicales à bord du Nivin, notre équipe a été le  témoin direct du désespoir et de l'extrême vulnérabilité de ces personnes refusant de reposer le pied sur le sol libyen. Le jour de l’opération des forces de sécurité libyenne, nous n'avons pas pu accéder à la zone portuaire. Des personnes ont été blessées, envoyées dans des centres de détention ou en garde à vue.

« Nous avions très peu d'informations à ce moment-là sur leur situation après avoir été délogés de force du bateaué, mais certaines personnes que nous avons soignées à bord du Nivin se sont retrouvées dans des centres de détention que nous visitons régulièrement. Avant l'assaut du navire, nous avons alerté les autorités libyennes et les organisations internationales sur l’urgence de trouver une solution qui permettrait d’éviter la violence et la détention - mais nos efforts sont restés vains. Cet incident illustre une nouvelle fois l’incapacité à protéger  en Libye des personnes en quête de sécurité.

Les personnes à bord du Nivin n'auraient pas dû être renvoyées en Libye, mais dans un port sûr conformément aux lois internationales et maritimes. Ce qui leur est arrivé est scandaleux, moralement et légalement. Alors qu’ils essayaient de faire respecter leurs droits, alors qu’ils étaient les victimes, ils ont été traités comme des criminels. Je suis heureux que Forensic Oceanography et le Global Legal Action Network mettent aujourd’hui en lumière  la chaîne des événements, et les responsabilités des différents acteurs impliqués, principalement l'Italie, pour rendre justice aux rescapés. Certains se trouvent toujours dans les centres de détention libyens en ce moment.

Cette situation tragique est le résultat de politiques délibérées des États visant à empêcher les réfugiés, les migrants et les demandeurs d'asile d'atteindre leurs territoiresà tout prix - y compris en les repoussant illégalement dans un pays où les abus sont non seulement nombreux, mais aussi connus et documentés », a déclaré Julien Raickman, chef de mission en Libye de septembre 2018 à septembre 2019.

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