Chine - Le témoignage de Laura, infirmière à Nanning

Laura est infirmière. Depuis octobre dernier, elle travaille dans notre
programme de prise en charge des malades du sida à Nanning, en Chine.
Elle s'occupe tout particulièrement des patients co-infectés par le
sida et la tuberculose.

"Je travaille actuellement comme infirmière dans la clinique où MSF prend en charge les malades du sida vivant dans ou près de la ville de Nanning, au sud de la Chine. Ce programme n'a rien à voir avec l'action "habituelle" de MSF dans des pays très pauvres ou en guerre comme le Soudan ou la République Démocratique du Congo. Nanning, c'est une ville assez développée où le niveau de vie est relativement haut.

Le but du programme de MSF est d'offrir un traitement de qualité aux malades du sida. Cela veut dire leur distribuer des traitements antirétroviraux (ARV) bien sûr, mais aussi leur proposer une prise en charge la plus complète possible. Ainsi, nous donnons des conseils aux patients sur la manière dont ils doivent prendre leurs médicaments et nous expliquons également aux femmes enceintes séropositives comment éviter de transmettre le virus à leur bébé. En fait, peu de gens réalisent que proposer gratuitement des ARV n'est qu'une des composantes de ce que devrait être un programme de prise en charge complet.
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Consultation à la clinique HIV de Nanning
Les équipes de MSF distribuent gratuitement des ARV et prodiguent des conseils aux patients sur la manière de prendre leurs médicaments.

© MSF

La tuberculose, une maladie souvent associée au sida et mal connue en Chine

La tuberculose est une maladie à laquelle nous sommes confrontés chaque jour, puisque c'est la première infection "opportuniste" qui frappe les personnes séropositives. Ainsi, un tiers de nos patients en sont atteints et beaucoup en meurent.

Soigner les patients co-infectés par la tuberculose et le sida en Chine représente un véritable défi. A première vue, le système de santé chinois dispose de tous les instruments et équipements médicaux coûteux. Pourtant, en matière de tuberculose, le savoir-faire des équipes médicales chinoises est limité. Ainsi, il est souvent difficile de les convaincre de l'importance de l'analyse des crachats (expectorations) pour confirmer le diagnostic. De plus, les médicaments combinant plusieurs traitements en un seul comprimé – les "combinaisons à dose fixe" - ne sont pas disponibles en Chine, ce qui signifie que certains patients doivent prendre jusqu'à 17 comprimés par jour juste pour la tuberculose (et jusqu'à une quarantaine par jour en rajoutant les ARV) pendant les premiers mois de leur traitement !

Nous craignons aussi que beaucoup de patients deviennent résistants aux traitements et développent une tuberculose dite "multi-résistante" (MDR). Pour ceux-là malheureusement, le pronostic vital est très pessimiste.
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Françoise, médecin, ausculte un patient co-infecté
Un tiers des patients séropositifs pris en charge à la clinique MSF sont co-infectés par le sida et la tuberculose.

© MSF

Une prise en charge inadaptée

Je me souviens d'un patient. Il était vraiment très maigre. Lui et son frère, également malade, étaient aidés par leur soeur, unique soutien financier de la famille. Sans aucune aide sociale, elle se battait avec l'énergie du désespoir pour travailler tout en s'occupant de ses frères, se chargeant de leur faire les piqûres, vérifiant qu'ils prenaient bien leur traitement. Ce patient a fini par décéder. Un bien triste exemple qui montre que la tuberculose peut tuer quand elle n'est pas correctement prise en charge. Malheureusement, les gens viennent souvent nous voir trop tard, avec un historique de traitement incomplet, à un stade de la maladie trop avancé pour que nous puissions les aider...

Généralement, en Chine, les infirmières ne jouent pas un rôle très important, mais avec la tuberculose, on peut vraiment s'investir plus, tant dans la collaboration avec les médecins que dans la communication avec les patients. Du côté médical, c'est nous qui nous chargeons du recueil des crachats pour les faire analyser au labo. Auprès de nos patients chez qui on diagnostique la tuberculose, nous prodiguons des conseils de base pour ne pas transmettre la maladie à leur entourage (se laver souvent les mains, éternuer et se moucher dans un mouchoir, ventiler leur maison...).Nous leur expliquons aussi l'importance de bien suivre leur traitement, pour ne pas devenir résistants. La plupart se soignent très consciencieusement. Si nous pensons qu'un patient ne prend pas bien son traitement, nous lui proposons davantage de séances d'information.
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Enfants malades
"Nous expliquons également aux femmes enceintes séropositives comment éviter de transmettre le virus à leur bébé." Mais cette stratégie de prévention n'évite pas que certains enfants naissent séropositifs.
© MSF

Une stigmatisation très lourde

Il y a beaucoup d'aspects culturels et psychologiques à garder en tête dans la relation avec nos patients, car la plupart craignent la stigmatisation. La discrimination contre les personnes séropositives est très forte en Chine, même au sein des hôpitaux. Ils doivent par exemple payer un supplément car leur draps sont brûlés à la fin de leur séjour.La plupart du personnel soignant a peur du sida. MSF a organisé quelques ateliers d'information dans les hôpitaux, notamment sur les modes de transmission du virus, donc je crois que la compréhension de cette maladie est désormais meilleure.

La population a également très peur et personne ne parle du sida. Ainsi, quelques patients ont choisi de venir ici, dans le programme MSF, alors qu'ils vivent ailleurs. Ils préfèrent venir de loin qu'être vus dans une clinique VIH là où ils habitent. Ce n'est pas inhabituel, la même chose se produit à Londres ! Les gens se posent beaucoup de questions, ils nous demandent, par exemple, s'il est dangereux de manger à la même table qu'un membre de la famille séropositif. Beaucoup de nos patients choisissent de ne révéler leur séropositivité à leur famille, ils vivent alors leur maladie seuls, sans soutien, ce qui est très dur pour eux !

C'est ma 1ère mission avec MSF. Avant, je travaillais dans une unité de recherche sur le VIH/sida dans un grand hôpital londonien. Mon travail ici est très différent de celui que je faisais en Angleterre. Je peux être beaucoup plus investie, créative et réactive dans ce programme médical à taille humaine que dans une énorme structure hospitalière. J'ai un panel d'activités plus large. Je m'occupe de la pharmacie, j'établis les commandes de médicaments, je m'occupe de l'administration aussi. Je suis la seule infirmière expatriée et, en collaboration avec une infirmière chinoise, nous suivons les patients tout au long de leur traitement et nous assurons que tous leurs examens et analyses sont effectués et au bon moment. A beaucoup de points de vue, mon travail est très enrichissant et gratifiant."

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