Brésil : les migrants vénézuéliens privés de soins dans l'État de Roraima

Portrait d'une famille vénézuélienne à la frontière entre le Brésil et le Venezuela.
Portrait d'une famille vénézuélienne à la frontière entre le Brésil et le Venezuela. © Mariana Abdalla/MSF

Depuis la réouverture partielle de la frontière entre le Brésil et le Venezuela en juillet dernier, un nombre croissant de migrants et de demandeurs d'asile ont rejoint l'État de Roraima au Brésil. Sur place, ils vivent dans des conditions précaires, dans la rue, avec un accès très limité aux soins.

La ville de Pacaraima, qui compte 20 000 habitants, est le point d’entrée au Brésil pour des centaines de Vénézuéliens qui traversent quotidiennement la frontière. Chaque jour, 500 personnes font ce voyage par des chemins improvisés appelés las trochas (les sentiers).

« La plupart des gens qui arrivent ici sont confrontés à une dure réalité, explique Michael Parker, coordinateur de projet MSF à Roraima. Les personnes qui arrivent par les trochas restent généralement à Pacaraima jusqu'à ce qu'elles puissent régulariser leur statut migratoire, ce qui peut être très long. »

Au Brésil, dans l'Etat de Roraima, beaucoup de migrants et de demandeurs d'asile venus du Venezuela dépendent essentiellement de l'aide des associations pour vivre.
 © Mariana Abdalla/MSF
Au Brésil, dans l'Etat de Roraima, beaucoup de migrants et de demandeurs d'asile venus du Venezuela dépendent essentiellement de l'aide des associations pour vivre. © Mariana Abdalla/MSF

« Le système de santé de la ville est fragile et il n'y a pas d'infrastructure pour accueillir les migrants, continue Michael Parker. Des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants vivent ainsi dans des conditions très précaires, sans accès aux soins. »

En novembre, plus de 3 000 personnes vivaient dans les rues de Pacaraima en attendant que leur statut juridique soit clarifié, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). 

Des services de santé saturés

« Selon la loi brésilienne, tout le monde a le droit d'accéder aux services de santé publique, quel que soit son statut, détaille le coordinateur de projets. Mais dans la réalité, les services sont surchargés et limités dans l'État de Roraima. »

En réponse au manque de structures de santé, les équipes de MSF ont mis en place des services médicaux, de santé sexuelle et reproductive et de santé mentale, par le biais de cliniques mobiles à Pacaraima et à Boa Vista, la capitale de l'État de Roraima. Entre les mois de janvier et octobre 2021, MSF a fourni des soins à plus 37 500 patients dans ces deux villes. 

Des migrants venus du Venezuela font la queue devant les bureaux de l'immigration dans la ville de Pacaraima, au Brésil.
 © Mariana Abdalla/MSF
Des migrants venus du Venezuela font la queue devant les bureaux de l'immigration dans la ville de Pacaraima, au Brésil. © Mariana Abdalla/MSF

Une nette augmentation du nombre de patients a été constatée lorsque la frontière a été partiellement rouverte en juillet dernier, marquant la fin des restrictions liées à la pandémie de Covid-19. 56 % des consultations réalisées au cours des neuf premiers mois de l'année ont été effectuées entre les mois de juillet et septembre. Les principaux motifs de consultation étaient les infections des voies respiratoires et les infections gynécologiques. Parallèlement, 69 % des patients présentaient des symptômes de stress aigu, de dépression et d'anxiété, liés à leur parcours migratoire, aux violences qu’ils ont pu subir ou dont ils ont été les témoins durant ce long périple, et aux séparations familiales.

« Généralement , lorsque ces personnes arrivent au Brésil et nous voient, leurs principales questions portent sur les services de santé et la manière d'y accéder, explique Alvilyn Bravo, promotrice de santé MSF à Roraima. Ils se retrouvent dans un pays avec une culture différente et se heurtent à des obstacles, comme la langue, pour comprendre le fonctionnement des services de santé. »

L'une des rues de la ville de Pacaraima, à la frontière entre le Brésil et le Venezuela.
 © Mariana Abdalla/MSF
L'une des rues de la ville de Pacaraima, à la frontière entre le Brésil et le Venezuela. © Mariana Abdalla/MSF

L’exil en dernier recours

« Nos patients nous racontent que quitter le Venezuela était leur dernier recours pour échapper à la pauvreté dans leur pays ; en aucun cas, cela faisait partie de leurs plans de vie, poursuit Michael Parker. Au cours de leur périple, ils sont confrontés à la faim et à la violence. Malgré ce contexte difficile, nous continuons d’entendre des histoires porteuses d’espoir et des souhaits d'une vie meilleure. »

Sur place, MSF mène également des activités de promotion de la santé sexuelle et reproductive.

« Lorsque je suis arrivée au Brésil il y a deux ans, il n'y avait pas autant de monde qu'aujourd'hui, raconte Alejandra*, une patiente prise en charge par MSF. Les services auxquels j'avais accès à mon arrivée, comme par exemple obtenir un rendez-vous chez le médecin, ne sont plus disponibles. Aujourd’hui, il n’y a que la clinique MSF. »

« Quand je suis arrivée ici, je dormais par terre, sur un carton. Malgré tout, c'est toujours mieux qu'au Venezuela », poursuit Alejandra.

*Le prénom a été modifié

À lire aussi