Aider les familles à affronter l'hiver

Nick Lawson était le chef de mission de MSF au Pakistan jusqu'au 10 décembre. Arrivé deux jours après le séisme du 8 octobre, il a supervisé la mise en place de nos programmes de secours médicaux et matériels dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, voisine du Cachemire et elle aussi dévastée par la catastrophe.Il fait le point sur la situation de la population dans notre zone d'intervention à l'arrivée de l'hiver, sur les besoins des personnes qui se retrouvent sans abri, sur les projets que nous mettons en oeuvre pour leur venir en aide et sur les blessés qui ont toujours besoin de soins.

Deux mois et demi après le tremblement de terre au Pakistan, quelles inquiétudes suscite l'arrivée de l'hiver pour la population des régions dévastées ?
Au lendemain du séisme, la grande crainte était que des dizaines de milliers de personnes se retrouvent sans abri à l'arrivée de l'hiver dans cette région montagneuse. Cette inquiétude était renforcée par les difficultés logistiques dues à la destruction des routes. Leur réouverture a permis d'acheminer des secours matériels (tentes, couvertures, etc.) en grandes quantités. D'autre part, beaucoup de familles sont descendues des villages de montagnes. Dans les districts de Batagram et de Mansehra, environ 100.000 personnes se sont installées dans des centaines de camps disséminés dans toute la zone.


D'un camp à l'autre, les besoins en termes d'infrastructures sanitaires, d'accès à l'eau potable, de qualité des abris, etc., sont extrêmement variables. Mais la problématique commune à toutes les familles, c'est de se préparer à affronter le froid. Nous avons identifié des familles qui ont reçu des tentes de mauvaise qualité que nous échangeons contre des tentes adaptées aux conditions climatiques. Nous distribuons aussi des couvertures supplémentaires et d'autres biens de première nécessité, en fonction des besoins. Pour le chauffage, compte tenu des risques d'incendie - fin novembre, plusieurs personnes sont mortes à Mansehra lorsqu'une bougie a mis le feu à deux tentes -, la meilleure solution que nous avons trouvée aujourd'hui est un système de chauffage au kérosène, que nos équipes commenceront à distribuer dans les prochains jours.

Pour l'instant, nous n'avons pas constaté d'augmentation significative du nombre de maladies ou de décès dus au froid. La forte mobilisation nationale et internationale a permis une distribution étendue de tentes, de couvertures et de divers articles de secours. Mais les conditions de vie précaires dans les camps de déplacés (regroupement de population, infrastructures sanitaires limitées, conditions climatiques difficiles, etc.) imposent à toutes les organisations présentes sur place d'être vigilantes. Si l'hiver déclenchait une forte mortalité parmi la population sinistrée, ce serait un échec pour tous les acteurs déployant leur aide dans la région.


Reste-t-il beaucoup de monde dans les montagnes ? Comment ces personnes-là feront-elles pour survivre ?
Traditionnellement, plus de 80% de la population des villages de montagne descend vers des zones aux températures plus clémentes pendant l'hiver. Cette année, il est probable que les gens descendent plus bas que d'habitude.

Lorsque des familles décident de rester, c'est parce qu'elles savent comment faire pour passer cette période difficile. Au début de notre intervention, deux équipes MSF étaient présentes dans les vallées d'Allaï et de Kaghan. Elles y ont distribué des tentes et des couvertures, et mis en place des consultations médicales. Bien qu'elles aient couvert des zones assez étendues, il est possible que certains villages isolés n'aient pas reçu suffisamment de matériel. Malheureusement, nous n'avons pas la capacité de nous rendre dans tous ces villages pour y distribuer des chauffages. D'autant qu'il faudrait y retourner pour assurer un approvisionnement régulier en kérosène.

Quoiqu'il en soit, si les stratégies habituelles pour affronter l'hiver sont trop perturbées, si les conditions de vie deviennent trop difficiles pour les familles qui ont perdu leur maison, elles ont toujours la possibilité de descendre dans les vallées. Le gouvernement pakistanais a annoncé qu'il maintiendrait les routes ouvertes pendant tout l'hiver pour permettre à ceux qui le souhaitent de se déplacer.


MSF a ouvert voici bientôt un mois une structure hospitalière à Mansehra capable d'offrir des soins orthopédiques aux personnes blessées lors du séisme. Quelle est aujourd'hui la situation pour les personnes blessées lors du séisme ? Quels sont les problèmes médicaux dans la région ?
La structure que nous avons installée, sous des tentes gonflables, à côté et en renfort de l'hôpital de district de Mansehra est au coeur de notre intervention. Bien que deux mois se sont écoulés depuis le séisme, des centaines de blessés ont toujours besoin de soins. Parce que les structures de santé de la région, comme l'hôpital de Battagram, ont été fortement endommagées par le séisme et que leur réhabilitation prend du temps, notre hôpital est le seul à disposer de cette capacité de soins orthopédiques pour les blessés. C'est devenu le centre de référence du district pour ces patients.

Beaucoup de blessés initialement évacués vers Islamabad ou Peshawar reviennent aujourd'hui vers leur région d'origine, pour retrouver leur famille ou recevoir la compensation financière distribuée par le gouvernement pakistanais. Mais nombre d'entre eux ont encore besoin d'un suivi médical quotidien, voire d'une nouvelle intervention chirurgicale. Dans les camps de déplacés du district, nous avons ainsi identifié 111 patients qui doivent être transférés dans notre hôpital.


Par ailleurs, avec une salle d'urgence, une salle pour les soins intensifs et 120 lits d'hospitalisation, notre structure sous tentes gonflables nous permet de prendre en charge les patients qui ne peuvent pas être admis dans l'hôpital de district, dont le fonctionnement a été fortement perturbé par le séisme.

À lire aussi