Soudan : alors que la violence s’intensifie au Darfour Nord, la crise nutritionnelle persiste dans le camp de Zamzam

Clinique de MSF dans le camp de Zamzam à 15 kilomètres d'El Fasher. Un dépistage auprès d'enfants de moins de 5 ans et de femmes enceintes et allaitantes a révélé des taux de malnutrition aigüe de 30%, soit près du double du seuil d'urgence. 
Clinique de MSF dans le camp de Zamzam à 15 kilomètres d'El Fasher. Un dépistage auprès d'enfants de moins de 5 ans et de femmes enceintes et allaitantes a révélé des taux de malnutrition aigüe de 30%, soit près du double du seuil d'urgence.  © Mohamed Zakaria

En réponse à l'escalade des combats au Darfour du Nord, Médecins Sans Frontières (MSF) a soigné plus de 100 blessés de guerre à l'hôpital Sud d'El Fasher au cours des deux dernières semaines, pour beaucoup victimes de blessures par balle. Onze des blessés de guerre pris en charge étaient des enfants. Simultanément, MSF intensifie sa réponse à la crise nutritionnelle majeure dans le camp de Zamzam, au Darfour du Nord, où la situation est de plus en plus critique.

30% de malnutrition aigüe

A la suite des résultats alarmants d'une enquête nutritionnelle rapide et de mortalité menée par MSF début janvier, un dépistage de masse de plus de 63 000 enfants de moins de cinq ans, ainsi que de femmes enceintes et allaitantes, a été réalisé en mars et en avril. Ce dépistage confirme une crise nutritionnelle catastrophique dans le camp. MSF a lancé un appel en faveur d’une aide d'urgence en février, mais demeure, près de trois mois plus tard, l’une des seules organisations humanitaires internationales à répondre à cette crise d’ampleur, alors que les estimations font état de 300 000 à 500 000 déplacés dans le camp. 

Sur plus de 46 000 enfants dépistés, 30 % souffraient de malnutrition aiguë, dont 8 % de malnutrition aiguë sévère (MAS). Des chiffres similaires ont été relevés chez près de 16 000 femmes enceintes et allaitantes : 33 % d'entre elles souffraient de malnutrition aiguë, dont 10 % de MAS. Pour les deux groupes de population, ces chiffres sont deux fois plus élevés que le seuil d'urgence de 15 %. 

« On sait depuis trois mois que la situation est critique » déclare Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de MSF au Soudan. « Nous sommes extrêmement inquiets de l’escalade des combats qui rendra plus difficile encore l'arrivée de l'aide internationale tant attendue. Et avec l'approche de la période de soudure, nous craignons également une détérioration rapide de cette crise nutritionnelle dans les semaines à venir. » 

Restrictions d'accès

MSF a déjà intensifié sa réponse en ouvrant une deuxième clinique, a admis plus de 11 000 enfants dans son programme nutritionnel et ouvert un hôpital de campagne de 35 lits. Parmi les patients se trouvent 19 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et trois enfants traités pour des cas présumés de rougeole. MSF prévoit de lancer une campagne de vaccination contre la rougeole et d'étendre ses activités aux femmes enceintes. Cependant, cela ne suffit pas à répondre aux besoins, alors qu’aucun soin de santé supplémentaire n'est fourni dans le camp. 

« Il ne fait aucun doute que la fourniture d'une aide humanitaire au Soudan pose d'énormes défis, mais il est possible de le faire », déclare Claire Nicolet. « Les restrictions d'accès - y compris les obstructions délibérées à l'acheminement de l'aide par les parties belligérantes - ont considérablement entravé la capacité de réponse des agences. Il en va de même pour l'insécurité. Mais la situation est trop critique pour que ces problèmes continuent à servir d'excuses. Les Nations unies et l'ensemble de la communauté humanitaire doivent faire davantage pour négocier l'accès des organisations humanitaires à la zone d'El Fasher. » 

Combats et nouveaux déplacés

Aucune distribution officielle de nourriture n'a eu lieu dans le camp de Zamzam depuis le mois de mai 2023. Quelques camions du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ont atteint El Fasher à la mi-avril, mais rien n'est arrivé dans le camp avant le 29 avril. Les conditions de vie dans le camp, déjà déplorables avant le conflit, se sont considérablement détériorées. Pour les milliers de personnes nouvellement déplacées de Nyala, Tawila et d'autres lieux touchés par des combats, la situation est particulièrement grave. Nombre d'entre elles vivent dans des écoles surpeuplées, sans accès à la nourriture ou à l'eau. Avec l'escalade de la violence dans le nord du Darfour et de nouveaux déplacés, il y aura bientôt encore plus de concurrence pour les ressources déjà très limitées du camp. 

Un acheminement rapide de l'aide est d’autant plus impératif que la saison des pluies et l'absence de routes goudronnées rendra l’accès à Zamzam encore plus difficile. Les agences des Nations unies, qui ont elles-mêmes alerté sur le risque de famine, doivent tout faire pour empêcher que la situation ne se détériore encore. 

À lire aussi