L'interdiction d’acheminer du matériel chirurgical à Khartoum met en danger des centaines de vies et doit être immédiatement abrogée

Le drapeau de MSF flotte au-dessus de l'hôpital du camp de Kalma, le plus important camp de déplacés du Darfour (2008)
Le drapeau de MSF flotte au-dessus de l'hôpital du camp de Kalma, le plus important camp de déplacés du Darfour (2008) © Avril Benoit/MSF

Médecins Sans Frontières (MSF) demande la levée immédiate de l'interdiction de transporter du matériel chirurgical vers les hôpitaux de Khartoum dans les zones contrôlées par les Forces de soutien rapide, mettant en danger la vie de centaines de personnes, notamment des femmes et des enfants.

En vigueur depuis le début du mois de septembre et communiquée à MSF par les autorités soudanaises le 2 octobre, cette interdiction vise à empêcher les combattants blessés de recevoir des soins vitaux dans la capitale.

Une telle interdiction est non seulement incompatible avec le droit international de la guerre - pour lequel les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ont réaffirmé leur engagement dans la déclaration de Jeddah en mai – mais elle aura aussi des conséquences fatales sur la vie des civils privés de traitement.

« Cette interdiction est une impitoyable tactique qui risque de provoquer la mort de centaines de personnes à Khartoum dans les semaines à venir », déclare Claire Nicolet, responsable MSF des opérations d’urgences au Soudan. « Les deux tiers des opérations que nous pratiquons dans à l’hôpital turc sont des césariennes, soit 170 au cours des deux derniers mois. Sans ces opérations, de nombreuses femmes et leurs nouveau-nés seraient morts. Les femmes qui ont besoin d'une césarienne disposent de très peu d'options à Khartoum. Si l'on continue à nous refuser l'autorisation d’acheminer du matériel chirurgical dans notre hôpital, elles n’en auront bientôt plus aucune. »

MSF traite les blessés de guerre sans distinction, avec pour seul critère les besoins médicaux. Il est contraire à l'éthique médicale de refuser une prise en charge médicale vitale à une personne, qu'elle ait combattu ou qu'elle ait été prise entre deux feux.

Le 10 septembre, le bombardement du marché de Gorro a fait 43 morts et 60 blessés, notamment des femmes et des enfants, qui ont été pris en charge à l'hôpital universitaire de Bashair. En octobre, MSF a pourtant été contrainte de suspendre ses activités chirurgicales dans cet hôpital en raison de l’interdiction d’acheminer du matériel ; l’hôpital Turc est désormais l’un des seuls établissements du sud de Khartoum disposant d'une salle d'opération fonctionnelle. Les 12 et 13 novembre, MSF a reçu 128 blessés aux urgences de l’hôpital Turc après deux incidents faisant de nombreuses victimes. Plusieurs interventions chirurgicales ont déjà été réalisées, mais de nombreux patients attendent encore d'entrer en salle d'opération ; le stock actuel de matériel à l’hôpital Turc ne sera pas suffisant pour couvrir le prochain mois. Si MSF n’est pas en mesure d'acheminer plus de matériel, le bloc opératoire de l’hôpital Turc devra également fermer, faisant des hommes, femmes et enfants ayant besoin d’une intervention chirurgicale vitale des victimes supplémentaires de cette guerre.

La situation est d’autant plus grave que cette interdiction n'a pas seulement un impact sur le transport du matériel. Les travailleurs humanitaires, y compris le personnel médical, se voient également refuser des autorisations de voyage. Bien que MSF n’ait reçu aucune annonce officielle des autorités à ce sujet, le fait est qu’aucun membre de son personnel médical soudanais ou étranger n'a reçu l'autorisation de se rendre dans le sud de Khartoum pour y travailler depuis le début du mois d’octobre. Malgré l’engagement des Forces armées soudanaises, lors des pourparlers de Jeddah, d’autoriser l’entrée de 90 camions de fournitures humanitaires à Khartoum, aucun convoi n'est arrivé à destination à ce jour. Les autorisations de circuler pour les camions de MSF restent bloquées.

« Le matériel et le personnel de MSF sont prêts et attendent à Wad Madani, à moins de 200 km de Khartoum », ajoute Claire Nicolet. « Les Forces armées soudanaises privent sciemment de soins médicaux la population de la capitale. Bien que de nombreux services du gouvernement soudanais, des organisations internationales et des missions diplomatiques impliquées dans la crise soudanaise aient été informés de cette interdiction, aucune mesure n’a encore été prise. Laisser les femmes sur le point d’accoucher souffrir, et pour certaines mourir, et laisser les combattants blessés se vider de leur sang, est une politique effroyable qui doit être annulée de toute urgence. »

Notes

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