Iran - 7 mars 2005 : Aider les plus vulnérables après le séisme

Les premières consultations médicales ont débuté vendredi 25 février dans le centre de santé de Hotkan, l'un des villages de montagne les plus touchés par le séisme qui a frappé, le 22 février, la région de Zarand au centre-est de l'Iran. Le 26 février, une deuxième équipe MSF s'est rendue dans le village de Babgohar pour y assurer des consultations. Pour MSF, l'objectif est d'aider les personnes les plus vulnérables dans des villages les plus isolés.

Hotkan, dans la montagne au nord de Zarand, est plongé dans un épais brouillard. De ce village détruit à 95%, il ne reste qu'un amoncellement de pierres de part et d'autres des routes défoncées. Seules les portes des maisons sont encore dressées au milieu des gravats, de la neige et de la boue. Dans ce paysage fantomatique, où le brouillard et le froid renforcent un profond sentiment de désolation, un des seuls bâtiments encore intacts est le centre de soins du ministère de la Santé, presque neuf, mais qui ne fonctionne pas. Les étagères de la pharmacie sont quasiment vides, le directeur semble débordé.
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Hotkan
Seules les portes des maisons sont encore dressées au milieu des gravats, de la neige et de la boue.

De l'autre côté de la route, une cinquantaine de tentes accueillent les survivants du séisme. Toutes ne sont pas occupées, car plusieurs rescapés sont retournés dans leurs maisons dévastées tenter de récupérer quelques biens encore intacts. Dans les autres, des familles se serrent autour du chauffage, luttant contre le froid et l'humidité intenses. Parfois, les tentes n'accueillent qu'une ou deux personnes, le reste de la famille ayant péri pendant le tremblement de terre. Beaucoup sont prostrés. Comme cette femme allongée au fond de sa tente qui refuse de bouger. Les 8 autres membres de sa famille ont tous été ensevelis sous les pierres. Avant le tremblement de terre, une centaine de familles vivaient ici.

Après Bam, répondre rapidement à une nouvelle urgence
Pour notre équipe venue sur place évaluer la situation, le besoin d'une présence médicale ne fait aucun doute. Outre des tentes, le Croissant Rouge iranien a distribué des lampes, des chauffages au kérosène, des couvertures et des petits sacs de nourriture - biscuits, conserves de thon, pain. Des particuliers, venus de la ville, distribuent quelques repas chauds. Mais aucun soin n'est offert aux survivants. "Les premières 24 heures, les autorités ont pu rapidement évacuer les blessés dans les hôpitaux de la région et distribuer le matériel de première urgence, explique Olivier Maizoué, chef de mission pour MSF en Iran. Pour nous, la priorité est d'offrir des soins aux survivants les plus vulnérables et surtout dans les villages isolés où personne ne retournera." Suite au tremblement de terre qui avait détruit la ville de Bam, 200 kilomètres plus au sud, en décembre 2003, des médicaments et du matériel médical et logistique avaient été stockés à Téhéran, Mashhad et Zahedan - deux sites où MSF mène des programmes auprès des réfugiés afghans - pour pouvoir répondre rapidement à une nouvelle urgence. Deux tonnes de matériel ont ainsi pu être rapidement acheminées à Zarand pour mettre en place nos activités.
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Centre de soins d'Hotkan
Dans le centre de santé d'Hotkan, un des rares bâtiments épargné dans le village, nous avons apporté des médicaments et offrons des soins à la population.

Elham, l'infirmière MSF, fait le tour de toutes les tentes pour informer les habitants de l'ouverture du centre de santé. Elle explique longuement que l'équipe sera présente tous les jours, que les soins sont gratuits et les médicaments disponibles. Certains ne veulent pas se déplacer, ne croient pas Elham. Mais le bouche-à-oreille fonctionne rapidement. Un premier groupe de femmes se présente, puis ce sont bientôt les hommes qui se pressent dans la clinique. Personnes souffrant de maladies chroniques et ayant perdu leurs médicaments dans le séisme, patients se plaignant de maux de têtes ou expliquant que leur corps entier est en souffrance, symptômes de traumatismes psychologiques liés au séisme. En moins de deux heures, une vingtaine de consultations a été effectuée.

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Consultation à Hotkan
Nos équipes reçoivent des personnes souffrant de maladies chroniques qui ont perdu leurs médicaments dans le séisme, et des patients se plaignant de maux de têtes ou expliquant que leur corps entier est en souffrance, symptômes de traumatismes psychologiques liés au séisme.

Villages de montagne meurtris par le séisme, isolés par la neige
Le lendemain, deux équipes MSF reprennent la route vers Hotkan. La neige, tombée en abondance dans la nuit et qui continue de se déverser à grands flocons, bloque la route qui serpente depuis Zarand. Il faudra près de trois heures - contre 45 minutes habituellement - pour parvenir à destination. Là, le docteur Purhan, Maryam, la sage-femme, Elham, l'infirmière, et Mireille, responsable de l'équipe, rouvrent la clinique. Le reste de l'équipe se dirige vers Babgohar, où vivent 50 familles. Comme dans d'autres villages de montagne, la grande majorité des maisons est à terre, tandis que les pans de murs encore debout continuent de s'écrouler. Ici, les habitants n'ont pas reçu de nourriture mais des couvertures, des chauffages au kérosène et 39 tentes, installées devant les ruines des maisons.
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Bagbohar
Ce village où vivent une cinquantaine de familles a été très fortement détruit, mais personne n'est mort. Après de premières distributions d'urgence, les secours ne se concentrent plus sur Bagbohar. Nos consultations sont la seule offre de soins.

A Babgohar, personne n'est mort. C'est sans doute la raison pour laquelle, passées les premières distributions le lendemain du séisme, plus personne ne s'arrête. Des voitures d'ONG ou d'officiels ralentissent au coeur du village, mais poursuivent leur route. Cet isolement de toute aide extérieure rend essentiel le travail de l'équipe, installée sous une tente prêtée par le ministère de la Santé. Là encore, une visite de chaque tente est effectuée, tandis que le haut-parleur de la mosquée informe de l'arrivée de MSF. Mais personne ne bouge. Mehdi, notre logisticien, doit expliquer, écouter, convaincre. En quelques minutes, on dirait que tout le village ou presque se presse devant la tente où le docteur Babak, médecin iranien travaillant habituellement pour MSF à Mashhad, reçoit les patients. Ce sont surtout des vieux qui habitent ce village reculé, qui n'ont pas voulu ou pas pu quitter leur village. "Qui s'occupera de nos animaux ?", disent-ils. Pour ce premier jour, 33 consultations - presque une personne par tente - sont effectuées en moins de deux heures. On retrouve ici les pathologies et les mots de souffrance habituels après ce type de catastrophe.

Aider les plus vulnérables
Alors que l'équipe s'apprête à partir, un nouveau groupe de personne s'approche. Ce sont des habitants de villages voisins - pour certains déjà identifiés lors de notre évaluation - qui ont su que MSF réalisait des consultations et viennent demander de l'aide. Dès le lendemain, l'équipe se rendra aussi à Babsokhtegar, puis Khonk, Sharzase Darehgar, Dehmelan, Madbon, Sapardeh, Bedoia, Tazerg... D'autres petits villages détruits par le séisme et dont les populations sont oubliées des secours. Comme aujourd'hui à Babgohar, ce sont ces personnes les plus vulnérables que MSF a choisi d'aider.

Photos: © Caroline Livio/MSF

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