"Face au Sida, la seule attitude responsable est de soigner des malades en danger de mort"

Médecins Sans Frontières a commencé un programme de traitement des malades du sida par antirétroviraux (ARV) à la Blue House une structure de santé qui accueille des patients vivant dans le bidonville de Matharé à Nairobi.
© Chris de Bode

Médecins Sans Frontières demande aux pouvoirs publics, aux bailleurs de fonds et aux laboratoires de respecter leurs engagements.

"Face au sida, la seule attitude éthique responsable est de s'engager dans l'action. Notre responsabilité est de soigner des malades en danger de mort", déclare le Dr Jean-Hervé Bradol, président de la section française de Médecins Sans Frontières. Le sida tue près de 8.000 personnes par jour et 42 millions de personnes sont aujourd'hui infectées par le virus dont 95% dans les pays en développement. Parmi elles, 6 millions auraient besoin d'un traitement par antirétroviraux pour échapper à une mort imminente. Or, malgré les engagements annoncés, rien, ou si peu, n'est fait pour permettre aux malades d'accéder à ces traitements qui pourraient leur sauver la vie.

Le manque de volonté politique des pays riches, qui s'étaient engagés publiquement à financer la lutte contre le sida, est criant. Ainsi, par exemple, sur les 10 milliards de dollars qui devaient constituer le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, seule une infime partie des sommes a jusqu'à présent été débloquée. Au contraire : l'Union européenne a même prévu de diminuer de 50% les faibles ressources qu'elle devait allouer pour ce fonds en 2003.

Les négociations actuellement en cours au sein de l'OMC risquent de restreindre encore plus l'accès à des médicaments à des prix abordables, en imposant des mécanismes qui alourdiront encore l'exportation et l'importation de médicaments génériques. En outre, le coût des antirétroviraux est toujours un frein à la mise en place de programmes de traitement dans les pays en développement."Aujourd'hui, un traitement de première ligne coûte environ 300 dollars par an et par patient, note Jean-Hervé Bradol. Le coût de ces traitements doit encore diminuer. Il est également indispensable de disposer d'un traitement simplifié. Notre objectif est ainsi de parvenir à obtenir une trithérapie, pour le traitement de première ligne, en une prise par jour et coûtant moins de 100$ par an et par patient."

Depuis deux ans, MSF s'est résolument engagée dans le traitement des malades du sida par trithérapie dans six pays : le Cambodge, le Kenya, le Guatemala, le Malawi, l'Ouganda et la Thaïlande. 1400 personnes, dont une centaine d'enfants sont actuellement soignées par antirétroviraux dans ces programmes.

"La démonstration est faite, à travers ces programmes, qu'il est possible de soigner des malades par trithérapies dans les pays à ressources limitées, note Jean-Hervé Bradol. Nous allons en faire plus et nous prévoyons de traiter près de 4.000 personnes dans nos 6 programmes d'ici la fin 2003. Notre responsabilité, aujourd'hui, est de traiter des malades en danger de mort. Nous demandons aux autres acteurs, publics comme privés, de prendre leurs responsabilités et de respecter leurs engagements pour permettre aux malades d'accéder aux traitements dont ils ont besoin."

Les autres sections opérationnelles de MSF mènent également des programmes de traitement des malades en Afrique du sud, au Cameroun, au Honduras et en Ukraine. Au total, sur 10 pays, 2300 personnes sont actuellement soignées par trithérapies.

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