Des résultats prometteurs pour le premier essai clinique ciblant les formes de tuberculose multirésistante les plus difficiles à soigner

L'infirmier Asif Mehmood teste la vue de Rihana, une patiente participant à l'essai clinique endTB-Q au sein d'un centre médical financé par l'Interactive Research and Development (IRD) à Kotri, au sud du Pakistan. L'essai vise à tester un traitement court sur une forme de tuberculose multirésistante difficile à soigner. 
L'infirmier Asif Mehmood teste la vue de Rihana, une patiente participant à l'essai clinique endTB-Q au sein d'un centre médical financé par l'Interactive Research and Development (IRD) à Kotri, au sud du Pakistan. L'essai vise à tester un traitement court sur une forme de tuberculose multirésistante difficile à soigner.  © Asim Hafeez

Le consortium endTB*, dont est membre Médecins sans Frontières (MSF), a conclu la phase 3 de l’essai endTB-Q, le premier essai contrôlé randomisé à inclure exclusivement des personnes souffrant de tuberculose pré-ultrarésistante, une forme de tuberculose très difficile à soigner. endTB-Q a démontré qu’un schéma thérapeutique plus court que le traitement conventionnel, combinant quatre médicaments (bédaquiline, clofazimine, délamanide et linézolide), permettait d’obtenir des taux de guérison élevés dans l’ensemble et des résultats particulièrement bons parmi les patients présentant des formes non-sévères de la maladie. Les résultats préliminaires ont été présentés lors de la Conférence mondiale de l’Union sur la santé respiratoire qui se tient à Bali, en Indonésie, le 13 novembre 2024.

La tuberculose pré-ultrarésistante est résistante aux médicaments antituberculeux les plus efficaces, notamment la rifampicine, pierre angulaire du traitement de la tuberculose, et les fluoroquinolones, une classe de médicaments essentielle dans le traitement de la tuberculose résistante à la rifampicine. Historiquement, la tuberculose pré-ultrarésistante a été soignée avec des schémas thérapeutiques mal tolérés qui durent jusqu’à deux ans et permettent de guérir moins de la moitié des patients. L’essai endTB-Q, qui s’appuie sur les résultats de l’essai clinique end-TB, poursuit le chemin vers l’abandon des traitements longs et toxiques contre la tuberculose pharmaco-résistante. Cet essai est le premier à utiliser une stratégie thérapeutique individualisée, en se basant sur la sévérité de la maladie et la réponse précoce au traitement pour choisir la durée du traitement, six ou neuf mois. L'étude a inclus 323 participants de six pays (l'Inde, le Kazakhstan, le Lesotho, le Pakistan, le Pérou et le Vietnam), garantissant ainsi la pertinence des résultats de cette étude et de cette stratégie pionnières pour diverses populations de patients. 

« Ces dernières années, des essais cliniques ont démontré que des traitements plus courts pouvaient être efficaces chez les personnes atteintes de tuberculose difficile à soigner », a déclaré le Dr. Carole Mitnick, de l’organisation Partners in Health, directrice de la recherche pour le projet endTB et co-investigatrice principale de l'étude. « En se concentrant exclusivement sur les personnes atteintes de tuberculose pré-ultrarésistante, endTB-Q permet d’affiner notre compréhension des risques, auparavant sans doute sous-estimés, associés à ces schémas plus courts. Quel que soit le schéma thérapeutique, un soutien solide au traitement et une gestion attentive des effets secondaires restent essentiels à sa réussite. »  

« L’antibiorésistance est une menace considérable pour la santé au Pakistan, et la tuberculose pré-ultrarésistante en est une forme particulièrement inquiétante », explique le Dr Naseem Salahuddin, chercheur principal de l’essai endTB-Q au Pakistan. « Le fait de mener l’essai ici nous a permis de tester des solutions là où elles sont les plus nécessaires. »

L’essai endTB-Q a permis d’observer que :   

  • Le traitement alliant bédaquiline, clofazimine, délamanide, et linézolide (BCDL) pendant six ou neuf mois a produit de bons résultats (87% de guérison), bien que légèrement inférieurs à ceux du schéma thérapeutique conventionnel long (89% de guérison) ; 
  • La mise sous traitement BCDL pendant six mois, prolongée à neuf mois en cas de réponse tardive au traitement, a donné d’excellents résultats chez les personnes ne présentant pas de forme sévère de la maladie au début du traitement (93% de guérison) ; 
  • Chez les personnes atteintes d’une tuberculose sévère, la combinaison BCDL pendant neuf mois n’a pas été suffisante pour prévenir les rechutes par rapport au schéma thérapeutique long.
     

« Cet essai a été innovant à plusieurs égards », explique le Dr. Lorenzo Guglielmetti, directeur du projet endTB de MSF et co-investigateur principal de l'essai clinique. « Comme nous savons qu'il n'existe pas de traitement unique pour la tuberculose, nous avons testé une stratégie qui consistait à ajuster la durée du traitement à la sévérité de la maladie et à la réponse au traitement, en nous basant sur des critères simples. Ces nouvelles données montrent que le régime BCDL pourrait être bien adapté aux personnes atteintes d'une tuberculose non sévère, mais plus risqué pour les personnes atteintes d'une tuberculose sévère. » 

Ces résultats ont été obtenus en partie grâce à la méthodologie sophistiquée de l’essai et au choix d’utiliser un bras de contrôle interne, c’est-à-dire un groupe de patients permettant de comparer les résultats de l’essai, qui reçoit les meilleurs soins disponibles à l’heure actuelle en matière de tuberculose. Les résultats de l'essai suggèrent que le choix du traitement optimal pour la tuberculose pré-ultrarésistante nécessite un examen attentif des risques et des avantages propres à chaque patient, notamment de la sévérité de la tuberculose au début du traitement.  

« Les résultats de cet essai novateur, qui porte sur des personnes atteintes des formes parmi les plus difficiles à traiter de tuberculose pharmaco-résistante, soulignent la nécessité urgente d'améliorer notre compréhension de la manière de traiter efficacement cette forme de la maladie mortelle. En outre, elles soulignent l'importance de renforcer les approches centrées sur l'individu et menées par les communautés. Ces nouvelles données soutiendront nos investissements actuels et futurs dans ce domaine », a déclaré le Dr Philippe Duneton, directeur exécutif d'Unitaid. 

Cette avancée majeure s'ajoute aux récentes percées dans le traitement de la tuberculose, dont plusieurs ont été l’objet de recommandations par l'OMS pour l’utilisation de schémas thérapeutiques plus courts pour lutter contre la tuberculose multirésistante au cours des dernières années. De futures recherches seront nécessaires pour optimiser à la fois la composition et la durée du traitement de la tuberculose pré-ultrarésistante, tout en améliorant l'identification des patients qui ont besoin de régimes renforcés. 

L'essai clinique endTB-Q a été cofinancé par Unitaid, Médecins Sans Frontières (avec le soutien de la Fondation Ramón Areces et de la Fondation Jung pour la science et la recherche) et Partners In Health. Résultat d’efforts d’ONG visant à améliorer le traitement des formes de tuberculose les plus résistantes, il a testé pour la première fois des médicaments antituberculeux plus récents, la bédaquiline et le délamanide, en association avec des médicaments plus anciens. endTB-Q est très prometteur, car de nouvelles options de traitements plus courts, mieux tolérés et efficaces contre la tuberculose résistante à la fluoroquinolone commencent à apparaître. 

*Le consortium endTB est composé de Médecins sans Frontières, Partners in Health et Interactive Research and Development.  

Notes

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