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Syrie : une journée en mission avec Rachael, médecin anesthésiste

Rachael anesthésiste en mission en Syrie avec MSF août 2012.
Rachael, anesthésiste en mission en Syrie avec MSF, août 2012. © MSF

Rachael Craven est médecin anesthésiste et enseignante au Bristol Royal Infirmary, au Royaume-Uni. Elle travaille comme volontaire pour MSF depuis 2005 et a effectué une mission en Syrie au cours de l'été dernier.

Mon portable sonne alors que je suis en plein travail. « Bonjour Rachael, c’est Brigitte du bureau de MSF à Londres, j’ai eu un appel de Paris. Ils m’ont demandé si par hasard tu ne serais pas disponible pour partir pour la Syrie la semaine prochaine. » Une semaine plus tard, Chris et Elaine du service d’anesthésie ayant fait l’impossible avec le planning, je me trouve dans une voiture où j’attends avec appréhension de passer clandestinement la frontière syrienne.

J’ai travaillé comme volontaire pour Médecins Sans Frontières au cours des sept dernières années et j’ai été dans des situations plutôt extrêmes, mais c’est la première fois qu’ils me demandent d’entrer dans un pays illégalement. Et ce n’est que la troisième fois que MSF fait cela depuis 30 ans, mais ils ont jugé que l’accès aux soins médicaux était si difficile en Syrie qu’ils devaient continuer même sans l’autorisation des autorités syriennes.

Quelques heures plus tard, je suis dans l’hôpital MSF dans le nord de la Syrie. De l’extérieur, la bâtisse ressemble à n’importe quelle autre maison de la rue. Mais à l’intérieur, elle a été transformée en un hôpital avec une salle d’urgence, une salle de réanimation, une salle de réveil, un bloc opératoire, une pièce pour la stérilisation, une banque de sang et des salles d’hospitalisation. C’est exigu et les patients doivent être portés dans les escaliers sur des brancards. Il n’y a pas de chambres pour l’équipe de sept expatriés, seulement un petit  bureau qui sert aussi de cuisine et de salle à manger. Nous dormons soit sur les terrasses, soit sur le toit. On ne défait pas nos sacs à cause du manque d’espace et aussi parce qu’il faut être en permanence prêts à évacuer rapidement.

Donc à quoi ressemble une journée dans l’hôpital MSF en Syrie ? Toute l’équipe (chirurgien, anesthésiste, médecin urgentiste, infirmière, infirmière de bloc, logisticien et coordinateur de projet) se retrouve dans le bureau à 8h30 le matin pour une réunion où nous passons rapidement en revue le programme de la journée. Nous essayons aussi d’anticiper les problèmes d’approvisionnement et de manque de personnel pour en informer l’équipe de coordination qui se trouve en dehors du pays et qu’elle voit comment les régler. Notre coordinateur de projet fait le point sur la situation locale en matière de sécurité.
A 9 heures, nous retrouvons les infirmiers syriens et notre interprète pour la visite. Nous avons 12 lits, mais nous pouvons en avoir jusqu’à 30, en installant des matelas sur les terrasses si besoin. Il n’y a pas de médecins en charge des soins post-opératoires si bien que le chirurgien et moi devons voir tous les patients, faire les prescriptions nécessaires pour chacun d’entre eux et nous assurer que les prescriptions sont bien comprises car nous risquons de ne pas sortir du bloc pendant toute la journée. Nous nous appuyons beaucoup sur le personnel syrien qui se donne à fond dans le travail.
Nous devons aussi repérer les patients qui peuvent rapidement quitter l’hôpital car nous avons peu de lits. Et nous devons voir ce qu’il faudra organiser pour les soins que ces patients devront recevoir en externe. Pourront-ils faire le trajet jusqu’à l’hôpital sans courir de danger ? Pourront-ils retourner chez eux ou devront-ils trouver un hébergement temporaire localement ?

Après la visite, je fais une vérification rapide au bloc pour m’assurer que tout mon matériel fonctionne, que nous avons de l’électricité pour faire marcher l’extracteur d’oxygène et que l’équipe logistique est prête à faire basculer l’alimentation sur les générateurs si l’électricité de la ville est coupée. Je contrôle les lampes qui marchent sur batteries et se mettent en route quand on est brièvement plongés dans l’obscurité, ce qui se produit fréquemment. Une dernière vérification de mes stocks et une visite à la pharmacie pour reconstituer les stocks et nous sommes prêts à recevoir le premier patient.

Chaque jour, nous avons des opérations programmées et des urgences. Notre premier patient aujourd’hui a des brûlures aux bras, on doit continuer à débrider ses plaies et refaire les pansements. Il aura une anesthésie générale sous kétamine.
Ensuite nous avons un patient qui a une importante blessure du périnée causée par des éclats d’obus et sur lequel il faut pratiquer une colostomie (pose d’un anus artificiel provisoire) pour permettre la cicatrisation.
Nous venons juste de finir avec lui quand arrive notre première urgence de la journée. C’est un homme de 59 ans qui allait chercher des papiers à Alep dans son bureau et a le bras touché par une balle, tirée par un sniper. Il a une fracture ouverte à l’humérus avec atteinte du nerf radial. Il est emmené sur le champ au bloc pour qu’on débride la plaie et qu’on pose un fixateur externe. Il n’y a pas de radio.
L’urgence suivante est plus classique, c’est une vieille dame qui est tombée et a besoin d’une réduction sous anesthésie de sa fracture au poignet. Je viens à peine de l’installer dans la salle de réveil quand un coup de klaxon nous annonce l’arrivée d’une autre urgence, un homme jeune avec une blessure par balle à la tête. Cela ne rentre pas dans nos compétences, nous lui dispensons les premier soins et organisons son transfert de l’autre côté de la frontière.
Le médecin urgentiste est occupé par un arrivage régulier de patients présentant des petites blessures par balle et par éclats qui n’ont pas besoin d’aller au bloc. Je veille à tout ce que mon matériel soit propre et apporte ce qu’il faut au bloc avant de monter dans la salle d’hospitalisation avec un de nos interprètes. Je dois parler avec les parents d’un jeune homme que nous avons pris en charge la veille et qui avait reçu une balle au cou. Il a une lésion de la moelle épinière et des difficultés respiratoires à cause d’un gros hématome. Nous l’avons stabilisé et lui avons fait une trachéotomie mais il a besoin de soins plus spécialisés et on doit organiser avec sa famille son transfert dans un autre pays.

A 17 heures, nous avons un petit répit. L’équipe se retrouve sur la terrasse pour manger et se détendre un peu, mais nous avons à peine fini notre repas que le bruit assourdissant et continu de plusieurs klaxons nous annonce l’arrivée de gros problèmes. Toute l’équipe se précipite en bas dans la salle d’urgence alors que sont amenés six enfants transportés à l’arrière de picks-up. Un obus est tombé dans un village voisin et quinze enfants qui s’étaient réfugiés dans une cave ont été touchés par des éclats. Nous procédons au triage pour évaluer le degré d’urgence des interventions nécessaires. Nous prenons une petite fille de neuf ans en état de choc. Heureusement que nous avons du sang O négatif (donneur universel) car je n’aurais pas eu le temps de faire les tests de vérification. Nous laissons notre médecin urgentiste transfuser un petit garçon blessé à la poitrine et lui poser un drain thoracique pendant que notre infirmière applique des pansements compressifs et un garrot sur un troisième enfant avant de le transférer dans un autre hôpital pour essayer de sauver son bras. Au milieu de tout ça, un autre patient arrive avec des blessures par balle à l’abdomen. Nous en avons encore pour plusieurs heures au bloc, il est donc stabilisé et transféré dans un autre hôpital.

A 23 heures, nous allons dans la salle de réveil. Il n’y a pas de patients en soins intensifs. Du coup, je passe la nuit avec l’une des infirmières à surveiller le garçon blessé à la poitrine et la petite fille que nous avons opérée. A quatre heures du matin, ils sont suffisamment stables pour que je puisse aller sur le toit et dormir deux heures avant que cela ne recommence.
 

Billet publié en septembre 2012 sur le site du British Medical Journal

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