Sud-Soudan : retour sur 4 mois d’activités nutritionnelles dans l’Equateur oriental

Marilyne Lebrun responsable des activités à Kapoeta
Marilyne Lebrun, responsable des activités à Kapoeta © Crédits: MSF

De mai à octobre, MSF a ouvert un projet de prise en charge des enfants malnutris à Kapoeta, situé au sud-est du Sud-Soudan. La disparité géographique et l'éloignement des populations sont des facteurs ayant compliqué le suivi médical des enfants. Une situation sur laquelle revient Marilyne Lebrun, responsable des activités à Kapoeta.

Pourquoi sommes-nous intervenus dans l'état de l'Equateur Oriental?

En mars 2010, une mission exploratoire a été lancée en Equateur Oriental, situé au sud-est du Sud Soudan. Dans cette région, il y a très peu d'acteurs médicaux. La situation médicale observée sur place était donc prévisible : un accès aux soins limité, une couverture vaccinale très basse, des épidémies récurrentes...

Mais notre intervention a également été motivée par un autre élément : la situation nutritionnelle des populations. En 2009, les récoltes ont été mauvaises. Nous nous attendions à une augmentation des cas de malnutrition chez les jeunes enfants. Nous savons qu'en période de soudure, de juin à août, les jeunes enfants sont les premières victimes de la malnutrition. Suite à cette évaluation, nous avons donc décidé d'ouvrir un projet de prise en charge de la malnutrition pour six mois.

Kapoeta semblait la ville la plus appropriée pour développer ces activités. Les trois principales ethnies de la zone s'y côtoient. Pour les hospitalisations des cas sévères, un centre nutritionnel de 40 lits a été mis en place. Trois centres de traitement en ambulatoire ont été montés dans les alentours. Les mamans pouvaient venir y chercher le traitement de leurs enfants et les cas graves être référés vers l'hôpital.

Quel bilan sur l'activité de ces 4 mois ?

Dans le centre ambulatoire de Kapoeta, les premiers patients on été admis mi-mai. Au total, 366 enfants malnutris sévères de moins de 5 ans ont été pris en charge. L'activité a augmenté les premières semaines jusqu'à début août. Puis les récoltes ont débuté et les mamans ont été moins disponibles. L'observance du traitement a été difficile ; le taux d'abandon a avoisiné les 40%. Les mamans ne se désintéressent pas de la santé de leurs enfants, mais elles font un ordre des priorités différent. Elles nous expliquaient souvent qu'elles n'avaient pas pu délaisser leurs champs. De ces récoltes dépendent la survie d'une famille les mois suivants. Les zones alentours sont montagneuses, sans routes. Cela explique aussi pourquoi le suivi du traitement a été compliqué. Dans nos centres ambulatoires, certaines mamans arrivaient après avoir marché entre 3 et 4 heures. Certaines quittaient leurs villages la veille au soir. Nombre d'entre elles revenaient deux semaines plus tard, lorsque leurs enfants étaient retombés malades.

La malnutrition est souvent associée à d'autres maladies. Lorsque la saison des pluies a réellement débuté, 50 à 60% des enfants admis étaient aussi infectés par le paludisme. On a également eu quelques cas d'enfants malnutris avec des infections respiratoires, atteints de kala azar ou des suspicions de tuberculose.

Pourquoi a-t-on interrompu le projet un mois avant la fin présumée des activités ?

Cette année, les récoltes ont été relativement bonnes. Au terme de la période de soudure fin août, les admissions d'enfants sévèrement malnutris ont réellement baissé. La situation nutritionnelle n'a donc pas été aussi grave que prévu. Début octobre, nous avons arrêté d'inclure des patients. Mais la fermeture de ce projet ne signifie pas la fin de la présence de MSF dans cette zone. De nouvelles pistes d'intervention se dessinent, par exemple sur la santé des mères et des enfants. Aux alentours de Chukudum, où nous avions un centre de traitement ambulatoire, des besoins ont été clairement identifiés. L'hôpital n'est ni parfaitement équipé, ni bien approvisionné, notamment pour faire des césariennes en urgence, pour vacciner les mamans, éviter que les bébés aient le tétanos etc...

La santé materno-infantile serait donc une piste de travail intéressante, mais la prise en charge du sida aussi. Dans la zone est de l'Equateur Oriental, l'accès aux traitements antirétroviraux est inexistant. Certaines organisations dépistent mais ne traitent pas les personnes infectées. Par ailleurs, la maladie est toujours très stigmatisée. Lorsque les agents de santé suspectent une infection VIH/sida chez un patient, ils n'osent pas toujours proposer le test. Ils craignent des réactions violentes, de suicides ou de meurtres. Il est donc difficile d'avoir une réelle idée de la prévalence du sida dans cette région. Au travers des activités nutritionnelles, nous avons cependant constaté que cette maladie est présente, parfois dépistée, mais jamais traitée.

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