Récit de réfugiés - L’exode syrien atteint Athènes

Lawand jeune Syrien réfugié en Grèce. Mai 2013
Lawand, jeune Syrien réfugié en Grèce. Mai 2013 © Anna Surinyach/MSF

Après plus de deux ans de guerre, les Syriens représentent le groupe le plus important de migrants qui arrivent en Grèce.

Lawand Deek a 21 ans, il est originaire de la province de Ar-Raqqah, il conserve un journal sur son départ de la Syrie. Le nombre de pages augmente constamment. Lorsqu’il était enfant, Lawand rêvait de se rendre au Canada pour y faire des études, mais après que sa demande de visa ait été refusée il s’est résigné et s’est inscrit comme étudiant à Damas où il a appris l’anglais. Lorsque la guerre civile s’est déclarée, il a dû fuir la province d’Ar-Raqqah en raison des violents affrontements. Il n’a pas attendu longtemps pour quitter le pays. Il savait qu’il ne voulait pas se retrouver dans l’un des camps de réfugiés qui se trouvent près de la frontière, il a donc préféré prendre la route vers le nord-ouest.

« J’ai traversé la frontière turque et je suis passé par plusieurs villes avant d’arriver à Istanbul »,dit-il. Il a pris contact avec un passeur qui a accepté de le conduire en Europe.

Il faisait partie d’un groupe de 25 Syriens et s’est rendu à Izmir, une ville sur la côte ouest de la Turquie. À Izmir, ils sont montés dans une petite embarcation et ont traversé la mer Égée en route vers l’île grecque de Lesbos. « Nous avions essayé de le faire quatre fois, dit-il. Cette fois, c’était la première fois que nous y réussisions. Il y avait deux enfants avec nous. J’étais un peu effrayé car c’était la nuit et que le bateau était vraiment petit. C’était très dangereux. »

Le garde-côte grec a vu le bateau et il est venu aider les migrants à atteindre le rivage. Ce n’est pas toujours aussi facile – sept Syriens sont morts au mois de mars quand leur bateau a chaviré alors qu’ils essayaient d’accoster à Lesbos.

Les Syriens sont le groupe de migrants le plus important qui arrive aux îles de la mer Égée, le principal port d’entrée de la Grèce et des pays de l’Union Européenne. « Depuis 2004, la plupart des migrants qui arrivaient ici étaient Afghans, explique Ionna Kotsioni, experte en migration pour MSF, mais actuellement et pour la première fois, nous voyons beaucoup plus de Syriens que d’autres nationalités. »

En 2012, environ 8 000 Syriens sont entrés en Grèce par des voies illégales, et déjà 1 709 sont arrivés durant les quatre premiers mois de cette année, selon les données de la police grecque. La plupart des migrants et des refugiés passaient habituellement par la frontière séparant la Turquie de la Grèce à Evros, dans le nord du pays, mais depuis l’été 2012 les autorités grecques ont construit un mur et ont déployé une force de sécurité de 2 000 hommes pour stopper le flux des nouveaux arrivants, d’où l’utilisation de cette nouvelle route par les îles de la mer Égée. L’année dernière, MSF a mis en place des activités aussi bien à Evros que dans les îles de la mer Égée afin d’aider les migrants ; certains parmi eux ont été maintenus en détention pendant plusieurs mois. Environ 1 500 des migrants pris en charge par MSF étaient des Syriens.

Depuis le mois d’avril 2013, les Syriens qui peuvent prouver leur nationalité ne sont plus détenus lors de leur arrivée – les lois grecques établissent la détention des migrants venant de pays autres que la Syrie jusqu’à 18 mois. Lawand et ses compagnons de voyage ont passé une nuit dans le port de Lesbos retenus par les gardes-côtes et une autre nuit dans un poste de police. La police leur a délivré les documents leur permettant de rester en Grèce pendant 6 mois. Après ce laps de temps ils devront faire une demande de renouvellement, ou alors ils devront quitter le pays.

Avec ses papiers en poche, Lawand a acheté un billet de ferry pour se rendre à la capitale grecque, Athènes. « Je n’ai pas de mots pour expliquer ce sentiment. Je me sens libre et heureux d’avoir quitté la Syrie », dit-il. Le ferry est arrivé dans le port du Pirée, près d’Athènes, au lever du jour. Fasciné, Lawand a fait ses premiers pas sur le continent, en Grèce, et il a été surpris lorsque deux policiers l’ont attrapé de chaque côté par les bras. Il a été détenu pendant quelques heures et interrogé par l’agence de l’Union européenne qui assure la sécurité des frontières extérieures (Frontex), avant d’être relâché.  « Ils savaient que je parlais anglais. Je leur ai dit tout ce que je savais et ils m’ont laissé partir », explique-t-il.

Ce ne sont pas les seuls obstacles que rencontrent les migrants lorsqu’ils arrivent en Grèce, en provenance de Syrie ou d’ailleurs. « La majorité a versé tout l’argent qu’ils avaient aux passeurs, précise Kotsioni , et une fois ici, ils ne reçoivent aucune aide de l’État grec. » La plupart viennent de pays en proie à des conflits, tels que l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie.  Non seulement les nouveaux arrivés en Europe ont peu de chances de recevoir un accueil chaleureux, mais beaucoup d’entre eux sont en outre la cible d’attaques  racistes.

Pour de nombreux migrants, la capitale grecque n’est qu’un point de transit. « Je ne pensais pas qu’Athènes serait comme cela, dit Lawand qui n’avait jamais quitté la Syrie auparavant. J’imaginais que cela serait comme en Europe – comme les  villes allemandes ou britanniques. » Lawand n'est à Athènes que depuis une seule journée et il a l’air fatigué. Il ne sait pas encore ce qu’il va faire, soit aller au Canada ou au Royaume-Uni pour finir ses études, soit bien chercher un emploi dans la capitale grecque.

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