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Panama : « C’est la route la plus dangereuse, mais les migrants n'ont pas d'autre choix »

Le seul moyen de transférer les migrants de Bajo Chiquito vers les postes d'accueil de l'immigration pendant la saison des pluies est le canoë, à raison de 13 à 15 personnes par embarcation.
Le seul moyen de transférer les migrants de Bajo Chiquito vers les postes d'accueil de l'immigration pendant la saison des pluies est le canoë, à raison de 13 à 15 personnes par embarcation. Les pirogues voyagent en groupe, leur départ peut donc prendre plusieurs heures. Ce transfert-ci a dû être reporté en raison de fortes pluies.  © MSF/Sara de la Rubia

Depuis des mois, les migrants qui tentent de traverser la jungle du Darien, qui sépare la Colombie du Panama, sont victimes d’attaques violentes perpétrées par les groupes armés. Après une relative accalmie en septembre et en octobre, due à un renforcement de la sécurité par les autorités locales, les cas de vols, souvent accompagnés de violences, y compris sexuelles, sont à nouveau à la hausse. Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) offrent des consultations médicales dans le petit village panaméen de Bajo Chiquito, la première localité au sortir de la jungle.

« La plupart des migrants que nous voyons sont des familles d'Haïtiens qui ont vécu ces dernières années au Brésil ou au Chili, explique Owen Breuil, Coordinateur de projet MSF au Panama. Beaucoup d'entre eux ont perdu leurs moyens de subsistance à cause de la pandémie et ont été contraints de se déplacer vers le Nord à la recherche d'opportunités. Mais nous rencontrons également des personnes en provenance du Pakistan ou de la République démocratique du Congo, entre autres. »

Selon le Département panaméen des migrations, près de 121 000 migrants sont entrés au Panama par la jungle du Darien cette année, dont plus de 29 000 lors du seul mois d'octobre. « Ces personnes n'ont pas d'autres possibilités pour traverser la frontière entre la Colombie et le Panama, développe Owen Breuil. C’est la voie la plus dangereuse, mais ils n’ont pas les moyens de passer par d’autres chemins moins exposés à la violence. » Les attaques, perpétrées par des groupes criminels, sont généralement d'une extrême violence, et souvent accompagnées d'agressions sexuelles. 

« Elle avait 17 ans. Ils l'ont violée en chemin. Mais il ne s'agit pas là de son seul traumatisme. En route, la distance entre sa mère et elle s'est creusée jusqu'à ce qu'elle ne l'aperçoive plus. Lorsque nous l'avons soignée à Bajo Chiquito, elle était choquée par le viol qu'elle avait subi, mais elle était également très anxieuse à l'idée de ne plus revoir sa mère vivante », raconte Owen Breuil.

Bajo Chiquito est une communauté indigène du département Embera Wounaan. Lieu d'entrée au Panama, les migrants l'atteignent après 5 à 7 jours de marche, en saison sèche. Avec l'augmentation du nombre de migrants à travers la jungle du Darien, cette communauté d'environ 400 personnes a parfois été débordée. 
 © Marcos Tamariz/MSF
Bajo Chiquito est une communauté indigène du département Embera Wounaan. Lieu d'entrée au Panama, les migrants l'atteignent après 5 à 7 jours de marche, en saison sèche. Avec l'augmentation du nombre de migrants à travers la jungle du Darien, cette communauté d'environ 400 personnes a parfois été débordée.  © Marcos Tamariz/MSF

Depuis que MSF a commencé ses activités dans la région en mai 2021, 288 femmes ont été prises en charge suite à des violences sexuelles. « Il est probable que le nombre de patientes reçues ne représente que 25% des cas de violences sexuelles. Les migrants ne signalent généralement pas ces agressions par méfiance des autorités mais aussi pour ne pas être retenus dans des procédures qui retarderaient leur voyage », détaille Owen Breuil. 

Malgré une baisse récente des attaques, due notamment au renforcement des effectifs du Service national des frontières du Panama, le niveau de violence contre les migrants reste élevé et préoccupant dans cette région. « L'intervention des autorités n'a duré que quelques semaines entre septembre et octobre. Ensuite, les groupes criminels sont revenus. Nous avons eu 18 cas d'agressions sexuelles la semaine dernière ; un chiffre record. Il est clair que la violence peut être endiguée mais des mesures appropriées doivent à nouveau être prises pour y mettre fin », explique Owen Breuil. 

Les groupes qui tentent la traversée sont généralement composés de familles, avec des femmes enceintes et des enfants. Sur plus de 30 000 consultations médicales dispensées aux personnes arrivées à Bajo Chiquito, ainsi que dans les centres d'accueil pour migrants de Lajas Blancas et San Vicente, quelque 10 000 consultations ont été réalisées auprès d'enfants ou d'adolescents et près de 1 000 pour des femmes enceintes. 

Les personnes en migration, quand elles ne sont pas victimes d’attaques, souffrent de l'environnement hostile de la jungle tropicale, notamment les terrains glissants ou accidentés ou les crues des rivières. « Une collègue m'a raconté l'histoire de cette femme qui a vu la rivière emporter sept personnes de son groupe. D'autres ont dû abandonner des compagnons qui n'arrivaient plus à avancer », raconte Owen Breuil. Les équipes médicales prennent en charge de nombreuses blessures dues à des chutes, à des morsures de serpents, mais également des problèmes de peau ou de pieds. MSF fournit aussi des soins de santé mentale. 

Gabi, une psychologue MSF, lors d'une séance avec un patient au poste d'accueil d'immigration de Lajas Blancas, au Panama. 
 © MSF/Sara de la Rubia
Gabi, une psychologue MSF, lors d'une séance avec un patient au poste d'accueil d'immigration de Lajas Blancas, au Panama.  © MSF/Sara de la Rubia

Les équipes médicales MSF constatent néanmoins depuis quelques semaines une légère amélioration de l'état physique des personnes traversant la jungle du Darien. La communauté de Bajo Chiquito, au Panama, offre la possibilité de faire le dernier tronçon de l'itinéraire en canoë. « Les migrants qui peuvent payer gagnent ainsi deux jours sur leur trajet vers Bajo Chiquito, détaille Owen Breuil. Cela signifie qu'ils n'arrivent pas dans des états physiques aussi dégradés qu'avant. » 

La jungle du Darien reste un voyage hautement risqué et impitoyable. La mise en place de voies sécurisées est indispensable. « Ces personnes ont besoin de protection », conclut Owen Breuil.

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