Nord-Yémen : augmentation des admissions à l’hôpital MSF d’Haydan, dans un désert sanitaire

Des personnes attendent devant la zone de triage de l'hôpital MSF d'Haydan. Yémen. 2019.
Des personnes attendent devant la zone de triage de l'hôpital MSF d'Haydan. Yémen. 2019. © Agnes Varraine-Leca/MSF

L’hôpital MSF d’Haydan, dans le nord-ouest du Yémen, connaît une augmentation importante du nombre de personnes prises en charge. Dans cette région largement bombardée depuis 2015, date de l’intervention d’une coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, les structures de santé sont très rares. Les équipes MSF ont récemment construit une salle d’opération chirurgicale, mais les défis restent immenses face aux besoins d’une population isolée et appauvrie. Reportage.

Lorsque Oum Ayman a commencé à ressentir des douleurs à l'estomac, elle ne pensait pas que cela puisse être lié à sa grossesse. La date du terme était encore lointaine. Elle s’est donc rendue à la pharmacie où travaille un auxiliaire de santé bénévole. C’est la seule possibilité pour obtenir un avis médical dans son petit village d’al-Malahaet.

C'est une région isolée, à la fois proche de la frontière saoudienne et de la ligne de front, où les troupes saoudiennes et yéménites combattent les troupes d'Ansar Allah, qui contrôlent le nord du pays. « L’auxiliaire de santé m'a dit que ce n'était pas encore le moment d'accoucher et il m'a donné des médicaments, explique-t-elle. Mais ensuite, j’ai perdu les eaux. »

Oum Ayman a passé trois jours chez elle à essayer d'accoucher. Puis sa famille a réussi à rassembler l'argent nécessaire pour un trajet en voiture de cinq heures jusqu'à Haydan. Le personnel de l'hôpital MSF a constaté que son enfant était décédé pendant le travail, car il se présentait mal. Les équipes ont également annoncé à Oum Ayman qu’elle avait besoin d'une intervention chirurgicale urgente, sans laquelle elle risquerait de perdre la vie à son tour.

Vue de la ville d'Haydan. Yémen. 2019.  © Agnes Varraine-Leca/MSF
Vue de la ville d'Haydan. Yémen. 2019. © Agnes Varraine-Leca/MSF

Des histoires comme celle d'Oum Ayman ne sont que trop courantes à Haydan, une ville aux maisons brunes traditionnelles, aux champs de qat luxuriants, et dans laquelle de nombreux bâtiments sont en ruines. Si la ville ne subit pas autant de bombardements que dans les premières années de la guerre, les explosions résonnent encore régulièrement dans les collines environnantes. L'éloignement et les difficultés d’accès dans cette région se combinent avec la pauvreté, un système de santé à peine fonctionnel et un conflit qui dure depuis des années. L'hôpital, que MSF a reconstruit et rouvert en 2017, après qu’il a été détruit par un bombardement de la coalition menée par l’Arabie saoudite, est l'une des très rares structures de santé accessibles.

« Nous sommes ici dans ce que l'on pourrait appeler un désert sanitaire, détaille David Charo Kahindi, coordinateur de projet de MSF à Haydan. Il y a très peu d'établissements de santé et les choses semblent empirer. Nos admissions en pédiatrie ont augmenté de 45 %, et le nombre d'accouchements, de 30 % sur un an. L’état des patients à leur arrivée s’est également dégradé : le nombre de patients admis aux urgences est le même, mais nous en admettons deux fois plus que l’année dernière, car leur état nécessite une prise en charge immédiate. »

Entrée de l'hôpital MSF d'Haydan. MSF travaille dans cet hôpital depuis 2015. Il a été bombardé peu de temps après, le 26 octobre. En février 2017, une équipe MSF est revenue à Haydan et a recommencé progressivement à fournir des soins médicaux. Yémen. 2019. © Agnes Varraine-Leca/MSF
Entrée de l'hôpital MSF d'Haydan. MSF travaille dans cet hôpital depuis 2015. Il a été bombardé peu de temps après, le 26 octobre. En février 2017, une équipe MSF est revenue à Haydan et a recommencé progressivement à fournir des soins médicaux. Yémen. 2019. © Agnes Varraine-Leca/MSF

Les équipes MSF reçoivent relativement peu de personnes blessées à cause des combats. On en compte une quinzaine par mois. Une grande partie de l'activité se concentre sur les besoins des mères et de leurs enfants. L'équipe a assisté 176 accouchements et admis 92 enfants en moyenne chaque mois depuis le début de l’année. Les enfants souffraient pour la plupart d'infections des voies respiratoires et de diarrhées, maladies souvent associées à de mauvaises conditions de vie. Seulement 40 % des mères qui accouchent à l'hôpital ont pu accéder à des soins prénatals, ce qui signifie que de nombreuses complications ne sont pas détectées avant que la mère n’entre en travail, tout comme pour Oum Ayman.

« À la fin de l'année dernière, nous avons ouvert une salle d'opération à l'hôpital afin d’éviter à certains patients d’avoir à se rendre jusqu’à Saada, explique David Charo Kahindi. Les gens doivent déjà voyager de nombreuses heures pour se rendre à Haydan, il est donc préférable que nous leur offrions des soins chirurgicaux sur place. »


Les voyages sont devenus plus difficiles ces dernières années, car le prix du carburant a augmenté et l'inflation a fait chuter le pouvoir d'achat des gens. « Nous vivons à Lower Duweib et il faut six heures pour arriver à Haydan », explique Hamid Ali, 33 ans, qui a accompagné son oncle à l'hôpital après qu’il se fut cassé la jambe dans un accident de voiture. « Le centre de santé local n'a qu'un seul employé et il ne peut faire que de petits pansements. Nous avons donc dû payer 100 000 rials yéménites (140 €) pour louer une voiture et nous rendre à l’hôpital d’Haydan. » Ce sont des sommes astronomiques pour les familles de la région, dont la plupart sont des agriculteurs et des éleveurs, vivant dans une zone fortement touchée par les conflits. « Nous entendons les combats tous les jours. Parfois, les bombardements frappent notre village, mais nous faisons de notre mieux pour mener une vie ordinaire », conclut Hamid Ali.

Le conflit complique également la réponse des organisations humanitaires. Les différentes autorités du Yémen réglementent le travail et les déplacements des équipes humanitaires et, dans le nord du pays, certaines conditions mises en place par Ansar Allah sont particulièrement drastiques. Ainsi, obtenir l'autorisation de travailler dans des zones proches de la ligne de front, comme à Haydan, est souvent difficile. MSF est la seule organisation humanitaire à être présente de façon permanente dans ce district.

« Même en agrandissant l'hôpital et en ouvrant de nouveaux services, nous ne pouvons pas répondre à tous les besoins, conclut David Charo Kahindi. Nous avons besoin que d'autres organisations s'engagent à fournir des services dans cette région, et que les autorités facilitent leur accès. »

À lire aussi