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Méditerranée : le point sur la situation du Sea-Watch 4 après ses premiers sauvetages

Opération de sauvetage en Méditerranée le 23 août 2020. 97 personnes ont embarqué à bord du Sea-Watch 4. 
Opération de sauvetage en Méditerranée le 23 août 2020. 97 personnes ont embarqué à bord du Sea-Watch 4.  © MSF/Hannah Wallace Bowman

Les équipes de Médecins Sans Frontières sont de retour en Méditerranée centrale depuis le 15 août, à bord du Sea-Watch 4. Onze jours après son premier sauvetage, le navire peut enfin débarquer les 353 rescapés présents à son bord, dans le port de Palerme en Sicile.

Entretien avec Hassiba Hadj-Sahraoui, conseillère aux questions humanitaires chez MSF.

Le Sea-Watch 4 est en mer depuis le 15 août. Que s’est-il passé pendant cette période ?

Nous avons effectué notre premier sauvetage quelques heures après notre arrivée dans les eaux internationales, au large de la Libye, le 22 août. Deux autres sauvetages ont eu lieu dans les jours suivants. Malgré les demandes répétées pour pouvoir débarquer ces personnes dans un port sûr, rien ne nous a été proposé. Dans la soirée du lundi 31 août, nous avons finalement été informés que nous pourrions débarquer 353 rescapés à Palerme, en Sicile, le lieu sûr le plus proche de notre position.

Ce qui est étonnant, c’est que désormais les États ordonnent aux navires commerciaux et aux ONG de procéder à des sauvetages, et refusent ensuite de fournir un port sûr pour débarquer. Le week-end  du 29 août, Malte a demandé au Sea-Watch 4 de transférer les rescapés qui se trouvaient à bord du Louise-Michel, le navire de recherche et de sauvetage affrété par l’artiste Banksy. Près de 150 survivants ont ainsi été embarqués à bord du Sea-Watch 4. Les autorités maritimes maltaises ont ensuite ignoré nos appels. Un cas similaire s’est produit il y a environ un mois : Malte a ordonné au navire commercial Étienne, un pétrolier, de procéder à un sauvetage puis l’a laissé  sans solution pendant des semaines. Depuis notre retour en mer, on remarque que certains États, principalement Malte et l’Italie, utilisent ce genre de tactiques, qui consistent à déléguer le sauvetage puis à ignorer les appels de détresse en mer.

La suite va être également très importante. Malgré les protocoles stricts que nous appliquons à bord pour nous prémunir de la Covid-19, il est probable que les autorités italiennes souhaitent appliquer une quarantaine. Si les conditions d’accueil sont décentes, c’est une mesure acceptable.

Ce que nous n’accepterons pas, c’est la mise en fourrière du navire sans raison valable, ou sous un prétexte fallacieux, comme cela s’est vu récemment. On pourrait nous reprocher par exemple d’avoir trop de passagers à bord, alors que nous n’avons fait que suivre les ordres des autorités maritimes.

Quelle est la situation à bord du Sea-Watch 4 ?

Le Sea-Watch 4 a 353 personnes à bord, dont 201 provenant de trois opérations de sauvetage que nous avons menées du 22 au 24 août et les 152 personnes que nous avons transférées du Louise-Michel. Nous sommes particulièrement préoccupés par les enfants, nous avons une centaine de mineurs non accompagnés à bord. Ils sont extrêmement vulnérables et ont besoin de protection.

Les équipes MSF en consultation à bord du Sea-Wtach 4. 2020. 
 © MSF/Hannah Wallace Bowman
Les équipes MSF en consultation à bord du Sea-Wtach 4. 2020.  © MSF/Hannah Wallace Bowman

Notre navire mesure 60 mètres de long. Certaines personnes ont été secourues il y a onze jours. Avec autant de personnes dans un espace aussi confiné, les tensions sont vives. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point la situation est difficile, d'autant plus que nous essayons de respecter des protocoles Covid-19 stricts à bord. 

De nombreuses personnes sont traumatisées. Certaines, transférées du Louise-Michel ont vu quatre personnes se noyer. Un seul corps a été retrouvé, les autres, comme des milliers auparavant, ont été perdus dans les vagues. En plus de cela, il y a  l'angoisse de ne pas savoir ce qui va se passer ensuite. Ces États jouent avec la vie des gens, c'est extrêmement cruel.

Sur le plan médical, outre le mal de mer, la déshydratation et la gale, nous constatons des brûlures chimiques. Cela résulte d'un mélange toxique d'essence et d'eau de mer. Un adolescent que nous avons secouru a été si gravement brûlé que nous avons dû organiser une évacuation médicale. Nos équipes soignent également des membres cassés et des traumatismes conformes aux informations faisant état d'abus, de torture et de mauvais traitements en Libye.

Pourquoi MSF et Sea-Watch ramènent-elles les rescapés en Europe plutôt qu’en Libye ?

La Libye n’est absolument pas un lieu sûr. Cela a d’ailleurs été réaffirmé par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

MSF mène des projets à Tripoli, Misrata, Zintan et Beni Walid. Dans ces endroits, nous constatons les effets directs des abus que subissent les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile non seulement en détention, mais aussi entre les mains des trafiquants. Cela comprend la torture et d’autres mauvais traitements, comme le travail forcé et l'extorsion.

Un rescapé à bord du Sea-Watch 4. 2020. 
 © MSF/Hannah Wallace Bowman
Un rescapé à bord du Sea-Watch 4. 2020.  © MSF/Hannah Wallace Bowman

Un récent naufrage majeur au large des côtes libyennes a fait au moins 45 morts. Nos équipes ont rencontré certains des survivants, après leur retour en Libye. Leurs histoires étaient déchirantes. 

Aujourd’hui, toute l’attention est portée sur les actions des opérations de recherche et de sauvetage menées par les ONG, ce qui est une tactique de diversion pour cacher la politique de refoulement, d’interception et de renvoi vers la Libye menée par l’Union européenne. Depuis le début de l’année, quelque 8 000 personnes ont ainsi été ramenées en Libye contre leur gré par les gardes-côtes libyens, soutenus et formés par l’Union européenne. 

Qui sont les responsables de cette politique de refoulement ? 

L'Italie et Malte ne respectent pas les obligations légales de sauvetage des personnes, d'attribution d'un port sûr et d'assistance appropriée. Mais, soyons très clairs : la responsabilité n’incombe pas uniquement à ces deux pays. Chaque État européen a un rôle à jouer et doit contribuer à la mise en place d’un mécanisme de recherche et de sauvetage en Méditerranée, ainsi qu’à un système durable d’attribution d’un port sûr, le plus proche possible, dans lequel débarquer les personnes secourues. Ce que la France et d'autres États européens peuvent également faire, c'est proposer à l’Italie une aide pour la relocalisation de certaines des personnes secourues.

Opérations de secours en mer par les équipes du Sea-Watch 4
 © MSF/Hannah Wallace Bowman
Opérations de secours en mer par les équipes du Sea-Watch 4 © MSF/Hannah Wallace Bowman

Outre les sauvetages effectués par le Sea-Watch 4, le Louise-Michel, ou le navire commercial Étienne, un certain nombre de personnes parviennent à arriver seules à Lampedusa, ou sur d'autres points de débarquement dans le sud de l'Italie. L'Italie a été laissée quasiment seule pour répondre aux besoins des centaines de personnes qui sont arrivées durant ces derniers mois.

Les États européens jouent avec la vie des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile. L’impératif moral et juridique de sauver des vies doit prévaloir. Près de 400 personnes sont mortes en Méditerranée centrale en 2020. C'est le résultat de politiques délibérées et cela doit cesser.

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