Malnutrition dans le nord du Yémen : « La situation empire de jour en jour »

Un membre des équipes MSF de l'hôpital d'Abs, auprès d'un enfant âgé de 3 mois souffrant de malnutrition. Yémen. 2020.
Un membre des équipes MSF de l'hôpital d'Abs en discussion avec la famille d'un enfant âgé de 3 mois souffrant de malnutrition. Yémen. 2020. © Nuha Haider/MSF

Les équipes MSF constatent une augmentation importante du nombre d’admissions d’enfants malnutris à l’hôpital d’Abs, dans le nord-ouest du Yémen. Plus de 3 300 enfants ont déjà été pris en charge depuis le début de l’année, dans une région où le système de santé primaire est quasi inexistant.

« Le conflit qui dure depuis près de sept ans a gravement affecté l’économie du pays et a affaibli un système de santé déjà fragile, explique Nicholas Papachrysostomou, chef de mission MSF au Yémen. La situation empire de jour en jour. »

Entre les mois de janvier et novembre 2021, 3 377 patients malnutris ont été pris en charge par les équipes MSF du centre de nutrition thérapeutique de l’hôpital d’Abs dans le gouvernorat d’Hajjah. Cela représente une augmentation de près de 120 % des admissions par rapport à l’année précédente sur la même période. Quant aux enfants souffrant de malnutrition sévère avec complications (infections respiratoires ou diarrhées aiguës par exemple), leur nombre a augmenté de 76 %.

La malnutrition constitue un problème sanitaire depuis des décennies au Yémen. Le conflit actuel n'en est pas à l'origine. Mais il a largement contribué à la destruction du système de santé et à l’augmentation du nombre d’enfants souffrant de cette pathologie. « La malnutrition au Yémen a parfois été attribuée à une situation de famine, ce qui donne l'impression que le pays n'a pas assez de nourriture pour sa population, détaille Nicholas Papachrysostomou. Cependant, le problème est plus complexe : certaines familles n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter de la nourriture alors qu’elle est disponible. »

Les équipes médicales de MSF doivent parfois prendre en charge à plusieurs reprises des enfants souffrant de malnutrition. Après avoir été soignés, leurs familles n’ont pas forcément accès à des soins de suivi réguliers ou à des aliments thérapeutiques et l’état de santé des enfants se dégrade à nouveau. De nombreux Yéménites ne perçoivent plus de rémunération ou ont perdu leurs moyens de subsistance, tandis que les prix des produits de première nécessité ont fortement augmenté, en raison notamment de la dépréciation de la monnaie nationale. Par ailleurs, on compte près de 55 650 familles déplacées par le conflit dans les environs d’Abs. La plupart d’entre elles dépendent de l’aide humanitaire pour survivre et ont du mal à se procurer la nourriture nécessaire et adaptée pour leurs enfants.

En 2021, près d’un tiers des enfants malnutris admis à l’hôpital d’Abs étaient âgés de un à six mois. L’absence quasi-totale de système de santé primaire rend l’accès aux soins extrêmement difficile, voire impossible, pour beaucoup de femmes enceintes, de mères ou d’enfants. En conséquence, des enfants souffrant de malnutrition modérée ne sont pas pris en charge à temps et leur état continue de se dégrader, jusqu’à nécessiter une hospitalisation. « Dans le gouvernorat de Hajjah, les enfants parcourent souvent de longues distances et arrivent dans un état critique à l'hôpital d’Abs. Les organisations humanitaires devraient donner la priorité aux soins de santé maternelle et infantile. Un meilleur système de santé primaire pourrait permettre d’éviter l’aggravation des cas de malnutrition », conclut Nicholas Papachrysostomou.

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