Grèce : derrière les barbelés des centres fermés, la détresse psychologique des demandeurs d'asile

Vue du camion de la clinique mobile MSF devant le centre de Zervou à Samos. Grèce. 2022.
Vue du camion de la clinique mobile MSF devant le centre de Zervou à Samos. Grèce. 2022.   © MSF/Evgenia Chorou

Dans les îles grecques de la mer Égée, depuis septembre 2021, des « centres fermés à accès contrôlé » pour les migrants voient le jour avec le soutien de l’Union européenne. Dans celui de Zervou, situé sur l’île grecque de Samos, les équipes de Médecins Sans Frontières ont documenté les effets désastreux des conditions de vie sur la santé mentale des demandeurs d’asile.

Clôtures barbelées de qualité militaire, contrôle biométrique, forte présence sécuritaire et protocoles stricts de contrôle des entrées et de sorties : les centres fermés à accès contrôlé ressemblent à s’y méprendre à des prisons. Trois d’entre eux ont ouvert à Samos, Leros et Kos, et deux autres devraient ouvrir en 2023 à Lesbos et Chios. Depuis avril 2022, les équipes de Médecins Sans Frontières gèrent une clinique mobile dans celui de Zervou, où elles se rendent trois fois par semaine.

« Certaines personnes que nous recevons en consultation ont subi des agressions sexuelles, ont été passées à tabac ou ont vu des membres de leurs familles mourir lors de naufrages. Elles ont toutes souffert lors de leur voyage éprouvant, explique Nicholas Papachrysostomou, chef de mission MSF. Ces centres fermés, conçus sur un modèle carcéral, ont des effets néfastes sur elles. »

Entre septembre 2021 et septembre 2022, 40 % des patients qui ont bénéficié d’une consultation en santé mentale par les équipes MSF à Samos présentaient des symptômes liés à un traumatisme psychologique. La situation continue de se détériorer : « Aujourd'hui, ils souffrent tous de détresse psychologique, explique Elise Loyens, coordinatrice médicale MSF en Grèce. Les symptômes sont les mêmes : courbatures, dissociation, dépression, troubles du sommeil. Ils se sentent humiliés par ces conditions de vie. »

Un promoteur de santé MSF en discussion avec un patient dans le camion de la clinique mobile MSF devant le centre de Zervou à Samos. Grèce. 2022.
 © MSF/Evgenia Chorou
Un promoteur de santé MSF en discussion avec un patient dans le camion de la clinique mobile MSF devant le centre de Zervou à Samos. Grèce. 2022. © MSF/Evgenia Chorou

Un des patients des équipes MSF décrit le centre de Zervou comme une « punition mentale ». Il quitte rarement sa chambre, pour éviter d'être confronté aux barbelés et à la présence policière. « Un autre facteur de stress majeur pour nos patients est le manque de clarté autour du processus d'asile, explique Sonia Balleron, coordinatrice de projet MSF à Samos. C’est un poids supplémentaire sur leur santé mentale et physique. » Les demandeurs d’asile n’ont pas accès aux informations sur leurs droits à un soutien juridique, médical et psychosocial et se rendent souvent au premier entretien de leur procédure sans avoir reçu de conseils adaptés.

« Si on compare le centre de Zervou aux camps précédents, il est juste de dire qu’il présente certaines améliorations, poursuit Sonia Balleron. Ces personnes habitent dans des conteneurs plutôt que dans des tentes et il y a moins de surpeuplement que dans les anciens camps. Cependant, le centre de Zervou est un environnement hostile et il échoue à offrir des conditions d’accueil humaines et dignes. » 

L’éloignement du centre de Zervou contribue également à marginaliser les demandeurs d’asile et les bus qui font la liaison avec la ville de Vathy leur sont inabordables. Le centre fermé à accès contrôlé prévu à Lesbos devrait, quant à lui, être situé à  33 kilomètres de la ville de Mytilène. Une telle distance renforcerait d’autant plus le sentiment d’isolement, tout en mettant en évidence la logique de ségrégation qui sous-tend la construction de ces centres.

« Notre expérience dans le centre de Zervou souligne les dangers liés à ces centres fermés, conclut Nicholas Papachrysostomou. Les demandeurs d'asile doivent avoir accès à des soins médicaux de qualité en continu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les autorités devraient investir dans des conditions d'accueil dignes et des logements sûrs, et mettre en place des programmes d'intégration. Ces personnes ont besoin d’évoluer dans un environnement sûr et humain. Ils doivent pouvoir déposer et suivre leur demande d'asile sans risquer de nouveaux traumatismes. »

À lire aussi