Épilepsie au Liberia : surmonter la stigmatisation pour accéder au traitement

Une membre des équipes MSF de promotion de la santé lors d'une séance d'activités sur la santé mentale dans une clinique du quartier de West Point à Monrovia. Liberia. 2019. 
Une membre des équipes MSF de promotion de la santé lors d'une séance de formation sur la santé mentale, dans une clinique du quartier de West Point à Monrovia. Liberia. 2019.  © Clément Lier/MSF

L'épilepsie est le trouble neurologique chronique le plus répandu dans le monde, affectant 50 millions de personnes selon l'Organisation mondiale de la Santé. 80 % des épileptiques vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire où ils n’ont pas, en grande majorité, accès à des traitements. Au Liberia, les équipes MSF luttent contre la stigmatisation qui entoure cette maladie méconnue et offrent des diagnostics et une prise en charge adaptés.

Nango avait neuf ans lorsqu'il s’est blessé à la tête dans un accident de vélo. C’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à avoir des convulsions. À l'école, ses crises à répétition effrayaient certains de ses camarades de classe, qui lui avaient clairement fait savoir qu'ils ne voulaient pas de lui, pensant peut-être qu'il s'agissait d'une maladie contagieuse. Nango a donc quitté le système scolaire. « Sa famille était confuse et ne savait pas quoi faire, explique Abraham Kollie, un travailleur psychosocial de MSF au Liberia. La famille a cru que c'était spirituel, comme de la sorcellerie. Il a été emmené chez des guérisseurs traditionnels au Liberia et en Sierra Leone, mais les traitements n'ont rien donné. »

Ce n'est qu'en janvier 2018, huit ans après le début de ses symptômes, que Nango a trouvé la prise en charge dont il avait besoin, après que sa famille a assisté à une réunion d’information organisée par MSF. L’association avait commencé à fournir des traitements contre l'épilepsie et des soins de santé mentale, en collaboration avec des établissements de santé, à Monrovia et dans le comté de Montserrado. Nango a finalement été diagnostiqué épileptique.

Une crise négligée

L'épilepsie, maladie chronique du cerveau caractérisée par des crises récurrentes, peut avoir diverses causes, notamment des complications lors de l'accouchement ou des infections qui affectent le cerveau, mais elles sont parfois impossibles à établir. « En Afrique, la prévalence de cette maladie est très élevée et le personnel qualifié fait défaut, explique Léonard Nfor, un neurologue qui rentre d’une mission avec MSF au Liberia. Il faut donc trouver un système dans lequel l'épilepsie puisse être soignée malgré l'absence de spécialistes de la maladie. »

Nango à son domicile. Il reçoit des traitements contre l'épilepsie grâce à une structure de santé soutenue par MSF dans le comté de Montserrado. Liberia. 2022.
 © Jean-Clement Ishimwe/MSF
Nango à son domicile. Il reçoit des traitements contre l'épilepsie grâce à une structure de santé soutenue par MSF dans le comté de Montserrado. Liberia. 2022. © Jean-Clement Ishimwe/MSF

Au Liberia, MSF s'est associée aux autorités sanitaires du comté de Montserrado pour former et superviser des cliniciens en santé mentale dans cinq centres de santé. Les cliniciens diagnostiquent et traitent l'épilepsie et les troubles psychiatriques avec les conseils du personnel spécialisé de MSF, comme Léonard Nfor.

Les médicaments jouent un rôle clé dans le contrôle des symptômes, tandis que le conseil aide les patients à comprendre comment gérer leur situation. Les travailleurs de santé communautaire et psychosociaux informent sur la maladie et les traitements, tout en travaillant avec les familles et les communautés pour réduire la stigmatisation sociale que subissent de nombreux patients. MSF fournit désormais un traitement à plus de 1 200 personnes souffrant d'épilepsie et à près de 600 patients souffrant de troubles psychiatriques.

Lutter contre la stigmatisation

L'expérience de Nango en matière de décrochage scolaire est loin d'être unique. Plus de la moitié des patients épileptiques de MSF sont des enfants en âge d’être scolarisés, mais la majorité d’entre eux ne fréquentent pas l'école, notamment pour des raisons financières ou liées à leur état de santé. Près de 10 % d’entre eux sont sortis du système scolaire en raison de l’épilepsie, selon les données récoltées par MSF.

Après que Nango a été mis sous traitement, un travail a été mis en place pour qu’il puisse retourner à l’école. « Notre équipe psychosociale continue de travailler avec Nango et sa famille par le biais de visites à domicile, d'appels téléphoniques et de sessions psychoéducatives dans son école, explique Abraham Kollie. Après une sensibilisation intensive sur l'épilepsie auprès des élèves et du personnel administratif, Nango a finalement été accepté à l'école. »

Il y a deux ans, Nango a obtenu son diplôme d'études secondaires et il est maintenant enseignant. Ses symptômes sont bien contrôlés par les médicaments et il travaille également à sensibiliser les personnes qu’il rencontre sur l’épilepsie et les traitements disponibles. En cette Journée internationale de l'épilepsie, le 14 février 2022, les travailleurs psychosociaux de MSF se rendent dans les centres de santé et les écoles du comté de Montserrado pour effectuer des sessions de sensibilisation. Leurs T-shirts portent un message clair destiné à réduire la stigmatisation que Nango et de nombreux autres patients ont subie. Il est écrit : « L'épilepsie n'est pas contagieuse. »

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