En Afrique, un nombre infime de malades du paludisme ont accès à des médicaments efficaces
En
Afrique, une proportion infime des patients atteints de paludisme sont
soignés avec des traitements efficaces. Pourtant, ceux-ci existent et
pourraient les guérir en quelques jours. Si, dans de nombreux pays
africains, les combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (ACT)
sont préconisées dans le traitement du paludisme, elles sont, de fait,
très peu utilisées.
"Ici à Dabola, nous parvenons à offrir des ACT et à guérir nos patients en trois jours. Mais à seulement 40 km d'ici, la situation est complètement différente : la population ne reçoit pas ces meilleurs traitements. Le gouvernement a pourtant officiellement changé de protocole il y a un an déjà", explique Barbara, coordinatrice médicale en Guinée Conakry. "Le paludisme est la première cause de mortalité ici, avec plus de 15% de tous les décès recensés dans les structures de soins."
La Guinée est loin d'être un cas isolé. Les équipes de MSF dans plusieurs pays d'Afrique rapportent des expériences similaires. Au Soudan, au Kenya, en Côte-d'Ivoire, en Sierra Leone, par exemple, les ministères de la Santé continuent d'utiliser soit la chloroquine qui est largement reconnue comme inefficace, soit la sulfadoxine-pyrimethamine ou l'amodiaquine en monothérapie. "Utiliser une seule de ces molécules favorise à court terme l'émergence de résistances", explique le Dr Suna Balkan, médecin spécialiste du paludisme à MSF. "C'est un véritable gâchis car en associant l'un de ces médicaments à l'artésunate - dérivé de l'artémisinine -, non seulement le traitement est très efficace mais aussi l'apparition des résistances est retardée. Or ces combinaisons thérapeutiques sont possibles depuis longtemps et disponibles depuis 2003 sous forme de plaquettes contenant les deux médicaments*".
Près de 40 pays africains ont adopté les ACT comme protocole national de traitement contre le paludisme, les traitements sont disponibles et les financements peuvent être obtenus... Alors pourquoi plus des deux tiers de ces pays ne mettent pas du tout en oeuvre cette nouvelle politique de soins ou ne le font que très lentement ? Par manque de volonté politique certainement, mais également par manque de moyens : absence d'expertise sur le terrain pour améliorer le diagnostic du paludisme et son traitement, aide insuffisante pour la diffusion des connaissances sur ces produits et manque de soutien technique à la mise en place de ces traitements dans les structures de santé. "L'une des difficultés des ministères de la Santé est de monter seuls et sans soutien des propositions de prise en charge du paludisme qui tiennent la route et qui vont leur permettre d'obtenir des financements de la part du Fonds Mondial", ajoute Suna Balkan. "Or, c'est le rôle de partenaires comme l'Organisation mondiale de la santé ou Roll Back Malaria** d'apporter ce soutien technique". De toute évidence, il existe un manque de coordination entre ces acteurs et les différents bailleurs de fond.
"Sans des mesures rapides pour assurer que des médicaments efficaces atteignent les gens qui en ont besoin, les décisions des gouvernements demeureront virtuelles et insignifiantes pour ceux qui sont censés en bénéficier", soutient le Dr Karim Laouabdia, directeur de la Campagne d'Accès aux Médicaments Essentiels de MSF.
** Roll Back Malaria : partenariat de différents acteurs (pays touchés par de paludisme, laboratoires, organismes de recherche, fondations, bailleurs de fonds, etc ) oeuvrant pour la lutte contre le paludisme.